Courrier des lecteurs

Bioéthique : Les hommes jouent au poker avec le patrimoine humain

Publié le 07/10/2019

« Avant que de naître l'enfant est une lueur dans l'œil de son père »,écrit John Irving, dans « Le monde selon GARP ».

L’Académie de médecine souligne la rupture anthropologique : « La conception délibérée d’un enfant privé de père » signe « une rupture anthropologique majeure qui n’est pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant ». Ses réserves ont été brocardées par le gouvernement estimant que ses « avis datent ». La vieille garde des badernes contre le jeunisme totalitaire du nouveau monde désincarné, ignorant le principe de précaution !

Le silence assourdissant des sociétés savantes médicales est navrant, notamment celles des psychiatres et des pédopsychiatres. Sur 15 388 psychiatres en France, trois ont été auditionnés. Ils n’ont pas été entendus.

Même le Syngof, échaudé, baisse les bras après les attaques orchestrées qu’il a essuyées : d'abord le gynéco-bashing, suivi de la demande de suppression de la clause de conscience pour les IVG, et enfin le communiqué du Conseil National de l’Ordre des Médecins le condamnant avant tout jugement de la plainte portée à son encontre. Le syndicat avait évoqué une menace de grève des IVG, acte sans visée thérapeutique, puisque la clause de détresse a été supprimée, etc.

On a tous a compris qu’il ne faisait pas bon s’opposer à une promesse gouvernementale soumise à la dictature des minorités et au totalitarisme.

L’élargissement de la PMA pour toutes ouvre la porte à la GPA pour tous et aux procréations artificielles commercialisées. La banalisation de la PMA n’est pas une évolution sociétale mais la dictature d'une minorité ;elle répond à l’exigence d’une poignée de personnes obnubilées par leurs seuls intérêts, dans la toute-puissance de leurs désirs, soutenues par un lobbying puissant. Ce saut de registre est une véritable mutation paradigmatique dont personne n'est capable de mesurer les conséquences.

Le retour du grand Knock

Le remboursement de la PMA, acte médical, sans visée thérapeutique pour des demandeuses bien portantes est un dévoiement des missions de la médecine, un détournement du budget de la Sécurité Sociale, une instrumentalisation des médecins.

Le mirage de la PMA à tout âge représente un risque médical dissimulé aux femmes. La société doit recevoir une information claire, loyale, appropriée selon les données de la science.

Quid du no man’s land et de la perte de chance des enfants fabriqués avec un double don de gamètes, nés du néant, jetés dans un vide, amputés d'origine, de passé, d'histoire ? Délibérément conçus sans père ou sans mère seront-ils à la recherche d’un « in vitro veritas » ?

Quid de la filiation papier, de déclaration anticipée de reconnaissance papier (comme pour les fins de vie), toutes ces promesses papiers qui finissent en milliers d'embryons congelés dans les frigos du Cecos ?

L'ouverture du commerce de la procréation artificielle aux entreprises privées favorisera le proxénétisme procréatif du marché international : les fermes bétaillères de mères porteuses d’Asie du Sud Est en sont un modèle désastreux.

Quid du médecin et du pédopsychiatre augmenté face à l'enfant génétiquement bricolé ?Bonjour Cronos, adieu Œdipe, le Minotaure nouveau est arrivé traînant dans son labyrinthe la « rupture anthropologique », l’univers des chimères homme-cochon, des embryons génétiquement modifiés et des clonages de primates, hors de toute visée thérapeutique et dans le silence des veaux.

La destruction de l’embryon humain est portée à 14 jours au lieu 7 semaines pour répondre à la compétition scientifique (Article 14 15 17 du projet de loi bioéthique).

Les risques de mise en péril irréversible du patrimoine génétique humain ont été gommés par une commission réduite et acquise. Dans un hémicycle vide avec trois quarts des députés abonnés absents, le reste muselé par des votes à la louche, l’a-venir des enfants s’est vendu et celui des femmes s’est bradé.

L’association française des femmes médecins espère que les sénateurs auront l’indépendance et le bon sens de mesurer tous les enjeux.

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Dr Isabelle Gautier, Psychiatre, Paris (75) Présidente de l’Association Française des Femmes Médecins

Source : Le Quotidien du médecin