La réforme du troisième cycle des études médicales a rendu le Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoire Supervisé (SASPAS) - ou stage ambulatoire de niveau 2 - obligatoire en cours de troisième année de DES de médecine générale. Ce SASPAS, stage professionnalisant, permet à l'interne de consulter en autonomie supervisée : le maître de stage reste joignable, et une supervision pédagogique de tous les actes doit avoir lieu (sous forme de débriefings quotidiens). C’est souvent la première fois que ces jeunes médecins peuvent suivre des patients à moyen terme, exercer la spécialité qu’ils ont choisie et tisser les premiers liens médecins/patients. Situation singulière qui a d'ailleurs inspiré deux thèses récentes (1) et (2).
L’information des patients sur la réalisation de la consultation par un interne est donnée soit par écrit (une affiche est apposée en salle d’attente), soit par le maître de stage ou plus généralement au moment de la prise de rendez-vous (soit sur les logiciels dédiés soit par les secrétariats). Pourtant certains patients, les plus âgés, comprennent mal le rôle de l’interne et se sentent déstabilisés par un médecin qui est plus jeune et parfois pas du même sexe que leur praticien habituel. La rencontre avec un nouveau soignant est un moment qui peut être difficile et « qui va à l’encontre même de la fonction du médecin traitant chargé du suivi », note l'un de ces jeunes praticiens contactés, qui cite la réflexion un peu abrupte d'un patient : « vous allez avoir du mal à tout mettre bout à bout, mon médecin me connaît, lui, depuis 20 ans ».
La place du SASPAS peut être complexe à comprendre. Par simplification, la plupart des jeunes médecins ne contredisent pas les patients qui les qualifient de « remplaçants » ou de « futur successeur », ce qui peut engendrer des quiproquos au bout de quelques consultations lorsqu’une demande de changement de médecin traitant émane.
Lorsqu’il existe une incompréhension du rôle du SASPAS, les consultations débutent moins sereinement. Parfois les internes ressentent une exaspération au moment de l’interrogatoire de la part de personnes qui ne souhaitaient qu’un renouvellement de traitement et non une reprise des antécédents et un examen clinique complet. Et lorsqu’ils remettent en cause un diagnostic du médecin traitant, certains se heurtent à des doutes voire une remise en question de leur savoir médical (« j’en parlerai à votre tuteur », « vous n’êtes pas sûr de vous, puisque vous m’envoyez faire des examens complémentaires »).
Aubaine ou malchance ?
Le regard suspicieux des patients peut être mal vécu, en particulier par les SASPAS, qui, de fait, n’ont pas encore confiance en eux et qui, contrairement à l’hôpital, ne peuvent pas s’appuyer sur des seniors pour argumenter. Certains parlent de dévalorisation quand les patients leur affirment : « j’ai accepté d’être consulté par vous seulement parce que le médecin titulaire n’est pas là ». Ou qu’ils précisent : « je ne veux pas être celui sur qui vous faites vos premières armes ». Ironie du sort, lorsque ces mêmes jeunes médecins effectuent des remplacements en plus de leur formation d’interne en fin de cursus, personne ne doute de leurs compétences.
Autre pierre d’achoppement, les recours administratifs et les dossiers complexes (ALD, invalidité…) avec lesquels les plus jeunes sont les moins familiarisés. Ainsi, pour cette interne, « appeler le maître de stage pour qu’il m’aide à remplir un dossier pour une assurance a exaspéré un patient qui m’a dit qu’il reviendrait plus tard quand je ne serai pas là. J’en ai pleuré et je n’ai même pas senti de soutien du médecin qui aurait dû m’accompagner pour faire face à cet incident ».
Mais globalement, les patients se déclarent satisfaits d’avoir pu consulter un SASPAS avant tout parce qu’« ils sont plus ponctuels que les médecins titulaires », qu’« ils passent plus de temps et sont plus disponibles pour aborder plusieurs sujets en consultation » et qu’« il est plus facile d’avoir un rendez-vous avec eux pour une urgence de bobologie qu’avec le médecin traitant ». Comme l’analyse une des internes interrogées, « si les patients sont satisfaits c’est aussi parce que c’est l’une des premières fois de notre carrière que l’on peut réellement exercer notre fonction de médecin généraliste sans la pression du système hospitalier et comme on l’imagine dans un proche avenir ».
Parfois les affinités entre SASPAS et patients sont telles que les consultations d’internes sont privilégiées au détriment du médecin traitant. Même si des jeunes médecins se sont sentis valorisés par ces demandes, certains maîtres de stage ont pu parfois se montrer acerbes dans un tel cas de figure…
Vallée Elisabeth. Thèse : Ressenti des patients ayant consulté un interne en SASPAS (Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoire supervisé) au cabinet de leur médecin généraliste dans la région Rennaise en 2016. Etude qualitative.
Giannetti M. Thèse : Satisfaction des patients après une consultation avec un interne autonome en stage ambulatoire de médecine Générale (SASPAS).
Exergue : La perception du SASPAS par certains patients peut parfois engendrer des quiproquos