Je suis appelé au chevet de Noémie, 75 ans, qui depuis quelques jours présente une dyspnée d’effort. Cette symptomatologie devient très invalidante, et dans ce contexte son fils et sa bru (elle loge chez lui depuis plus de cinq ans pour des raisons budgétaires) lui ont vivement recommandé de me consulter.
Je connais assez bien cette patiente qui est hypertendue de longue date, mais depuis plus de deux ans je n’ai plus aucune nouvelle. Même si actuellement trouver un médecin traitant est souvent une « épreuve » difficile, je m’étais mis dans la tête qu’elle avait changé de médecin traitant depuis cette date car pour moi reconduire son traitement antihypertenseur est une nécessité. En fait la raison de cette « césure médicale » était tout autre.
Le coût mensuel de sa mutuelle était trop important pour sa bourse peu garnie
Cette personne retraitée ayant des moyens très limités avait pris la décision de ne plus se soigner du fait de tarifs très élevés de sa couverture santé complémentaire, tarifs qui avaient considérablement augmenté. Autrement dit le coût mensuel de sa mutuelle était trop important pour sa bourse peu garnie.
À notre arrivée nous avons posé le diagnostic d’angor d’effort, et nous avons pu constater des chiffres tensionnels très élevés (21/10) qui s’expliquent par cette rupture de soins. Nous avons orienté rapidement cette charmante personne vers le cardiologue de notre circonscription qui a secondairement envoyé Noémie vers le service de cardiologie. Elle est actuellement porteuse de deux stents, et elle est couverte en ce qui concerne cette pathologie (coronaropathie) à 100 % pour tous les frais en rapport.
Inégalités en ce qui concerne les soins
Depuis cette période je reçois régulièrement cette patiente avec laquelle nous avons pu discuter à maintes reprises en ce qui concerne le domaine de la santé. C’est ainsi qu’elle m’a posé différentes questions sur son comportement (décision de ne plus recevoir son traitement antihypertenseur) qu’elle a jugé irresponsable. Elle a également demandé si l’arrêt de son traitement n’a pas été un des facteurs majorant sa coronaropathie. En parallèle nous avons disserté très longuement sur notre système de santé et ses travers. Elle s’est offusquée des tarifs pratiqués par sa complémentaire santé. Je lui ai expliqué que ces organismes n’étaient pas nécessairement de grands philanthropes, et il fallait avant tout qu’elles puissent être rentables du fait de charges de plus en plus importantes demandées par l’exécutif.
Par contre je suis resté à son écoute dès lors qu’elle m’a expliqué que ses voisins sans travail depuis quelques années bénéficiaient de « largesses » en ce qui concerne la santé (ils bénéficient de la C2S), et de ce fait consultent plus régulièrement qu’elle le médecin généraliste. Poursuivant son discours, elle m’a dit qu’elle avait travaillé plus de 40 ans dans une usine comme ouvrière spécialisée, et elle a reconnu le fait qu’il était normal d’avoir un salaire minimal (le SMIC) car elle n’avait pas fait d’études.
Par contre j’ai pu prendre en compte son incompréhension concernant le fait qu’en ayant travaillé toute sa vie il ne soit pas normal qu’elle ne puisse pas être soignée de manière aussi correcte que ses voisins qui selon ses dires « se complaisaient dans l’oisiveté ». Les paroles de Noémie m’ont quelque peu attendri, et m’ont fait pointer du doigt le fait qu’une frange de la population française, méritante au demeurant, ne se soigne pas du fait de l’absence de ressources pour souscrire une complémentaire santé.
Cette idée m’a quelque peu choqué, et de ce fait j’ai compris que notre système de santé est parfois inégalitaire.
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