Courrier des lecteurs

L’agonie programmée de la médecine aux armées

Publié le 17/07/2020

Dans le Quotidien du Médecin du 30 juin dernier (« Le service de santé des armées à bout de souffle »), le Sénat s’alarme du sous-financement du service de santé des armées (SSA ) aujourd’hui dans une situation critique. Quinze postes d’élèves médecins supplémentaires sont proposés chaque année depuis 2019. Outre qu’il faut de nos jours neuf à dix ans au moins pour former un médecin, c’est là un cautère sur une jambe de bois, car nous assistons à l’agonie programmée de la médecine aux armées qui dans notre pays avait acquis au fil des siècles, sous tous les régimes, de la Royauté aux diverses Républiques en passant par l’Empire, un prestige universel.

Lorsque je suis entré le 15 octobre 1948 à l’École du Service de Santé des Armées de Lyon, la médecine militaire française au sens historique du terme était partout dans le monde, avec au moins 40 hôpitaux rien qu’en métropole, plus quelques autres en Allemagne occupée, et de nombreux aussi en Afrique du Nord, avec à Constantine la découverte en 1880 de l’hématozoaire du paludisme par le médecin-major Alphonse Laveran, premier Prix Nobel français de médecine en 1907. Oui nous étions partout, des rizières d’Indochine aux brousses, savanes, forêts africaines. Et aussi les immensités des océans. Sur tous les continents. Dans les villes qui se voyaient dotées par nos soins d’infrastructures sanitaires d’hôpitaux, de centres de recherche, d’Instituts Pasteur, d’établissements d’enseignement, de facultés dont se trouveraient dotés les nouveaux État au moment des indépendances. Des médecins et pharmaciens de chez nous représentaient la France dans les plus hautes instances internationales : O.M.S, F.A.O…

Jusqu'à 40 hôpitaux militaires à l'époque

Il est vrai que nous étions des milliers de médecins, pharmaciens, vétérinaires issus de nos Écoles de Lyon et Bordeaux : en moyenne entre 200 et 250 par an, les élèves de Santé Militaire de Lyon et de Santé Navale de Bordeaux représentaient environ 10 % des docteurs en médecine chaque année. Et en plus, des vocations tardives, c’est-à-dire des médecins qui s’engageaient alors qu’ils avaient fait leurs études sans passer par nos Écoles, comme Alexandre Yersin qui devait découvrir le bacille de la Peste.

Pendant des décennies nous étions renforcés par les milliers de médecins, pharmaciens, dentistes, vétérinaires du service militaire devenu service national. Pour les élèves de l’unique École de Bron, après la fermeture de Santé Navale à Bordeaux, qui n’ont d’autre horizon que les Opérations Sentinelle ou Résilience, ou quelque Opération Extérieure comme Barkhane qui s’enlise au Sahel, après l’Afghanistan, que peuvent bien signifier « Pro patria et humanitate mari transve mari hominibus semper prodesse », devises de nos Écoles dans leur période de gloire.

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Médecin en chef (er) Yves Pirame, Ancien Médecin des Hôpitaux des Armées

Source : Le Quotidien du médecin