Courrier des lecteurs

Un manque d'anticipation coupable…

Publié le 08/09/2023
Article réservé aux abonnés

En début d’été nous avons eu quelques pistes concernant la 4e année composant la maquette du futur internat de médecine générale.

Cependant de nombreuses questions restent en suspens :

- Choix des lieux de stage (désert « relatif ou important ») qui sera effectué en fonction du classement ou du tirage au sort ?

- Quelle sera la nature de la prestation à effectuer au sein des cabinets de médecine générale situés dans des déserts médicaux, et de quelle façon cette activité sera évaluée ?

- Quelles aides matérielles et financières et propositions éventuelles de logement seront apportées par les municipalités demandeuses d’étudiants, et existera-t-il un moyen de contrôle pour s’assurer que les conditions d’accueil seront de qualité ?

- Quelle sera la rétribution de ces internes, et sur quelle base ? On a trop facilement fait croire à la plèbe qu’ils toucheraient 4 500 € nets (cela correspond à une base maximale de travail, et pas une moyenne).

- De quelle manière, et par qui ces jeunes seront pris en charge (praticiens aguerris comme les maîtres de stage des universités [MSU]), et sur quelle base de financement ?

- Quid de la possibilité de travail au sein du secteur hospitalier ? Quel intérêt pour des futurs praticiens libéraux pour la plupart ?

Des étudiants désorientés

Dans ce contexte nous voyons que les étudiants, qui vont devoir début septembre faire le choix de leur spécialité, sont quelque peu désorientés du fait du manque d’informations concernant cette nouvelle maquette.

Ce qui est étonnant dans cette situation, c’est de voir que différents acteurs en charge de la réforme se sont réunis depuis de nombreux mois, et que les conclusions de leurs concertations ne sont actuellement toujours pas établies de manière claire.

Il est quelque peu déstabilisant pour les étudiants, mais aussi pour notre système de santé, de voir la légèreté de la prise de position de l’exécutif sur ce sujet.

Nous devons former des étudiants, et pour des motifs purement politiques, on rajoute une année supplémentaire de formation ; tout cela pour satisfaire les citoyens qui sont heureux dans ce contexte d’apprendre qu’ils pourront avoir plus rapidement un accès aux soins.

Lorsqu’on note que certains politiques ont martelé que les futurs internes auront la possibilité de ne pas aller dans un désert médical, la réalité est bien différente car bien entendu ce type de discours était une nouvelle fois très démagogique pour calmer l’ardeur syndicale.

Cependant on oublie trop facilement le désarroi des futurs confrères engendré par cette nouvelle donne. Comment ne pas prendre en compte le fait que certains de ces internes sont en couples et devront durant une année se sacrifier pour aller dans une zone pas nécessairement agréable pour leur propre épanouissement ?

Tout aussi déstabilisant, et développé sur le site du « Quotidien », c’est la position de l’exécutif qui explique que cette 4e année va permettre aux futurs généralistes « de compléter leur formation ». Il est vrai que jusqu’à présent les étudiants formés par les MSU (j’en suis un) n’avaient pas la même capacité que leurs collègues pour devenir des praticiens de qualité.

Des risques pour la santé de ces futurs médecins

Ce qui est très irritant, c’est de voir que les politiques trouvent toujours des motifs malvenus pour masquer leur volonté d’utiliser ces jeunes afin de donner une image positive de notre système de santé auprès des Français. Il est par ailleurs très étonnant que les syndicats médicaux (étudiants ou non) soient muets, et réagissent très peu.

Or, l’enjeu de cette nouvelle réforme est énorme, car au-delà du manque réel de préparation de cette nouvelle maquette, nous allons détourner un nombre non négligeable d’étudiants de la médecine générale vers d’autres spécialités.

Pour ma part je reste, comme par le passé, très vigilant à la détresse de ces jeunes étudiants qui vont pour certains exprimer au décours de cette année supplémentaire dépression ou anxiété du fait de conditions de travail imposés.

Je me propose (j’y mets un point d’honneur) d’accompagner, et de recevoir ces jeunes étudiants, cela d’autant plus que cette nouvelle réforme a des grandes chances d’avoir des conséquences sur la santé de ces internes.

Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans « Le Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à aurelie.dureuil@gpsante.fr

Pierre Francès Médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin