LE QUOTIDIEN : Vous consacrez une matinée de votre congrès à la création de votre nouveau syndicat « Avenir Spé ». Cette fois, vous vous émancipez de votre maison mère, la CSMF ?
Dr PATRICK GASSER : Il ne faut pas le prendre comme une émancipation ou la contestation d'un syndicat mais comme une remise en cause du syndicalisme médical dans sa globalité ! Aujourd'hui, il est difficile, voire impossible, pour une centrale polycatégorielle de faire entendre toutes les voix qui la composent. Sauf que nous ne pouvons plus avoir de réserves quant à la position des médecins spécialistes face aux réformes et aux mutations de l'exercice.
Nous voulons affirmer notre volonté d'une parole libre et forte. Dans la création d'Avenir Spé, il n'y a ni opposition, ni volonté de tuer tel ou tel. Mais il est urgent que la voix des spécialistes puisse être enfin entendue sur tous les sujets. Pour cela, il nous faut une instance politique forte et l'unité syndicale. C'est pourquoi Avenir Spé est dédié à la cause de tous les spécialistes – quel que soit leur statut, leur mode d’exercice ou leur appartenance syndicale.
Quels sont vos objectifs ?
Le syndicalisme médical doit faire sa mutation profonde, se renouveler. Par exemple, c'est une chose de négocier et de signer une convention mais il faut ensuite l'expliquer sur le terrain. Je souhaite qu'on accompagne mieux les spécialistes dans la mise en place de décisions conventionnelles, législatives ou contractuelles, sur le plan juridique ou financier, par exemple, sur les assistants médicaux qui peuvent faire peur.
De surcroît, le fait de se constituer en syndicat unique rendra plus fort pour négocier. Regardez le Québec ! C'est très terre à terre, mais si les praticiens québécois gagnent aussi bien leur vie, c'est qu'il n'y a que deux grands syndicats [la fédération des médecins omnipraticiens du Québec et celle des médecins spécialistes du Québec, NDLR]. Quand vous avez 100 000 praticiens qui appartiennent à un mouvement, le rapport de forces n'est plus le même !
Vous avez invité d'autres leaders syndicaux libéraux et hospitaliers. Sont-ils prêts à vous suivre ?
Je pense qu'ils se rangent à l'idée qu'il faut une autre représentation des spécialistes, dans toutes leurs composantes. Demain, les jeunes passeront du libéral au salariat, voire feront les deux en même temps. Il va falloir trouver une osmose entre ces deux mondes afin de porter les grands sujets de nos métiers et leurs évolutions.
Les statuts du futur syndicat, déjà écrits, seront présentés lors de ces états généraux et seront suivis en décembre par une assemblée constitutive. Il y aura plusieurs collèges au sein de cette structure : un avec les verticalités, pour chaque spécialité, un pour les cotisants directement – chaque médecin pouvant cotiser même s'il n'est pas membre d'une verticalité – et un pour les spécialistes salariés. Il y aura plusieurs portes d'entrée.
Quels sont les sujets sur lesquels les spécialistes sont relégués au second plan ?
Nous sommes très rarement entendus. Récemment, il y a eu une réunion au ministère sur la crise des urgences, qui s'est assez mal passée. Les syndicats ont eu très peu la parole et la médecine spécialisée n'a jamais été évoquée. Et la seule réaction des quatre grands syndicats – CSMF, FMF, SML et MG France – a été un communiqué un peu mou… Autres exemples : dans le cas de la réforme des autorisations ou de la révision de la nomenclature des tarifs CCAM, on nous impose les choses, ce n'est que de la consultation de salon !
Si on veut innover, on doit s'appuyer sur toutes les forces en présence. Hélas, la médecine spécialisée est négligée et ce, alors même que les patients veulent plus d'expertise et qu'il y a désormais davantage de spécialistes que de généralistes. Sur l'accès aux soins, il ne faut plus un médecin à chaque pied de clocher, mais plutôt un professionnel de santé avec des délégations de tâches et de la coopération. Nous devons porter ces sujets.
Avez-vous des ambitions pour les prochaines élections aux URPS ?
Je ne peux pas faire de plans sur la comète. Les élections se tiendront soit en octobre 2020, soit en mars 2021. Nous verrons si nous sommes là ; montons marche par marche. J'espère qu'Avenir Spé sera porté par le plus grand nombre possible de médecins. Les apparatchiks, c'est terminé ! Aujourd'hui nous avons une pléthore de syndicats médicaux, mais nous n'avons jamais eu aussi peu de syndiqués. Il faut se remettre en cause.