ORL

ANTIBIOTIQUES ET SINUSITES MAXILLAIRES DE L'ADULTE

Publié le 20/02/2015
Article réservé aux abonnés
Une récente méta-analyse de la Cochrane montre que la prescription d’antibiotiques est inutile huit fois sur dix. L’application stricte des critères sémiologiques évite les surdiagnostics et donc les surtraitements.

Antibiotics for acute maxillary sinusitis in adults (Review)Ahovuo-Saloranta A, Rautakorpi UM, Borisenko OV, Liira H, Williams Jr JW, Mäkelä M.Cochrane Database of Systematic Reviews 2014, Issue 2. Art. No.: CD000243. DOI:10.1002/14651858.CD000243.pub3.

Contexte

Réparties sur un an, les sinusites aiguës concernent en moyenne 1 % des actes en médecine générale soit

1 patient par semaine (1). En Europe, 80 % des patients reçoivent une prescription d’antibiotique à la suite de ce diagnostic (2) alors que l’efficacité de ces médicaments dans cette situation clinique est controversée.

Objectif

Évaluer le rapport efficacité/effets indésirables des antibiotiques dans la sinusite maxillaire aiguë de l’adulte vs placebo et entre les différentes classes d’antibiotiques.

Méthode

Revue systématique de la littérature et méta-analyse des essais comparatifs vs placebo. La recherche bibliographique a été faite dans toutes les grandes bases de données. Les essais randomisés comparatifs versus placebo ou entre antibiotiques ont été sélectionnés. Ces essais devaient concerner les sinusites cliniquement diagnostiquées avec ou sans confirmation d’imagerie ou de culture bactérienne. Deux chercheurs ont indépendamment sélectionné les essais sur des critères communs, évalué leur qualité, leur niveau de preuve (grille GRADEpro) et extrait les données. Le critère de jugement principal était l’échec du traitement (défini comme l’absence de guérison totale ou d’amélioration clinique) à 7 et 14 jours. L’analyse statistique a été faite soit avec un modèle à effet fixe soit avec un modèle à effet aléatoire avec calcul du risque relatif d’échec et de son intervalle de confiance à 95 %.

Résultats

63 études ont été retenues : 9 études comparatives versus placebo (1 915 patients), dont 7 conduites en médecine générale et 54 essais comparant différentes classes d’antibiotiques entre elles.

La méta-analyse de 5 essais comparant la pénicilline ou l’amoxicilline au placebo a montré une réduction relative du risque d’échec thérapeutique de 0,66 ; IC 95 % = 0,47-0,94 sur le critère de jugement principal (niveau de preuve moyen).

Cependant, ce bénéfice clinique était modeste et peu cliniquement pertinent puisque 86 % des patients des groupes placebo étaient guéris ou améliorés à 2 semaines vs 91 % dans les groupes pénicilline. Par ailleurs, les antibiotiques réduisaient la durée des symptômes de 0,5 jour (en moyenne) sur 14 jours. Les 10 comparaisons directes entre diverses classes d’antibiotiques n’ont pas montré de différence significative.

Enfin, les effets indésirables ont été significativement plus fréquents dans les groupes antibiotique versus placebo, mais sans augmentation des arrêts de traitement pour effet indésirable (1,5 % vs 1 %).

Commentaires

Cette très récente revue de la littérature avec méta-analyse des essais comparatifs antibiotiques versus placebo est une mise à jour (peu de nouveaux essais) de la précédente qui avait abouti aux mêmes conclusions. D’un point de vue méthodologique, ce travail finlandais est bien fait, mais il repose sur des essais de qualité et de niveau de preuve moyen. Une méta-analyse, c’est comme une salade de fruits, sa saveur dépend de la qualité des fruits qui la compose.

› Globalement, ce travail montre que 20 % des patients adultes atteints de sinusite maxillaire aiguë pourraient bénéficier d’une antibiothérapie alors que dans la vraie vie, 80 % en reçoivent (1). Autrement dit, 60 % des antibiothérapies pour sinusite maxillaire aiguë sont inutiles, ce qui contribue à l’augmentation de la prévalence des résistances bactériennes (3). Ce décalage s’explique par la supposée difficulté à faire un diagnostic clinique de sinusite aiguë bactérienne en consultation et par la tendance « à se couvrir » avec des antibiotiques « au cas où », ou bien sous la pression du patient.

› Cependant, les caractéristiques cliniques d’une sinusite bactériennes sont bien définies :

- les symptômes surviennent dans les suites d’une rhinopharyngite banale (au-delà de 10 jours d’évolution) ou s’aggravent après 5 à 7 jours ;

- deux des trois symptômes suivants doivent être présents : douleur faciale sévère unilatérale spontanée ou à la pression, obstruction nasale complète ou écoulement purulent antérieur ou postérieur, hypo-anosmie ou anosmie (4).

› En pratique, ce faisceau de caractéristiques cliniques augmente considérablement la probabilité de sinusite bactérienne et optimise la balance efficacité/effets indésirables de l’antibiothérapie. La médecine générale étant une discipline en premier lieu guidée par la clinique et la sémiologie, il serait dommage, et dommageable pour les patients, d’oublier ces fondamentaux et d’adopter une prescription probabiliste inappropriée.

Santa Felibre (médecin généraliste enseignant). Correspondance : fmc@legeneraliste.fr

Source : Le Généraliste: 2710