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ANTIHYPERTENSEURS ET INSUFFISANCE RÉNALE

Publié le 05/02/2016
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L'association IEC +ARA 2 réduit la survenue d'insuffisance rénale chronique, mais accroît le risque d'hyperkaliémie et  d'insuffisance rénale aiguë.

Efficacité et tolérance comparatives des anti-hypertenseurs chez les patients diabétiques de type 2 en insuffisance rénale : méta-analyse en réseau.

Palmer SC, Mavridis D, Navarese E, et al.  Comparative efficacy and safety of blood pressure-lowering agents in adults with diabetes and kidney disease : a network meta-analysis Lancet 2015;385:2047-56.
 

CONTEXTE


L’insuffisance rénale chronique (IRC) est fréquemment associée (1) au diabète de type 2 (DT2). Cette association quadruple le risque CV (2). Dans cette population particulière, l’efficacité et le ratio bénéfice/risque des antihypertenseurs (et de chacune de leurs classes phar-macologiques) étaient mal établis, principalement par absence de comparaison directe (3) entre les différents principes actifs (et leurs associations).
 

OBJECTIF

Évaluer les bénéfices et les risques des antihyperten-seurs chez les patients DT2 souffrant d’IRC.
 

MÉTHODE


Méta-analyses en réseau. La recherche bibliogra-phique a répertorié les essais randomisés comparatifs ayant inclus des patients DT2 atteints d’IRC jusqu’à janvier 2014. Pour les comparaisons indirectes, les essais devaient comparer un antihypertenseur (seul ou associé) à un placebo ou pas de traitement. Pour les comparaisons directes, ils devaient comparer un antihypertenseur (seul ou associé) à un autre antihypertenseur (seul ou associé). Toutes les classes pharmacologiques étaient concernées : inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), antagonistes de l’angiotensine 2 (ARA2), bêtabloquants, alphabloquants, diurétiques, inhibiteurs de la rénine, antagonistes de l’aldostérone et inhibiteurs calciques.

  → Deux méta-analyses ont été faites. La première avait comme critère principal la mortalité totale. La mortalité CV, les infarctus du myocarde et les AVC étaient des critères secondaires. Le critère principal de la seconde était l’insuffisance rénale terminale définie par la nécessité d’une dialyse ou d’une transplantation. Pour la tolérance, les deux principaux critères de jugement étaient l’hyperkaliémie sévère (> 5,5 mmol/L), et l’insuffisance rénale aiguë. L’analyse statistique a été faite à l’aide d’un modèle à effet aléatoire en réseau (les effets de chaque classe pharmacologique ont été indirectement comparés au placebo ou pas de traitement et directement comparés à un comparateur actif en cas de données disponibles). Les résultats sont présentés en odds-ratio (OR) avec un intervalle de confiance à 95 %.
 

RÉSULTATS


157 essais regroupant 43 256 patients ont été retenus. Aucune classe pharmacologique (seule ou associée) n’a démontré qu’elle réduisait la mortalité totale vs placebo ou comparateur(s) actif(s). Il en était de même pour la mortalité CV, les infarctus du myocarde et les AVC. Comparativement au placebo, l’association IEC+ARA2 a significativement réduit l’incidence des insuffisances rénales terminales : OR = 0,62 ; IC95 = 0,43-0,90. Il en était de même pour les ARA2 seuls : OR = 0,77 ; IC95 = 0,65-0,92. En revanche, l’association IEC+ARA2 a augmenté l’incidence des hyperkaliémies sévères :  OR = 2,69 ; IC95 = 0,97-7,47 et des insuffisances rénales aiguës OR = 2,69 ; IC95 = 0,98-7,38.
 

COMMENTAIRES


→ Une méta-analyse en réseau est une méthode complexe et sophistiquée vouée à pallier l’absence de comparaison directe entre différents médicaments actifs dans la même maladie (HTA chez les patients DT2 insuffisants rénaux ici). Son objectif principal est de tenter de hiérarchiser le rapport bénéfice/risque de chaque classe en comparant leurs OR à un comparateur commun, le placebo le plus souvent, car toutes les classes se sont comparées à lui.

→ La communauté cardiologique avait été très séduite par l’association IEC+ARA2, susceptible de s’abaisser davantage la PA en renforçant le blocage du système rénine-angiotensine et donc, a priori, de réduire les événements cardiovasculaires. Malheureusement, l’essai ONTARGET (4), qui comparait l’association ARA2 + IEC à chacun de ses composants n’a pas montré de bénéfice CV clinique de l’association vs la monothérapie tout en augmentant significativement les syncopes, les hypotensions et les dysfonctions rénales

→ La présente méta-analyse en réseau avait pour objectif de faire le point sur la balance bénéfice/risque de toutes les classes d’antihypertenseurs chez les patients DT2 en insuffisance rénale. Aucune d’elles ne réduit la morbi-mortalité cardiovasculaire. Si l’association IEC+ARA2 réduit significativement la survenue d’insuffisance rénale terminale, c’est au prix d’une augmentation importante des hyperkaliémies et des insuffisances rénales aiguës, qui, même si elle n’est pas significative (borne inférieure de l’intervalle de confiance très proche du 1 par manque de puissance) doit faire renoncer à cette association.

→ En pratique, prescrire cette association à 1 000 patients DT2 avec IRC pendant 1 an, permettrait d’éviter 14 dialyses ou transplantations rénales au prix de 55 épisodes d’insuffisances rénales aiguës et de 135 hyperkaliémies sévères. Son ratio bénéfice/risque est donc particulièrement sujet à caution.

 

Dr Santa Félibre (généraliste enseignant)

Source : lequotidiendumedecin.fr