Rhumatologie 

ARTHROSE ET OBESITÉ

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Publié le 13/12/2019
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Au-delà du simple lien mécanique, chez les patients obèses une inflammation de bas grade en lien avec le syndrome métabolique – dite inflammation métabolique – favoriserait la survenue de lésions arthrosiques. La compréhension du rôle du tissu graisseux progresse et devrait permettre d’orienter la prise en charge d’un des rares facteurs modifiables de l’arthrose.
Arthrose et obésité

Arthrose et obésité
Crédit photo : SPL/PHANIE

L’indice de masse corporelle (IMC) moyen et la prévalence de l’obésité ont régulièrement augmenté ces 20 dernières années. La surcharge pondérale est un facteur de risque connu et important de gonarthrose mais aussi de coxarthrose, et peut-être d’arthrose digitale. Elle exerce certes un stress mécanique nocif sur les cartilages mais pas seulement. On sait désormais que le tissu adipeux n’est pas inerte, il sécrète de nombreuses adipokines et cytokines pro-inflammatoires responsables d’un syndrome inflammatoire qualifié de bas grade qui accompagne l’obésité, ce qui pourrait expliquer notamment l’arthrose digitale parfois associée. Ainsi, stress mécanique et stress métabolique se conjuguent dans les phénomènes arthrosiques qui accompagnent la surcharge pondérale.

LOCALISATIONS ARTHROSIQUES

Gonarthrose La causalité entre obésité et arthrose incidente a essentiellement été établie pour le genou et la hanche, les données pour les autres articulations étant incertaines. Ainsi, des études longitudinales ont montré une association positive entre l’obésité (IMC > 30) et la gonarthrose radiographique. Une méta-analyse a montré qu’une augmentation de l’IMC de 5 points est associée à une élévation du risque de gonarthrose de 35 %. Et que cette association est plus forte chez les femmes que chez les hommes. Dans une revue systématique de 23 cohortes sur les facteurs de risque de la gonarthrose, le surpoids et l’obésité sont constamment identifiés comme facteurs de risque. Pour le surpoids, l’odds ratio (OR) global était de 1,98 et pour l’obésité de 2,66.

→ Goxarthrose Les liens entre obésité et coxarthrose sont aussi établis, mais le risque est inférieur à celui observé dans la gonarthrose.

→ Arthrose digitaleLes premières études observationnelles qui ont mis en évidence un lien entre obésité et arthrose digitale soutenaient déjà l’hypothèse d’un effet métabolique et inflammatoire de l’obésité dans l’arthrose. À côté de l’IMC, la quantité du tissu adipeux et sa distribution sont aussi des éléments à prendre en considération. L’adiposité viscérale est plus importante à considérer chez les hommes tandis que chez les femmes, c’est la masse grasse totale qui importe la plus.

PHYSIOPATHOLOGIE

Les associations entre certaines mesures de la composition corporelle, du syndrome métabolique et de l’arthrose de genou ou digitale confirment le rôle de l’obésité viscérale et du stress métabolique. Avec des données suggérant un rôle plus important du facteur mécanique dans la gonarthrose et du stress métabolique dans l’arthrose digitale. Par ailleurs, les approches physiopathologiques récentes attribuent aux comorbidités cardio-métaboliques associées à l’obésité – dyslipidémie, diabète de type 2, HTA – et plus largement au syndrome métabolique, un rôle sur l’augmentation du risque d’arthrose.

→ Stress mécanique Certes les contraintes mécaniques appliquées aux articulations portantes interviennent en provoquant une usure. Mais aussi, la compression hydrostatique cartilagineuse provoque une activation des chondrocytes qui libèrent alors des protéases digérant la matrice cartilagineuse et des médiateurs inflammatoires (prostaglandines, interleukines) amplifiant le processus.

→ Rôle des facteurs systémiques La composante systémique et inflammatoire de l’obésité a été identifiée il y a plusieurs années en montrant par exemple que le tissu adipeux blanc des souris obèses synthétise du tumor necrosis factor alpha (TNF-alpha). Depuis, beaucoup de substances pro-inflammatoires ont été identifiées comme autant de preuves du lien entre syndrome métabolique et arthrose. Outre les cytokines pro-inflammatoires classiques telles que le TNF-alpha, l’IL-1, l’IL-6 ou les chimiokines, le tissu adipeux produit les adipokines, avec notamment la leptine.

Pour beaucoup d’experts rhumatologues, arthrose et obésité sont intégrées dans un phénotype clinique plus large nommé « arthrose métabolique ». Certains mécanismes décrits récemment dans la physiopathologie de l’obésité suggèrent aussi que des anomalies du microbiote intestinal pourraient participer à ce lien.

Chirurgie bariatrique et arthrose

La chirurgie bariatrique qui permet une perte de poids beaucoup plus importante que celle induite par le régime seul, semble avoir un effet antalgique chez le patient arthrosique. Ainsi une étude prospective menée chez 44 patients ayant une gonarthrose modérée à sévère a montré qu’à six mois, l’amélioration du WOMAC fonctionnel et la diminution de la douleur évaluée par une échelle visuelle analogique était importante. Cette étude a aussi suggéré que la perte de poids chez les sujets gonarthrosiques doit être d’au moins 10 % pour qu’ils ressentent un bénéfice clinique. Par ailleurs, la diminution de l’insulino-résistance consécutive à la perte de poids était significativement corrélée avec la diminution d’un biomarqueur de la dégradation du cartilage confirmant l’effet structural de l’amaigrissement.

Bibliographie

1- Rat A.-C., Obésité et arthrose : données épidémiologiques. Revue du rhumatisme, monographies 83 (2016) 13–17.
2- Courties A., Sellam J. Obésité et arthrose : données physiopathologiques. Revue du rhumatisme monographies 83 (2016) 18–24.  
3- Richette P., Chirurgie bariatrique et rhumatologie. Revue du rhumatisme monographies 83 (2016) 56-58.
4- Funck-Brentano T, Nethander M, Movérare-Skrtic S, Richette P, Ohlsson C. Causal Factors for Knee, Hip, and Hand Osteoarthritis: A Mendelian Randomization Study in the UK Biobank. Arthritis Rheumatol. 2019 Oct;71(10):1634-1641.

Dr Linda Sitruk, avec le Pr Pascal Richette, service de rhumatologie à l’hôpital de Lariboisière, AP-HP.

Source : lequotidiendumedecin.fr