Cardiologie

TDAH : traiter au long cours augmente le risque cardiovasculaire

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Publié le 01/12/2023
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Une étude de cohorte suédoise montre que la prescription à long terme de traitements du trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est associée à un risque cardiovasculaire augmenté de 23 % au-delà de cinq ans.
La durée des traitements dépasse les cinq ans, pour la moitié des personnes avec TDAH

La durée des traitements dépasse les cinq ans, pour la moitié des personnes avec TDAH
Crédit photo : Sébastien Toubon

Les traitements du trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) pris au long cours augmenteraient les risques cardiovasculaires, met en lumière une étude suédoise publiée dans Jama Psychiatry.

Les chercheurs en épidémiologie de l'Institut Karolinska de Stockholm ont analysé les données de 278 027 individus âgés de 6 à 64 ans ayant reçu un diagnostic de TDAH ou un traitement pour ce trouble, entre 2007 et 2020. Sur les 258 835 répondant aux critères d'inclusion, 10 388 patients ayant développé une maladie cardiovasculaire ont été comparés à 51 672 autres patients sans maladie cardiovasculaire (cas contrôle). L'âge moyen dans les deux groupes était de 34,6 ans, la proportion d'homme, 59,2 %, et le suivi médian, 4,1 ans.

Point fort de l'étude : l'exposition au traitement s'étire sur 14 ans, alors que jusqu'à présent, rares sont les études qui proposent un suivi au-delà de deux ans. Or la durée des traitements dépasse les cinq ans, pour la moitié des personnes avec TDAH.

À noter, les traitements pris en compte sont ceux autorisés en Suède : des stimulants comme le méthylphénidate, les amphétamines, la dexamphétamine et la lisdexamfétamine, et des non-stimulants, l'atomoxétine et la guanfacine. En France, seul le méthylphénidate est disponible chez les plus de six ans (autorisation de mise sur le marché en 1995).

Un surrisque qui se stabilise sur la durée

La durée d'un traitement pour le TDAH s'avère corrélée à un risque accru de maladie cardiovasculaire, avec un surrisque, par rapport à l'absence de traitement, de 9 % pour une consommation d'un à deux ans (odds ratio ajusté de 1,09 versus 0,99 pour un traitement inférieur à un an), de 15 % pour une durée de deux à trois ans, de 27 % pour une durée de trois à cinq ans et de 23 % pour des traitements s'étalant pendant plus de cinq ans.

Sur l'ensemble du suivi, le risque de maladie cardiovasculaire augmente de 4 % par an, sauf les trois premières années, où il augmente plus rapidement (+ 8 %). « L'augmentation du risque se stabilise, passé les premières années de traitement », soulignent les auteurs dans la discussion.

Le surrisque est identique, quel que soit l'âge (adulte ou enfant) et le sexe. En revanche, les auteurs observent des différences selon le dosage, avec des risques qui ne sont significatifs qu'à partir de certaines valeurs : 45 mg par jour pour le méthylphénidate (provoquant une augmentation du risque cardiovasculaire de 4 % par année, 60 mg aboutissant à une hausse de 5 %), 22,5 mg par jour pour les amphétamines et 120 mg par jour pour le non-stimulant atomoxétine.

Hypertension et maladies artérielles

Par ailleurs, le surrisque est surtout significatif pour l'hypertension et les maladies artérielles. Pour l'hypertension, il est ainsi augmenté de 72 % lorsque les traitements durent trois à cinq ans, et de 80 % au-delà de cinq ans. Pour les maladies artérielles, il est respectivement augmenté pour ces durées de 65 % et 49 %.

Aucun surrisque d'arythmies, d'insuffisance cardiaque, de maladies cardiaques ischémiques, de maladies thromboemboliques ou cérébrovasculaires n'est en revanche associé avec la prise de traitement du TDAH.

Quant aux médicaments, le surrisque existe avec le méthylphénidate et la lisdexamfétamine (aux alentours de 20 % à partir de respectivement trois et deux ans de prise), et semble moindre, en tout cas limité à la première année, pour l'atomoxétine (7 %).

Surveillance cardiovasculaire

En conclusion, les auteurs appellent à étudier avec vigilance la balance bénéfice-risque avant de prescrire un traitement du TDAH sur le long terme et à renforcer la surveillance des signes et symptômes cardiovasculaires, surtout pour les patients dont les traitements sont les plus fortement dosés.

Faut-il pour autant s'en passer, voire privilégier les non-stimulants en première ligne ? Samuele Cortese (pédopsychiatrie, Université de Southamptom, Royaume-Uni) et Cristiano Fava (médecine interne, Université de Vérone, Italie), répondent par la négative dans l'éditorial qui accompagne l'étude.

« Les stimulants ont l'une des tailles d'effet les plus élevées, en psychiatrie, et même en médecine. Les personnes avec TDAH subissent beaucoup moins de blessures physiques non intentionnelles, d'accidents de la route, d'addictions et présentent un meilleur fonctionnement académique lorsqu'elles prennent du méthylphénidate, qu'en son absence », rappellent-ils. « Recommander les non-stimulants en première ligne, en n'ayant en ligne de mire que le risque cardiovasculaire, ne serait pas fondé sur les preuves », poursuivent-ils. Et de rejoindre les auteurs de l'étude suédoise sur l'importance d'un suivi du risque cardiovasculaire, en particulier chez les patients présentant déjà une fragilité cardiovasculaire.

En France, les spécialistes avaient eux aussi défendu l'intérêt du méthylphénidate en réponse à la polémique suscité par un rapport du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) sur la consommation de psychotropes chez les enfants. 

(1) L. Zhang et al, Jama Psychiatry, nov 2023. doi:10.1001/jamapsychiatry.2023.4294
(2) S. Cortese et al, Jama Psychiatry, nov 2023. doi:10.1001/jamapsychiatry.2023.4126

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin