En France, trois familles d'hypnotiques ont l'AMM dans l'insomnie : les benzodiazépines et les molécules apparentées, le zolpidem et la zopiclone, également dénommés « composés Z », certains anti-histaminiques H1 (doxylamine, prométhazine, alimémazine) et la mélatonine. Le flunitrazépam n'est plus commercialisé en ville depuis le 30 septembre 2013.
Certaines benzodiazépines anxiolytiques sont utilisées hors AMM comme aide à l'endormissement, de même que certains antidépresseurs sédatifs (miansérine, amitriptyline buvable, trimipramine). « Prescrits à faible dose, ces derniers peuvent, en effet, rendre service même en l'absence de trouble dépressif en cas d'insomnie de maintien ou de fin de nuit. »
Hypnotiques : en prescrire ou pas ?
› Toutes les recommandations et publications (2, 4, 5, 6) insistent sur la nécessité de réduire drastiquement la consommation de benzodiazépines, particulièrement chez le sujet âgé et de ne prescrire un hypnotique qu'après échec des mesures non médicamenteuses après avoir informé le patient.
› En effet, les benzodiazépines génèrent d'importants effets indésirables : troubles mnésiques et cognitifs, troubles du comportement, diminution de la vigilance diurne, hypotension orthostatique, chutes, traumatismes. Chez le sujet âgé, ces manifestations sont accrues du fait des modifications pharmacocinétiques liées au vieillissement et des éventuelles comorbidités.
De plus, un lien entre prise de benzodiazépines et démence est retrouvé, sans pour autant établir un lien de causalité. L'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a publié fin 2012 une mise en garde à ce sujet (7).
De leur côté, les anti-histaminiques ont pour inconvénients d'entraîner une somnolence matinale, des troubles urinaires (risque de rétention), une hypotension orthostatique.
› Aucun hypnotique n'a l'AMM pour l'insomnie chronique. La durée de prescription des hypnotiques benzodiazépiniques et des composés Z est limitée à 4 semaines. L'AMM ne retient que les insomnies occasionnelles (lors d'un événement particulier ; traitement de quelques jours) ou transitoires (traitement de 2 à 3 semaines). La durée de prescription des antihistaminiques hypnotiques n'est théoriquement pas limitée, certains ayant également une AMM dans le traitement des manifestations allergiques, mais dans l'indication « insomnie », le RCP (résumé des caractéristiques du produit) en limite l'utilisation à quelques jours.
Pour la pratique, la HAS précise que « les somnifères sont indiqués dans les cas de troubles sévères du sommeil dans les insomnies occasionnelles ou transitoires pour de courtes périodes, la durée de prescription pouvant aller de quelques jours à 4 semaines maximum ».
En dehors de cette indication et de cette durée, les somnifères ne sont pas recommandés et le cumul de plusieurs somnifères est particulièrement à éviter (2).
En cas d'insomnie chronique peu sévère, l'information et les conseils pour régulariser le rythme veille-sommeil interviennent en première ligne, associés si besoin à de la relaxation ou de la kinésithérapie, voire à la prise de mélatonine (8). La place de la phytothérapie et de l'homéopathie n'est pas précisée.
› Un plan d'action conjoint a été mis en place par la HAS, l'ANSM et la Direction Générale de la Santé afin de limiter le mésusage des benzodiazépines (9). Sont menées ou prévues des campagnes d'information, une réflexion sur des mesures réglementaires, une surveillance des molécules.
Chez les sujets traités par benzodiazépines ou composés Z depuis plus de 30 jours et/ou lors d'une demande de renouvellement de prescription, la HAS recommande de proposer l'arrêt de ces médicaments (2, 4) (voir encadré E2). Celui-ci ne doit pas être brutal afin d'éviter un syndrome de sevrage. En cas de primoprescription, les modalités de prise et la durée du traitement doivent être exposées d'emblée. « Si le patient prend au long cours un hypnotique anti-histaminique, ou même des plantes ou des produits homéopathiques, la démarche est la même, car l'objectif dans l'insomnie chronique est d'aider le patient à vivre différemment ses insomnies et à mettre en œuvre d'autres solutions. En effet, on sait que la prise chronique de médicaments même "inoffensifs" rend le patient plus à risque de prendre d'autres produits plus forts et plus addictifs. La dépendance psychique dans l'insomnie est associée à un fort risque d'échec du traitement de l'insomnie. »
› La mélatonine à libération prolongée est indiquée en France dans le « traitement à court terme de l'insomnie primaire […] chez des patients de 55 ans ou plus » (Vidal 2013). Sa durée de prescription est limitée à 13 semaines. « Généralement bien tolérée, elle n'aide cependant pas à l'endormissement si l'insomnie est en rapport avec un trouble anxieux. La mélatonine ne doit pas non plus être utilisée durant les tentatives d'arrêt des benzodiazépines : il est préférable d'arrêter complètement la benzodiazépine et d'évaluer la qualité du sommeil naturel, avant de prescrire autre chose. S'il persiste de nombreux éveils nocturnes, la mélatonine est intéressante. »
Repenser l'hygiène du sommeil
› La restauration d'une bonne hygiène de veille-sommeil est une priorité thérapeutique, afin de ne pas aggraver les troubles du sommeil par des comportements inadaptés.
› L'accentuation du contraste jour/nuit est une mesure essentielle chez le sujet âgé, tant par l'exposition à la lumière du jour que par le maintien d'activités diurnes, intellectuelles, sociales, physique. La lumière est le plus puissant des synchroniseurs externes de l'horloge biologique (située dans l'hypothalamus). L'exposition à la lumière inhibe la sécrétion nocturne de mélatonine par l’épiphyse. Plus la lumière est intense et plus la durée du signal lumineux est longue, plus l’effet est important.
Le rythme social, avec tous les événements de vie qui ont un caractère périodique au cours des 24 heures (travail, repas, activités de loisir et de détente…), constitue un autre synchroniseur, non photique (sans action sur la mélatonine).
› Les mesures à mettre en œuvre sont (2,10) :
– en cas de réveil précoce, ne pas rester au lit : se lever ou bien s'assoir dans le lit pour lire ou écouter la radio ;
– S'exposer à la lumière naturelle dès le matin, ouvrir les volets de la chambre, surtout si la personne est alitée ;
– Sortir et marcher autant que possible à l'extérieur dans la journée ;
– En cas d'alitement prolongé, bien éclairer la pièce, en ouvrant les volets mais aussi en installant un éclairage artificiel important dans la journée. L’activité physique peut être remplacée par des séances de kinésithérapie régulières ; si une télévision est installée dans la chambre, ne pas la regarder en position couchée, mais en position assise ou semi-assise ;
– Respecter une régularité des horaires (lever, repas) ; manger léger le soir, bannir les excitants ;
– Si l'exposition lumineuse est insuffisante, la photothérapie peut être envisagée, comme c’est le cas dans certaines maisons de retraite. Les lampes de photothérapie délivrent une intensité lumineuse importante de 5 000 lux et produisent une lumière dont le spectre est proche de celui de la lumière naturelle et sans ultra-violets. Les séances doivent être faites le matin à raison d'une heure par jour. Attention aux contre-indications chez le sujet âgé : glaucome, DMLA, pathologies ophtalmologiques évolutives, prise de médicaments photosensibilisants.
› La démarche d’arrêt des somnifères peut être associée à des thérapies cognitivo-comportementales qui permettent au patient de restructurer son sommeil et qui ont fait la preuve de leur efficacité (2). On utilise soit la technique de contrôle du stimulus (on recrée une association mentale positive entre le coucher et le sommeil), soit celle de la restriction de sommeil (afin d’amener le patient à ressentir de la somnolence au moment du coucher). Le problème reste leur accessibilité.
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