Après avoir détaillé les caractéristiques des consommateurs et le modalités de consommation (voir Généraliste FMC du 21 mai, n°2527), voici le second volet des recommandations de la HAS, sur la prise en charge.
PRISE EN CHARGE DE QUELQUES COMPLICATIONS
-› La douleur thoracique chez un usager de cocaïne peut révéler un infarctus du myocarde, mais le diagnostic est difficile en raison de la fréquence des douleurs atypiques. Toute douleur thoracique chez un consommateur de cocaïne doit donc faire suspecter un syndrome coronarien aigu et ne doit pas être considérée comme un effet normal de la cocaïne. En présence d'une personne de moins de 50 ans non connue comme consommatrice, il faut s'interroger sur la prise éventuelle de cocaïne. Dans les 2 cas, l'appel au Centre 15 s'impose.
-› En cas d'allongement de l'espace QT ou de torsade de pointe, la mise en place d'une surveillance électrocardiographique est nécessaire.
-› Le risque de complications infectieuses amène à réaliser systématiquement des sérologies virales (VHB, VHC, VIH) et à rechercher des infections sexuellement transmissibles.
-› La survenue d'un AVC, ischémique ou hémorragique, chez un sujet de moins de 50 ans doit faire évoquer la prise de cocaïne.
-› Chez la femme enceinte, la consommation de cocaïne doit être recherchée en plus de celle d’autres substances psychoactives. Si la consommation est avérée, une prise en charge addictologique est nécessaire, en plus de l'adaptation de la surveillance de la grossesse.
LA REDUCTION DES RISQUES
Il s'agit d'encadrer la consommation de drogue de façon à ce que l'usager encoure le moins de risques (sanitaires, sociaux) possible. Les interventions de réduction des risques ne viennent pas en contradiction avec les stratégies de sevrage envisagées au chapitre suivant.
-› Le risque est "maximum" lorsque la cocaïne est consommée par voie injectée (risque infectieux, overdose). Les messages concernant les pratiques d'injection à moindres risques doivent être rappelés. Pour la voie inhalée (risque "important"), l’utilisation de pipes à crack en verre expose à des brûlures de la bouche et à des coupures des mains. L’utilisation de cutters pour couper le crack expose aussi à des lésions cutanées. Ces dernières peuvent constituer des portes d’entrée pour les virus des hépatites B et C, notamment lors du partage de la pipe et de cutters entre usagers. Là aussi, l'utilisation de matériel à usage unique est recommandé.
S'agissant de la voie intranasale ("moindre risque"), qui peut induire des lésions des muqueuses nasales, plusieurs précautions sont recommandées : utiliser des pailles neuves, écraser ou tamiser la poudre ; n’utiliser que du matériel personnel et à usage unique ; se rincer les narines après consommation et être attentif aux épistaxis.
-› Attention aux associations de produits psychoactifs.
-› Certaines populations ou situations à risque doivent être repérées : grossesse et allaitement ; antécédents personnels ou familiaux de troubles vasculaires coronariens ou cérébraux, d’HTA, de crises convulsives, d’antécédents pulmonaires ; troubles psychiatriques ou antécédents de troubles psychiatriques ; conduite de véhicule.
LES SOLUTIONS
L'objectif soit est de mettre en place un sevrage thérapeutique, soit de faciliter la réduction de la consommation de cocaïne.
D'abord une évaluation globale
-› Certains éléments ont un impact sur la réponse thérapeutique, et il faut les identifier. Ces facteurs sont liés soit au consommateur (qui peut développer des stratégies lui permettant de réguler sa consommation), soit à l'environnement (entourage familial et social, qui peut repérer les problèmes ou accompagner le patient dans sa démarche ; éléments négatifs comme l'absence d'emploi…), soit au produit et au mode de consommation. Par ailleurs, la présence de comorbidités, notamment psychiatriques, peut compliquer la prise en charge, de même que la polyconsommation. Certaines personnes nécessitent un abord spécifique avec des intervenants spécialisés en addictologie.
-› L'interrogatoire et l'examen clinique (cardiovasculaire, pulmonaire, dermatologique, ORL, buccodentaire) doivent être soigneux.
Les modalités de prise en charge
-› Au terme de cette évaluation, plusieurs modalités de prise en charge peuvent être proposées : accompagnement adapté, intervention précoce dans le cadre du repérage, entretien motivationnel, "counseling" (non développé en France), traitement psychothérapeutique, prise en charge psychosociale, traitement médicamenteux.
-› L'intervention précoce, réalisable par le médecin généraliste, est une démarche qui s'applique aux 1ères étapes de la consommation d'une substance avant que celle-ci ne devienne problématique. Elle est adaptée aux personnes n'ayant pas forcément besoin d’une intervention intensive, susceptibles de modifier leur comportement avant qu’il ne devienne chronique.
-› Les psychothérapies s'adressent aux usagers dépendants. On utilise les psychothérapies dynamiques, la thérapie cognitive et comportementale, les thérapies systémiques, les thérapies comportementales (ou gestion des contingences, non évaluée en France).
-› Aucun agent pharmacologique n’a d’AMM en France dans le traitement des symptômes et complications liés à l’usage de cocaïne. Cependant, certains sont utilisés hors AMM lors de certaines phases de la prise en charge, notamment en cas d'intoxication aiguë à la cocaïne, de craving (besoin irrésistible de consommer) et de symptômes de sevrage (dysphorie, ralentissement psychomoteur, irritabilité, asthénie, altérations cognitives, hyperphagie, hypersomnie ou insomnie). La prescription de ces médicaments doit mentionner l’absence d’AMM et être faite dans le cadre d’un programme structuré par une équipe spécialisée en addictologie.
Ainsi, la N-acétylcystéine peut être utilisée chez des patients dépendants (sauf femme enceinte dépendante). Une réduction modérée du syndrome de sevrage et du craving a été constatée. Le topiramate peut être utilisé en prévention de la rechute chez le patient dépendant à la cocaïne. Le disulfirame peut être proposé en prévention de la rechute aux patients ayant une double dépendance alcool/cocaïne. En cas d'intoxication aiguë, on peut recourir aux benzodiazépines de demi vie longue ou à certains antipsychotiques. Il n’existe aucun antidote spécifique de l'overdose en cocaïne.
-› Au cours de la prise en charge, l’évaluation et le suivi de certains indicateurs (existence d'un craving, symptômes de sevrage) sont nécessaires.
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