Syndrome post-phlébitique

CONTENTION VEINEUSE : UN AN C’EST BIEN, DEUX C’EST MIEUX

Publié le 21/10/2016
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La durée recommandée du port d’une contention élastique est d’un an après une thrombose veineuse profonde. Cette étude de non-infériorité apporte par preuve qu’augmenter ce délai à 2 ans permet de réduire le risque de survenue de syndrome post-phlébitique.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Contention élastique pendant un an versus deux ans pour prévenir le syndrome post-thrombotique : essais comparatif randomisé

Mol GC, van de Ree MA, Flok FA, et al for the OCTAVIA study investigators. One versus two years of elastic compression stockings for prevention of post-thrombotic syndrome: randomised controlled trial  BMJ 2016;353:i2691

doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.i2691

 

CONTEXTE

Après une thrombose veineuse profonde (TVP), 47% des patients développent un syndrome post-thrombotique (STP) plus ou moins sévère, en majorité au cours de la première année (1). La durée optimale du traitement par contention élastique (CE) pour prévenir un SPT est sujette à débat. Les recommandations préconisent 1 an. Cependant, deux anciens petits essais randomisés versus pas de compression (1,2) ont démontré que la CE pendant 2 ans réduisait l’incidence des SPT de 50% (NNT = 4). A l’opposé un essai récent sur 806 patients a démontré qu’il n’y avait pas de différence entre contention élastique et contention placebo (3).

OBJECTIFS

Comparer l’efficacité de la contention élastique pendant deux ans versus un an après une TVP.

METHODE

Essai comparatif de non infériorité, randomisé en simple insu (médecin). Pour être inclus dans la phase d’intervention d’un an supplémentaire, tous les patients devaient avoir eu une TVP proximale documentée depuis moins d’un an, avoir reçu un traitement anticoagulant selon les recommandations, et avoir porté une contention élastique au moins 6 jours par semaine pendant 1 an. Ils ont ensuite été randomisés entre poursuite de la contention (intervention) ou arrêt (témoin). Les patients devaient ôter leurs bas de contention le jour des consultations et garder le secret sur le groupe auquel ils étaient alloués. Le critère de jugement principal était l’incidence d’un STP et sa sévérité mesurée par le score de Villalta (4) au cours la deuxième année. L’analyse statistique a été faite en per protocol à l’aide d’un modèle de régression de Cox ajusté sur les covariables pertinentes. La borne supérieure de l’intervalle de confiance de la différence absolue entre les groupes pour démontrer la non infériorité a été fixée à 10% (s’il y avait un taux de SPT > 10% dans le groupe poursuite de la CE versus arrêt, la non infériorité n’était pas démontrée). Un des critères secondaires était la qualité de vie mesurée par l’échelle validée VEINES/Qol/Sym (5).

RESULTATS

Sur 522 patients éligibles, 262 ont été randomisés dans le groupe intervention et 256 dans le groupe témoin. Leurs caractéristiques cliniques étaient comparables à l’inclusion. Dans le groupe intervention, 85% des patients ont déclaré avoir porté leur contention pendant au moins 6 jours par semaine. Au cours de l’année, l’incidence du SPT a été de 13,0% (n = 34) dans le groupe intervention versus 19,9% (n = 51) dans le groupe témoin : différence absolue = 6,9%, borne supérieure de l’IC95% = 12,3%. Comme cette dernière était supérieure à 10%, l’intervention n’a pas démontré la non infériorité. La contention élastique pendant 2 ans était supérieure versus 1 an : nombre de patients à traiter pour éviter un SPT = 15. Il n’y a pas eu de différence sur la sévérité des STP et la qualité de vie.

COMMENTAIRES

Comme souvent, ce travail néerlandais est élégant, pertinent et rigoureusement conçu, conduit, analysé et rédigé : un objectif, une hypothèse, une méthode, un résultat. Les auteurs avaient fondé leur protocole sur une hypothèse de non infériorité (qui n’avait pas beaucoup d’intérêt, sauf pour les fabricants de bas de contention). En réalité, ils ont tranché le débat sur la durée optimale de la contention élastique après une TVP proximale en démontrant la supériorité de 2 ans de traitement. Ce résultat inattendu est probablement lié à une sous estimation du taux de SPT dans le groupe témoin, ce qui a augmenté la puissance statistique de l’essai. Les auteurs ont aussi démontré qu’il n’y avait pas d’altération de la qualité de vie, ce qui est remarquable compte tenu de l’inconfort lié à la contention dont les patients se plaignent régulièrement. Ces résultats sont aussi liés à une excellente observance des patients ce qui est habituel dans les essais randomisés dans lesquels ils sont motivés et encadrés, mais plus aléatoire dans la vraie vie. La principale faiblesse de ce travail est l’incertitude de maintien du simple insu malgré toutes les précautions prises par les investigateurs.

En pratique, la durée recommandée de la contention élastique après une TVP proximale est d’un an. Compte tenu des résultats de cet essai, proposer une prolongation à 2 ans est légitime, en sachant que sur 15 patients (très observants) qui accepteront, un seul en tirera bénéfice.

Dr Santa Félibre (Généraliste Enseignant)

Source : lequotidiendumedecin.fr