Hépatologie

HÉPATITE B : DU DÉPISTAGE À LA VACCINATION

Publié le 22/03/2021
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L’élimination mondiale de l’infection par le VHB a été fixée par l’OMS pour 2030. Cet objectif nécessite l’implication de tous les acteurs : associations de malades, soignants et autorités sanitaires. Les médecins généralistes sont en première ligne, tant pour le dépistage que pour la prise en charge ou la prévention grâce à la vaccination.

Crédit photo : Jean-Francois Oisel

Crédit photo : SPL/PHANIE

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INTRODUCTION
En 2014, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé pour objectif l’élimination des hépatites virales de la surface du globe d’ici 2030. L’élimination est définie par une diminution de 90 % des nouvelles infections, associée à une réduction de la mortalité liée au virus de l’hépatite B (VHB) de 65 % (1). Pour atteindre cet objectif, plusieurs actions simultanées sont nécessaires : dépistage, traitement, prévention (vaccination).
On estime qu’en France, près de 280 000 personnes sont porteuses d’une hépatite B chronique et que, chaque année, près de 1 500 décès sont liés à l’hépatite B. Durant l’année 2018, les CeGIDD (centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles) ont réalisé 131 551 recherches de l’antigène HBs (AgHBs) avec un taux de positivité de 1,31 % (2). Le taux de positivité était plus élevé chez les hommes (1,70 %) comparativement aux femmes (0,73 %). Les personnes nées à l’étranger avaient un taux de positivité huit fois supérieur à celui des personnes nées en France (4,30 % versus 0,53 %), le taux le plus important étant observé chez les individus nés en Afrique subsaharienne (7,86 %). L’incidence de l’infection par le VHB n’est pas connue.
L’antigène viral de surface AgHBs est présent dès le début de l’infection, avant que des symptômes se manifestent.

CLASSIFICATION ET HISTOIRE NATURELLE
La résolution spontanée de l’infection par le VHB est la règle lorsque l’infection survient à l’âge adulte, alors qu’elle est rare chez les enfants. On estime à plus de 90 % la proportion d’adultes avec une infection VHB aiguë qui parviennent à une infection résolutive, alors que cette estimation est de 5 à 10 % chez les jeunes enfants. Ceci explique pourquoi les enfants contaminés à la naissance ou durant l’enfance sont très nombreux parmi les patients avec une infection chronique.
La présence de l'AgHBs permet d’affirmer qu’il existe une infection par le virus de l’hépatite B et l’AgHBe permet de classer l’évolutivité de l’infection. L’interprétation du résultat de l’AgHBe doit prendre en compte aussi l’ADN du VHB (ou charge virale) et les transaminases.
Dans les formes chroniques de l’infection, l’incidence cumulée de la clairance spontanée de l’AgHBs s’élèverait à 4 % à 5 ans, 8 % à 10 ans et 18 % après 15 ans d’évolution.
L’infection chronique par le VHB est une maladie dynamique qui évolue en plusieurs phases reflétant les interactions entre le virus et la réponse immunitaire de l’hôte. L’histoire naturelle peut être divisée en quatre grandes phases reposant sur la présence ou non de l’antigène HBe, le niveau de réplication virale (ADN du VHB), le taux de l’ALAT et la présence de lésions histologiques d’inflammation ou de fibrose au niveau du foie (figure 1).
Pour plus de simplification, l’EASL (European Association for the Study of the Liver) a proposé une classification des infections par le VHB, en quatre phases (tableau 1).
→ Phase d’infection chronique AgHBe positif Initialement dénommée « phase d’immunotolérance », cette phase est plus fréquente et plus longue chez les sujets infectés durant la période périnatale. Elle peut durer 10 à 30 ans chez ces derniers, mais elle est généralement plus courte ou absente chez les sujets infectés pendant l’enfance ou à l’âge adulte. Le taux de perte spontanée de l’AgHBe est très faible durant cette phase et les patients sont hautement contagieux du fait du niveau élevé de réplication virale.
→ Phase d’hépatite chronique AgHBe positif C’est la phase de réactivité immunitaire, elle est caractérisée par une progression de la fibrose plus rapide que dans la phase précédente. L’évolution est variable. Chez la plupart des patients, une séro­conversion HBe avec un arrêt de la réplication virale est obtenue, traduisant le passage à la phase d’infection chronique HBe négatif. Dans certains cas, la maladie reste active pendant plusieurs années, avec un risque élevé de progression vers la cirrhose.
→ Phase d’infection chronique AgHBe négatif Initialement dénommée phase de « portage inactif », cette phase résulte d’un contrôle immunologique de l’infection réduisant considérablement le risque d’évolution vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire (CHC). Cependant, l’évolution vers une hépatite chronique AgHBe négatif est possible. L’incidence annuelle de la séroconversion HBe spontanée varie de 2 à 15 %. La perte de l’AgHBs et la séroconversion HBs spontanée sont rares, elles surviennent dans 1 à % des cas par an.
→ Hépatite chronique B AgHBe négatif Cette phase est caractérisée par une fibrose significative souvent présente et un faible taux de rémission spontanée.
La fréquence des complications varie selon les régions. Dans les régions à faible prévalence de l’infection, l’incidence des complications hépatiques chez les patients non traités est faible, estimée entre 1 et 2 % après 16 ans d’évolution. Au contraire, la fréquence des complications augmente dans les zones de forte endémie (Afrique subsaharienne), où l’incidence cumulée de survenue d’une cirrhose chez les patients AgHBe positif varie de 13 % à 38 %. Chez ces patients, l’incidence cumulée à 5 ans de survenue d’une décompensation de la cirrhose est estimée à 15 %. L’incidence cumulée à 5 ans de survenue d’un CHC est aussi plus élevée en zone de forte endémie, allant de 3 % chez les patients sans cirrhose à 17 % chez les patients cirrhotiques.

MOYENS DIAGNOSTIQUES
Le dépistage de l’hépatite B est fondé sur la détection de l’AgHBs. L’AgHBs est le principal marqueur diagnostique de l’infection par le VHB. Il peut être détecté environ 3 semaines après le début des signes cliniques au cours de l’hépatite aiguë. Le portage chronique du VHB est défini par la persistance pendant plus de 6 mois de l’AgHBs.
À côté des tests virologiques classiques, de nouveaux tests comme la détection de l’AgHBs, de l’AgHBe et des anticorps HBs dans le sang total capillaire à l’aide de tests rapides (point of care test, POCT) sont désormais disponibles. Le recueil de sang capillaire après ponction digitale sur papier buvard (dried blood spot, DBS) constitue une alternative au prélèvement veineux qui peut s’avérer particulièrement utile dans certaines situations cliniques (éloignement d’un laboratoire de biologie, accès veineux difficile, populations marginalisées). Cependant, ces tests ne sont pas encore à la nomenclature.

DÉPISTAGE
La contagiosité du VHB est très importante. Les principaux modes de transmission sont :
 • la transmission périnatale de la mère à l’enfant,
 • la transmission horizontale du jeune enfant à un autre enfant,
 • la transmission sexuelle,
 • la transmission iatrogène par exposition à des aiguilles, des seringues, des produits sanguins contaminés ou lors de pratiques rituelles (circoncision, scarification…).
Lors de la réalisation d’un dépistage de l’infection par le VHB, il est nécessaire de réaliser aussi un dépistage de l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) et le VIH. Le dépistage sérologique classique d’une infection par le VHB repose sur la détection simultanée de l’AgHBs, de l’AC anti-HBs et de l’AC anti-HBc.

PRISE EN CHARGE
→ Diagnostic de la maladie hépatique Le recours à la ponction-biopsie hépatique est exceptionnel pour diagnostiquer la fibrose hépatique au cours de l’hépatite chronique virale B. En effet, de nombreuses méthodes non invasives de diagnostic de la fibrose hépatique ont été développées et sont disponibles partout. Il s’agit des tests sanguins simples (FIB-4) ou des méthodes physiques comme la mesure de l’élasticité hépatique (par FibroScan®).
Le score FIB-4 (calculé à partir de l’âge, des plaquettes et des transaminases), simple et gratuit, est calculé automatiquement par de nombreux laboratoires d’analyse médicale. Il peut aussi être calculé en ligne (www.hepatitisc.uw.edu/page/clinical-calculators/fib-4). Un score FIB-4 élevé est en faveur du diagnostic de cirrhose. La mesure de l’élasticité hépatique par FibroScan® a une bonne performance pour le diagnostic de la cirrhose au cours de l’infection par le VHB et est remboursée par la Sécurité sociale.
→ Dépistage du carcinome hépatocellulaire (4) Il est recommandé de dépister le CHC chez tous les patients atteints d’hépatite B au stade de cirrhose.
De plus, il est recommandé de dépister périodiquement un CHC chez les patients sans cirrhose :
 • avec antécédent familial de CHC de premier degré,
 • en l’absence d’antécédent familial de CHC, chez :
– les hommes à partir de 40 ans (à partir de 30 ans si le taux de plaquettes est inférieur à 100 G/L ou 100 000/mm3),
– les femmes à partir de 70 ans (à partir de 60 ans si le taux de plaquettes est inférieur à 100 G/L).
Pour le dépistage périodique du CHC, il est recommandé une échographie abdominale avec Doppler et un dosage sérique d’alpha-fœtoprotéine. Le dépistage du CHC doit être réalisé tous les 6 mois.
→ Suivi des patients non traités Les patients qui ne nécessitent pas de traitement doivent faire l’objet d’une surveillance clinique et biologique régulière (ALAT et ADN du VHB tous les 3 mois la première année, puis tous les 6 mois).
→ Traitement de l’hépatite chronique virale B Le but principal du traitement de l’infection par le VHB est l’amélioration de la survie des personnes infectées en empêchant la progression de la maladie vers la cirrhose et le CHC. Cet objectif peut être atteint si la réplication du VHB est supprimée de manière durable.
L’indication du traitement antiviral repose essentiellement sur la combinaison de trois critères : la charge virale plasmatique du VHB, l’ALAT et la sévérité de la maladie hépatique. Le tableau 2 résume les situations dans lesquelles l’initiation d’un traitement antiviral est indiquée.
Le traitement de l’hépatite chronique virale B repose principalement sur l’utilisation au long cours d’un analogue nucléosidique (entécavir) ou d’un analogue nucléotidique (ténofovir disoproxil fumarate). Ces médicaments inhibent spécifiquement l’ADN polymérase nécessaire à la transcription inverse de la réplication du VHB. Ils suppriment efficacement la réplication du VHB, permettant de réduire le risque de progression de la maladie hépatique. En revanche, la clairance sérologique de l’AgHBs (ou « guérison fonctionnelle »), qui entraîne une réduction encore plus importante du risque de complications hépatiques, ne survient que chez environ 1 % des patients par année de traitement. Le traitement au long terme est donc la règle. Ces médicaments sont administrés par voie orale (un comprimé par jour) et leurs effets indésirables sont rares. Environ 1 % des personnes traitées par entécavir développent une résistance à 5 ans, tandis qu’aucune mutation caractéristique de la résistance au ténofovir n’a été identifiée à ce jour. Une surveillance régulière (tous les 3 à 6 mois) des taux de créatinine (eGFR) et de phosphate sérique est recommandée chez tous les patients traités par ténofovir. Ces médicaments sont à prescription initiale hospitalière annuelle avec renouvellement non restreint, possible par les généralistes.
Les recommandations de l’Association française pour l’étude du foie (AFEF) pour le suivi des patients traités sont les suivantes :
 • L’ALAT et l’ADN du VHB doivent être contrôlés tous les 3 mois jusqu’à négativation de l’ADN du VHB, puis ensuite tous les 6 mois.
 • L’obtention d’une stricte négativation de l’ADN du VHB est l’objectif à atteindre.

VACCINATION
Depuis 1982, il existe un vaccin efficace contre l’hépatite B. Les vaccins contre l’hépatite B utilisent comme substance active la protéine de surface AgHBs, et tous sont des vaccins recombinants. Leur efficacité, évaluée par la mesure de la concentration d’anticorps anti-HBs, est de plus de 95 % chez les nourrissons, enfants et jeunes adultes en bonne santé ayant reçu trois doses de vaccin.
En France, la couverture vaccinale a considérablement progressé chez les jeunes enfants depuis la fin des années 1990. Ainsi, entre 1998 et 2016, la couverture par les trois doses de vaccin contre le VHB est passée de 27,5 % à 90 % chez les enfants âgés de 24 mois. En revanche, elle demeure insuffisante chez les adolescents, dont moins de la moitié sont vaccinés.
En France, la primovaccination (deux injections suivies d’un rappel) est obligatoire chez tous les enfants nés à compter du 1er janvier 2018. L’utilisation d’un vaccin combiné hexavalent contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche (vaccin acellulaire), la poliomyélite (vaccin inactivé), les infections à Haemophilus influenzae de type b et l’hépatite B permet d’immuniser les nourrissons contre ces maladies en une seule injection.
Un rattrapage vaccinal est recommandé chez les enfants et les adolescents jusqu’à l’âge de 15 ans révolus. Tout enfant ou adolescent âgé de moins de 16 ans, non antérieurement vacciné, devrait se voir proposer la vaccination contre l’hépatite B. Dans ce contexte, pour les adolescents de 11 à 15 ans révolus, un schéma simplifié à deux injections séparées de 6 mois peut être utilisé.
L’administration du vaccin contre l’hépatite B doit être réalisée par injection intramusculaire : dans la cuisse (face antérolatérale) chez le nourrisson, et au niveau de l’épaule (muscle deltoïde) chez l’enfant plus âgé, l’adolescent et l’adulte.
Les vaccins contre le VHB ont un très bon profil de tolérance, confirmé par le Comité consultatif mondial de la sécurité vaccinale (GACVS) de l’OMS. Des réactions transitoires bénignes peuvent être observées, en général dans les 24 heures suivant la vaccination (douleurs au point d’injection, myalgie ou fièvre) et moins souvent chez l’enfant (< 10 % des cas) que chez l’adulte (30 % des cas). L’incidence des réactions anaphylactiques graves après la vaccination est estimée à 1,1 cas par million de doses de vaccin (IC 95 % : 0,1-3,9). Le vaccin contre l’hépatite B n’est contre-indiqué que chez les personnes ayant des antécédents de réaction allergique grave à l’un de ses constituants.
Les études récentes ne démontrent pas de relation de cause à effet entre la vaccination contre le VHB et la survenue de maladies démyélinisantes comme la sclérose en plaques. Aucun lien n’a été scientifiquement prouvé avec d’autres pathologies (syndrome de Guillain-Barré, syndrome de fatigue chronique, leucoencéphalite, névrite optique, myélite transverse, polyarthrite rhumatoïde, mort subite du nourrisson, diabète de type I, maladies auto-immunes, alopécie).

Bibliographie

1. World Health Organization. Global hepatitis report. 2017.
2. Ngangro N, Pioche C, Delmas G, Cazein F, Brouard C, Bruyand M, Viriot D, et al. Dépistage et diagnostic du VIH, des hépatites B et C et des ISt bactériennes en CEGIDD en 2018 : données individuelles de la surveillance SURCEGIDD. BEH 2020;33-34:673.
3. EASL 2017 Clinical Practice Guidelines on the management of hepatitis B virus infection. J Hepatol 2017;67:370-398.
4. Recommandations pour le diagnotic et le suivi non invasif des maladies chroniques du foie. Association française pour l'étude du foie. Coordination Pr Victor de Lédinghen. Juillet 2020. https://afef.asso.fr/wp-content/uploads/2020/07/DNI-VERSION-FINALE-RECO….

Pr Victor de Lédinghen (centre expert Hépatites virales Aquitaine, hôpital Haut-Lévêque, Pessac, Inserm U1053, université de Bordeaux)

Source : Le Généraliste