Cardiologie

HTA : QUE CHOISIR ?

Publié le 13/05/2011
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Les schémas thérapeutiques sont de mieux en mieux codifiés dans l'hypertension artérielle, qu'il s'agisse d'une mono-, d'une bi- ou d'une trithérapie. Mise à jour.

Crédit photo : ©SPL/PHANIE

De récentes données ont précisé la place de certains antihypertenseurs, notamment des inhibiteurs du système rénine angiotensine (SRA), des diurétiques et des inhibiteurs calciques dans le traitement pharmacologique de l'HTA. Des éléments nouveaux sont également disponibles dans le domaine de la mesure de la pression artérielle (PA) en consultation et en ce qui concerne les objectifs tensionnels chez l'hypertendu diabétique à haut risque cardiovasculaire (encadré 1).

COMMENT UTILISER LES BLOQUEURS DU SRA ?

 

Des médicaments très prescrits

-› Les inhibiteurs du système rénine angiotensine tiennent aujourd'hui une place importante dans les stratégies antihypertensives, comme le montre l'enquête FLAHS 2010 (1) (voir aussi encadré 2). Les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA2) sont les antihypertenseurs le plus souvent prescrits en monothérapie, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) apparaissant au troisième rang.

-› On dispose de 3 types de molécules parmi les bloqueurs du SRA : les IEC, les ARA 2 et l'aliskiren, premier (et seul pour l'instant) inhibiteur direct de la rénine. "On sait désormais que toutes ces molécules ne sont pas équivalentes, notamment en ce qui concerne l'efficacité sur 24 h. Au sein de la classe des IEC, le trandolapril est celui dont l'efficacité sur 24 heures est la meilleure, et il en est de même au sein de la classe des sartans pour l'irbésartan, le candésartan et l'olmésartan. L'aliskiren quant à lui, a une efficacité supérieure à 24 heures. Par ailleurs, des différences existent en terme de tolérance, les IEC étant souvent moins bien tolérés. Le choix d'une molécule doit tenir compte de tous ces éléments, et ce n'est pas l'argument économique qui peut aider le prescripteur, les prix étant variables dans chaque catégorie".

S'agissant de l'aliskiren, la HAS, dans une fiche de bon usage du médicament (2), le réserve à la deuxième intention, bien que son AMM précise simplement la mention "traitement de l'HTA essentielle". "En pratique, l'aliskiren est intéressant en seconde intention après échec d'une monothérapie par IEC ou ARA2, ainsi qu'en bithérapie (voir ci-dessous)".

Les règles de bithérapie

-› "D'abord les règles de « non-association » : ne jamais associer deux bloqueurs du SRA, sauf avis spécialisé et dans certaines situations très particulières (multithérapie antihypertensive chez l'hypertendu diabétique présentant une néphropathie diabétique avec protéinurie abondante). Par ailleurs, l'association inhibiteur du SRA + bêta-bloquant ne fait pas partie des combinaisons recommandées en priorité, sauf indication spécifique du bêta-bloquant (insuffisance cardiaque, maladie coronaire, trouble du rythme). Enfin la combinaison diurétique thiazidique + bêta-bloquant est à éviter chez l'hypertendu intolérant au glucose (sauf indication spécifique du bêta-bloquant), en raison du risque de précipitation de la survenue d'un diabète (3)". Dans ce contexte particulier d'intolérance au glucose, les sartans ont montré leur innocuité, comme dans l'étude Navigator (réf 4 : réduction sous valsartan de 14 % du risque de progression vers un diabète, versus placebo, chez des intolérants au glucose).

-› Les bithérapies recommandées actuellement par les instances européennes comportent un bloqueur du SRA (IEC, ARA 2) auquel on ajoute soit un diurétique thiazidique, soit un inhibiteur calcique (3). Le choix entre diurétique thiazidique ou inhibiteur calcique repose tout d'abord sur le contexte pathologique. Selon le dernier projet de recommandations anglaises NICE sur l'HTA de l'adulte (5), l'antagoniste calcique est à privilégier, sauf en cas de mauvaise tolérance ou en présence d'œdèmes ou d'insuffisance cardiaque. "Il convient de nuancer cette position en tenant compte aussi du risque d'effets secondaires avec l'une ou l'autre de ces bithérapies. Ainsi, l'ajout d'un inhibiteur calcique sera probablement moins bien toléré chez la femme entre 40 et 60 ans (œdèmes des membres inférieurs, flush) alors qu'il sera mieux accepté chez l'homme. Inversement, les femmes tolèrent mieux les diurétiques que les hommes. Quant au bloqueur du SRA, il peut s'agir soir d'un IEC, soit d'un ARA2, soit également de l'aliskiren, même si ce dernier n'est pas spécifiquement mentionné dans les schémas prioritaires de bithérapies dans les dernières recommandations européennes".

À noter que le respect de ces règles d'association implique stricto sensu de débuter le traitement antihypertenseur par un bloqueur du SRA, ce qui correspond effectivement aux pratiques anglaises (5), qui mettent à égalité IEC et ARA 2 en première intention chez l'hypertendu de moins de 55 ans (hors situations particulières), mais privilégient un inhibiteur calcique chez le sujet de plus de 55 ans ou bien chez les sujets à la peau noire quel que soit l'âge. "Par ailleurs, il est à remarquer que le dogme qui consistait à inclure systématiquement un diurétique dans toute bithérapie est aujourd'hui battu en brèche. Enfin, comme indiqué dans les recommandations européennes, les combinaisons fixes facilitent l'observance, et l'on dispose aujourd'hui d'un large choix dans ce domaine en France".

Pour l'heure, les bithérapies prescrites en France associent majoritairement un inhibiteur du SRA et un diurétique (44 % des prescriptions de bithérapies), la combinaison inhibiteur du SRA + inhibiteur calcique n'étant prescrite que dans 18 % des cas (Flahs 2010 ; réf 1).

La trithérapie

-› Selon les recommandations européennes de 2009 (3), la trithérapie antihypertensive la plus performante en cas d'échec de la bithérapie associe un bloqueur du SRA, un diurétique et un antagoniste calcique. "Cette combinaison offre plusieurs possibilités d'ajustement posologique, pas tant en ce qui concerne la dose de l'inhibiteur du SRA qu'en ce qui concerne celle du diurétique (12,5 ou 25 mg d'hydrochlorothiazide) ou de l'inhibiteur calcique (5 à 10 mg d'amlodipine ; 10 ou 20 mg de lercanidipine). Pour autant, la trithérapie la plus utilisée en France – bloqueur du SRA + bêtabloquant + diurétique - n'est pas celle qui est recommandée, mais il est vrai que les dernières recommandations de la HAS, qui datent de 2005, n'abordent pas le sujet aussi précisément".

-› Selon des données issues de l'Etude Nationale Nutrition Santé menée en 2006-2007 (6), seulement la moitié des hypertendus sont traités. Parmi eux, 50 % sont contrôlés, soit environ 25 % du total des hypertendus. Parmi les sujets contrôlés, la moitié l'est avec une monothérapie, tandis que 37 % sont contrôlés avec une bithérapie, et 10 % avec une trithérapie. "Mais ce qu'il importe de souligner, c'est que parmi les patients traités non contrôlés, 35 % reçoivent seulement une monothérapie, et 40 % ont une bithérapie. Ce qui signifie que le thérapeute a là une réserve d'action pour améliorer le contrôle de l'HTA, en passant soit à une bithérapie, soit à une trithérapie. L'inertie thérapeutique, qui concerne plus de 70 % des hypertendus traités non contrôlés, doit donc être combattue", affirme le Pr Girerd. Penser par ailleurs à vérifier la consommation de sel, et rechercher les "sels cachés" présents dans les fromages, le pain, la charcuterie, les bouillons cubes et les sauces industrielles.

QUID DES DIURÉTIQUES CHEZ L'HYPERTENDU ?

En monothérapie, et comme l'indique la récente méta-analyse de Messerli (7), l'hydrochlorothiazide (HCZT) en monothérapie à raison de 12,5 ou 25 mg/j a une efficacité sur la baisse tensionnelle inférieure à celle des principaux autres antihypertenseurs (IEC, ARA2, bêtabloquants, inhibiteurs calciques). Il faut aller jusqu'à 50 mg/j d'HCZT pour retrouver une efficacité comparable.

« Bien qu'étant également moins efficace que les autres diurétiques thiazidiques (indapamide, association spironolactone-altizide), l'hydrochlorothiazide à la dose de 12,5 ou 25 mg/j figure dans la majorité des bithérapies. En pratique, attention à la surveillance de l’ionogramme, en raison du risque combiné de troubles de la kaliémie et d'hyponatrémie, notamment chez les patients âgés recevant par ailleurs un traitement par inhibiteur de la recapture de la sérotonine. Quant au furosémide, il est peu efficace sur la baisse tensionnelle, et il n'a sa place qu'en présence de signes d'insuffisance cardiaque ou d'insuffisance rénale. »

MESURE DE LA PA EN CONSULTATION : DU NEUF !

-› Une étude canadienne (8) s'est penchée sur le problème de la fiabilité de la mesure de la pression artérielle à la consultation. On sait en effet que cette mesure est souvent imprécise, soit du fait du médecin ou du matériel utilisé (l'emploi d'un tensiomètre électronique limite les erreurs), soit du fait du patient lorsqu'il existe un effet blouse blanche. 555 patients hypertendus consultant dans des cabinets de groupe de médecine générale ont été randomisés en 2 groupes. Dans le groupe témoin, la PA était mesurée par le médecin lui-même de manière classique. Dans le groupe "intervention", la mesure était réalisée de manière standardisée : dans un local dédié attenant à la salle de consultation, avant la consultation proprement dite et en dehors de la présence du médecin, grâce à un tensiomètre automatique programmé pour se gonfler 5 fois à 2 minutes d'intervalle, et relié à un dispositif de calcul de la moyenne des chiffres enregistrés. Les résultats des deux groupes sont comparés aux valeurs diurnes obtenues en MAPA (mesure ambulatoire de la PA), laquelle représente le gold standard en la matière. Résultats : les chiffres obtenus par les médecins sont systématiquement plus élevés qu'en MAPA diurne (différence de 6,5 mmHg pour la systolique et 4,3 mmHg pour la diastolique), et cet effet n'est pas gommé par la répétition des mesures. Dans le groupe intervention, les valeurs obtenues restent supérieures à celles enregistrées en MAPA, mais les différences sont moindres (2,3 mmHg pour la systolique, 3,3 mmHg pour la diastolique). Les auteurs concluent que la mesure automatisée de la PA avant la consultation et hors de la présence du médecin est plus performante que la mesure classique en présence du médecin, offre une bonne corrélation avec la MAPA d'éveil, et réduit l'importance de l'effet blouse blanche.

-› « L'application de cette méthodologie en France nécessiterait d'envisager un changement des pratiques et de réorganiser les lieux de consultation. Pour les généralistes exerçant en solo, un bon compromis est représenté par l'automesure tensionnelle, réalisée par le patient et qui donne des informations de meilleure qualité sur le niveau de PA que la mesure conventionnelle au cabinet médical effectuée par le médecin lui-même. » Rappelons que le protocole d'automesure comporte 3 mesures le matin au repos et 3 mesures le soir pendant 3 jours consécutifs, soit 18 mesures au total, dont on calcule la moyenne. Les valeurs normales de PA en AMT se situent en dessous de 135-85 mmHg. L'AMT est utile soit pour confirmer le diagnostic d'HTA, soit pour l'adaptation et le suivi du traitement, auquel cas le patient réalise la série de mesures dans les jours qui précèdent la consultation. À noter que les nouveaux dispositifs permettant de télétransmettre directement par Internet les données d'automesure au cabinet médical ne modifient en rien le protocole (pas de mesures « sauvages » la journée !).


Dr Pascale NAUDIN-ROUSSELLE, avec le Pr Xavier GIRERD (service d'endocrinologie métabolisme, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, 83 boulevard de l'hôpital, 75013 Paris ; courriel : xavier.girerd@psl.aphp.fr )

Source : lequotidiendumedecin.fr