John, 11 mois, sans antécédent particulier, est amené pour une fièvre oscillant entre 38°5 et 39°5 depuis 48 heures. L’enfant est fatigué, assez grognon mais continue à s'alimenter correctement. Son examen clinique est normal. Un ECBU est réalisé avec une poche, dont le premier résultat transmis en urgence indique une leucocyturie à 35 000/ ml
QUAND ET SUR QUELS CRITÈRES SUSPECTER UNE INFECTION URINAIRE ?
Toute fièvre élevée sans cause évidente chez le nourrisson doit faire évoquer une infection urinaire (IU). D’autres symptômes peuvent être associés: troubles digestifs, altération de l'état général,… Plus l'enfant est jeune, moins la symptomatologie est spécifique (4). La précocité du diagnostic et du traitement conditionne en partie la prévenue de cicatrices rénales.
C'est dans la première année de vie que l'incidence du premier épisode de l'IU est la plus élevée. Les filles sont plus souvent atteintes que les garçons, deux fois plus avant un an, 4 fois plus entre 1 et 2 ans, la fréquence chez les garçons non circoncis est de 5 à 20 fois plus élevée que chez les circoncis.
Si l’importance du syndrome fébrile et la négativité de l’examen clinique chez cet enfant devaient faire rechercher une IU, jamais ou presque (enfant de moins de 3 mois, neutropénique) un ECBU ne doit être demandé sans bandelette urinaire préalable.
COMMENT AFFIRMER LE DIAGNOSTIC D’IU ?
Eliminer une IU est relativement simple, l'affirmer est beaucoup plus difficile.
-› « Le dépistage repose sur les bandelettes réactives (leucocytes + nitrites), qui devraient précéder tout examen bactériologique des urines ».
Lors de la consultation, une bandelette peut être mise en contact avec les urines de l’enfant s’il a une miction ou en les recueillant, par une poche. Les couches modernes trop efficaces ne permettent plus de mettre la bandelette au contact des urines. Pour l'enfant un peu plus grand, on demande à la maman de recueillir les urines dans un petit pot propre. La bandelette est un examen simple et fiable : négative, elle rend très improbable le diagnostic d’IU, positive elle amène à réaliser un ECBU. Celui-ci est considéré probant si la bactériurie est supérieure ou égale à 105/ml, si un seul germe est isolé, et si une leucocyturie significative accompagne la bactériurie.
Robert Cohen souligne "Il est grand temps que la sécurité sociale rembourse les bandelettes pour réduire le flot des ECBU superflus, coûteux et sources d’explorations et de traitements inutiles". Le conditionnement mal adapté et le coût des bandelettes limitent leur utilisation.
-› L’ECBU prélevé par poche est un examen peu fiable. "Certes, une culture négative permet le plus souvent d’exclure le diagnostic d’infection urinaire, mais positive -même supérieure à 105 /ml- elle doit être interprétée avec prudence. En effet, on doit tenir compte des conditions de prélèvement, de la durée entre la miction et l’analyse de l’échantillon, de la présence d’une leucocyturie significative (› 50.000 /ml), du contexte cliniqu,e…" Pour être valable, le prélèvement par poche nécessite un nettoyage très soigneux au savon de toute la zone contact, de changer la poche toutes les 20 minutes, de l’ôter dès l'émission d'urines et soit d’apporter celles-ci au laboratoire immédiatement soit de les réfrigérer à 4°C. Ces conditions très difficiles en pratique expliquent que 30 à 65 % des prélèvements soient faussement positifs (5).
En cas de doute et avant de débuter une antibiothérapie qui viendra fausser les examens ultérieurs, il importe d’obtenir un échantillon d’urine non souillé : sondage urétral et parfois ponction sus-pubienne en milieu hospitalier (2).
COMMENT TRAITER CET ENFANT ?
"La très grande majorité des enfants présentant une pyélonéphrite aiguë peuvent être traités en ambulatoire. Seuls les nourrissons de moins de trois mois, les enfants présentant un syndrome septique (fièvre élevée, AEG) ou ceux porteurs d’une uropathie sévère doivent être hospitalisés". Sous réserve d’un traitement obéissant aux recommandations et d’informations suffisamment bien comprises par les parents. Les bactéries en cause sont E coli dans 80 % des cas, proteus mirabilis dans 5 à 10 %.
Attention, « l'antibiorésistance croissante des bactéries impliquées dans les IU limite le choix des antibiotiques » : 50 % des E. coli sont résistantes à l’amoxicilline et 20 à 30 % au cotrimazole, les entérocoques sont naturellement résistants aux céphalosporines et aux aminosides. « Ni l’amoxicilline, ni l’amoxicilline-acide clavulanique ne sont des alternatives acceptables pour les E. coli, même s’ils apparaissent comme sensibles sur l’antibiogramme ».
= Le traitement initial, entrepris avant le résultat de l’antibiogramme, repose essentiellement sur la ceftriaxone par voie IM pendant 2 jours à la dose de 50 mg/kg, le temps d’obtenir le résultat complet de l’ECBU, l’antibiogramme notamment
= Le traitement de relais oral peut être, en fonction de l’antibiogramme, le cotrimoxazole ou le céfixime pendant une durée de 10 à 14 jours. En cas d’allergie ou de résistance à la ceftriaxone, la gentamicine en monothérapie et en une injection journalière est l’alternative parentérale recommandée (1,3).
= L’émergence de souches d’E.Coli résistante aux céphalosporines de troisième génération (souches sécrétrice de bêta-lactamases à spectre étendu) vient compliquer de façon considérable la situation. Cette éventualité encore rare (moins de 5% des souches) impose de bien vérifier pour chaque épisode la sensibilité aux antibiotiques de la souche responsable et de recourir plus souvent à des hospitalisations pour instaurer un traitement par voie IV (pénèmes ou aminosides).
= Il faut revoir l'enfant 2 à 3 jours après le début du traitement, il n’y a pas lieu de contrôler l’ECBU en cas d’évolution clinique favorable, ni pendant le traitement ni au décours.
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