Nous recevons en consultation Simone, 88 ans, accompagnée par sa fille médecin du travail retraitée. Cette dernière est inquiète car sa mère, suite au décès du père, se replie sur elle-même. Elle est apathique, a pris du poids (elle ne fait plus d’exercice).
Compte tenu de cette situation, sa fille lui a prescrit un antidépresseur (miansérine), sans réelle efficacité. Elle a donc demandé la réalisation d’un bilan sanguin comportant uniquement une NFS et un ionogramme. Ce dernier objectivait une anomalie au niveau des globules blancs avec un nombre de 7 250/µL (N entre 4 000 et 10 000) avec une proportion de polynucléaires basophiles à 336/µL
(N entre 0 et 150 soit entre 0 et 1 % des leucocytes). Ce résultat a fait craindre à la fille de Simone la découverte d’une éventuelle leucémie. Avant de souscrire à cette hypothèse, nous avons examiné Simone, qui présente un œdème de la face et une raréfaction des sourcils (cliché 1). Ces éléments associés à l’augmentation de poids et l’apathie nous ont conduit à demander un dosage de TSH qui objectivait un taux à 12 µUI/mL (N entre 0,45 et 4,9). Nous avons donc un tableau d’hypothyroïdie responsable d’une basocytose modérée (la population de basophile est de 4,6 % par rapport à la population totale de leucocytes).
INTRODUCTION
La première description des polynucléaires basophiles a été effectuée en 1879 par Ehrlich.
Les basophiles ont un caractère plurilobé et n’ont qu’un seul noyau. De ce fait, on ne peut pas dire qu’il s’agit de polynucléaires. Le terme de basophile est lié à la présence d’inclusions de colorants bleus au niveau du cytoplasme.
Les basophiles renferment des granules contenant histamine et protéoglycanes (héparine et chondroïtine), et sécrètent des leucotriènes et des cytokines (interleukine-4).
Ces différents éléments contenus ou sécrétés par les basophiles contribuent :
• à assurer une protection immunitaire vis-à-vis des parasites ;
• à favoriser une régulation du système immunitaire qui permet, entre autres, d'assurer une inhibition des facteurs à l’origine de la genèse de néoplasies ;
• à avoir une action régulatrice sur un plan allergologique par le biais des cytokines favorisant la production d’IgE.
Classiquement, la proportion des basophiles est inférieure à 3 % de la totalité des leucocytes.
Des erreurs peuvent survenir en laboratoire d'analyses, lors de l’évaluation de ce taux par les automates, ce qui doit conduire dans certains cas à recontrôler la NFS.
es fausses basocytoses peuvent être observées lorsque, sur le prélèvement, sont présents : des cellules du lymphome du manteau, des neutrophiles dysplasiques, des promyélocytes, des lymphocytes atypiques, des myéloblastes.
LES DIFFÉRENTES ÉTIOLOGIES
L’évaluation des étiologies responsables d’une basocytose est fonction de l’importance du taux de basophiles (elle est évaluée en fonction de leur % par rapport au nombre total de leucocytes).
L’augmentation modérée (entre 3 et 5 % de basophiles par rapport à la population de leucocytes)
Dans ces situations, plusieurs étiologies peuvent être responsables de cette élévation : rhumatologique (arthrite juvénile), digestive (colite ulcéreuse), endocrinienne (hypothyroïdie, dyslipidémie), allergique (réaction d’hypersensibilité immédiate, asthme), iatrogène (traitement par œstrogènes), infectieuse (varicelle), néoplasique et, enfin, dans le cadre d’un syndrome hyperéosinophilie idiopathique.
L’augmentation supérieure à 5 %
Les syndromes myéloprolifératifs :
- la leucémie myéloïde chronique, la leucémie myélomonocytaire chronique, la leucémie myéloïde chronique atypique
- la maladie de Vaquez
- la thrombocytémie essentielle
- la splénomégalie myéloïde
- la mastocytose
Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM)
Il peut s’agir de la LAM 2, 3, 4 ou 7 (selon la classification FAB). Dans ces cas, on recherche des anomalies chromosomiques (translocation ou délétion) pour évaluer de manière précise la nature de la leucémie et évaluer le traitement.
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Widad Gallaf (interne en médecine générale à Montpellier), Julien Planas et Sophie Sabatier (externes à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
1. Arock M. Le polynucléaire basophile : du contrôle
de l’immunité à celui des leucémies. Annales pharmaceutiques françaises 2022 ; 80 (1) : 9-25.
2. Rieu JB. Cytologie
des hémopathies malignes. Anomalies sanguines
et médullaires. Ed. John Libbey 2021.
3. Duployez N. Hématologie. Ed. De Boeck Supérieur 2020.
Cas clinique
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