Marie-Josée, 42 ans, consulte pour une asthénie qui dure depuis plusieurs mois. Elle explique aussi avoir des difficultés pour se relever de sa chaise et monter les escaliers. Ses collègues de travail ont remarqué une couleur brun-violet sur le pourtour de ses paupières (cliché 1). Nous avons retenu le diagnostic de dermatomyosite, confirmé par la mise en évidence d’anticorps antinucléaires.
SYMPTOMATOLOGIE
► Les manifestations cutanées précèdent de 3 à 6 mois les manifestations musculaires. Elles sont mises en évidence chez 40 % des patients adultes et 95 % des enfants. Elles se caractérisent par :
► Un érythème héliotrope rose lilas des zones découvertes du visage (paupières). En cas d’atteinte palpébrale, on note un œdème qui peut s’étendre vers le cuir chevelu ou le visage.
► Des papules de Gottron. De couleur violette, elles sont pathognomoniques de la dermatomyosite. Elles siègent sur les articulations métacarpophalangiennes, interphalangiennes ou les zones osseuses proéminentes (coudes, genoux et malléoles externes).
► Une poïkilodermie se caractérise par une hypo ou hyperpigmentation cutanée, une atrophie de l’épiderme, des télangiectasies et un érythème. Elle touche les épaules, les fesses et le dos.
► Une atteinte unguéale avec des cuticules irrégulières, des mégacapillaires, un érythème périunguéal associé à un œdème, et une hyperkératose. Il existe une douleur lors de la pression rétrograde de la matrice : “signe de la manucure”.
– Au niveau du cuir chevelu : des squames, une alopécie, ou un prurit.
– Un érythème violet au niveau de la nuque et des épaules (signe du foulard).
– Des ulcérations érythémato-squameuses aux deux mains.
– D’autres signes parfois : bulles et érosions lorsqu’un cancer est associé, calcinose cutanée ou sous-cutanée qui s’ulcère en donnant un enduit crayeux, énanthème buccal, syndrome de Raynaud.
► Les manifestations musculaires : douleurs, atrophies et faiblesses musculaires sont observées au niveau proximal. L’atteinte est symétrique et se traduit par des difficultés à lever les bras, monter les escaliers, se relever d’une chaise. L’atteinte myogène peut être absente (forme amyopathique), ou dans certains cas infraclinique (forme hypomyopathique).
► Les autres manifestations : arthralgies des poignets, métacarpophalangiennes et interphalangiennes ; atteintes cardiaques (myocardite, péricardite, trouble de la conduction).
Une insuffisance cardiaque est objectivée chez 30 % des adultes ayant des manifestations musculaires associées. Des atteintes pulmonaires sont rencontrées chez près de 40 % des adultes : pneumopathie interstitielle ou de déglutition, pneumomédiastin, hypertension artérielle pulmonaire, pneumothorax. Des atteintes digestives concernent près de 30 % à 40 % des cas (surtout une dysphagie).
EXAMENS PARACLINIQUES
► Au niveau biologique, un dosage des enzymes musculaires CPK (positivité dans près de 65 % des cas), aldolases (positif dans 40 % des cas), et LDH. Les anticorps antinucléaires sont positifs dans 40 % des cas. Une fois sur cinq, on retrouve des anticorps spécifiques : les Mi2.
► L’électromyographie objective une atteinte myogène avec une irritabilité musculaire, des décharges myotoniques. Des signes de dénervation témoignent d’une possible origine paranéoplasique.
► L’examen anatomopathologique objective au niveau cutané une dégénérescence de la couche basale, et un œdème du derme superficiel. Avec accumulation de mucopolysaccharides dans le derme. Au niveau musculaire (biopsie effectuée au niveau des ceintures surtout) : une nécrose élective de fibres musculaires, avec des macrophages histiocytes et lymphocytes.
► L’ECG recherche une irrégularité rythmique, un BAV.
► La radiographie pulmonaire objective parfois une pneumopathie interstitielle. L’IRM musculaire montre une atteinte focale avec œdème.
TRAITEMENT
► À titre préventif, il faut insister sur la protection solaire des patients et la rééducation (mobilisation passive et physiothérapie).
► La corticothérapie orale est le traitement de choix (1 mg/kg/j). On réduit ce traitement si les enzymes musculaires se normalisent. En cas de réponse partielle, il est possible d’associer de l’azathioprine. On peut aussi recourir en seconde intention au méthotrexate, au cyclophosphamide, ou aux immunoglobulines en IV. En cas de prurit, des antihistaminiques sont prescrits.
► Enfin, il est nécessaire de rechercher chez les patients adultes une pathologie néoplasique (entre 15 et 25 % des cas). Le plus souvent : un cancer du sein, des poumons, des ovaires ou du tube digestif.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Cette myopathie inflammatoire rare (entre 3 et 6 nouveaux cas/million d'habitants par an) touche deux fois plus les femmes que les hommes. La dermatomyosite apparaît surtout chez les adolescents ou les adultes jeunes (moins de 40 ans). Près de 15 % des cas sont observés chez les enfants.
BIBLIOGRAPHIE
1. Habif T. Maladies cutanées. Diagnostic et traitement. France. Elsevier 2008.
2. Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Elsevier-Masson 2017.
3. Fitzpatrick TB. Atlas en couleurs de dermatologie clinique. Flammarion Médecine-Sciences 2007.
4. Bolognia JL. Dermatologie : l’essentiel. Elsevier-Masson 2018.
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