Gastro-entérologie

LA LITHIASE BILIAIRE

Publié le 17/12/2010
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La prise en charge de la lithiase biliaire symptomatique fait aujourd'hui largement appel à la chirurgie cœlioscopique et aux techniques endoscopiques. Les différentes modalités thérapeutiques de cette pathologie ont fait l'objet d'une mise à jour des recommandations de la SNFGE.

Crédit photo : ©DR NAJEEB LAYYOUS/SPL/PHANIE

En France, 5 millions de personnes sont porteuses de calculs biliaires, et l'on dénombre 80 000 cholécystectomies annuelles (2). C'est donc une pathologie fréquente, dont la fréquence augmente avec l'âge. Les dernières recommandations françaises sur ce thème datant de 1991, l'évolution des techniques cœlioscopiques et l'amélioration des procédures diagnostiques imposaient une mise à jour. C'est chose faite avec la publication des recommandations de pratique clinique de la Société nationale française de gastro-entérologie sur la prise en charge de la lithiase biliaire (1).

LITHIASE VÉSICULAIRE

En l'absence de symptômes : abstention thérapeutique (1,3)

Comme par le passé, l'abstention thérapeutique reste de mise en cas de lithiase vésiculaire asymptomatique (1). Parmi les exceptions à cette règle édictée en 1991, la chirurgie bariatrique a suscité de nouveaux débats autour de la cholécystectomie "de rencontre", puisque la population concernée est à haut risque de lithiase vésiculaire (3). Actuellement, la cholécystectomie de rencontre n'est pas justifiée. Une autre exception a été évoquée : en effet, il a été suggéré un risque élevé de cancer vésiculaire en cas de calculs vésiculaires de plus de 3 cm. Les données de la littérature étant contradictoires, la SNFGE recommande d'évaluer le risque dans cette situation.

Lorsque le calcul devient symptomatique (4)

La douleur biliaire aiguë, souvent appelée colique hépatique même si cette dénomination est impropre, a pour origine le blocage transitoire d'un calcul vésiculaire dans le collet vésiculaire, le canal cystique ou la voie biliaire principale, ce qui induit une hyperpression dans la vésicule ou les voies biliaires. La douleur est brutale, intense, apparaissant volontiers en post-prandial, siégeant au niveau de l'hypochondre droit ou de l'épigastre, avec irradiation vers l'épaule droite ou plus rarement vers l'omoplate droite. Elle augmente lors de l'inspiration profonde. Le blocage étant habituellement transitoire, la douleur cède après un délai allant de quelques minutes à 4-5 heures.

L'échographie abdominale constitue l'examen d'imagerie de première intention.

Le traitement est d'abord médical, dans le but de soulager la douleur (antalgiques, antispasmodiques, anti-inflammatoires). En l'absence de signes d'obstruction de la voie biliaire principale, le traitement chirurgical par cholécystectomie doit être réalisé rapidement afin de ne pas s'exposer à une récidive ou une complication.

Cholécystite aiguë lithiasique

=) La cholécystite aiguë, correspondant à l'infection de la vésicule secondaire à l'obstruction prolongée du canal cystique par un calcul, est l'une des complications de la lithiase vésiculaire (avec l'angiocholite et la pancréatite aiguë). Le diagnostic repose sur des éléments cliniques, biologiques et échographiques. La douleur est prolongée et associée à un syndrome infectieux et à une défense de l'hypochondre droit. En l'absence d'obstruction de la voie biliaire principale associée (< 10 % des cas), il n'y a pas d'ictère. Le tableau peut évoluer vers un choc septique ou une défaillance viscérale.

=) Au plan biologique, la CRP et les polynucléaires neutrophiles peuvent être élevés, le bilan hépatique étant le plus souvent normal (3).

L'examen d'imagerie de première intention est l'échographie abdominale, qui permet de confirmer le diagnostic dans plus de 90 % des cas. L'existence d'un épaississement de la paroi vésiculaire supérieur ou égal à 4 mm, d'un liquide périvésiculaire, d'une douleur au passage de la sonde sur l’aire vésiculaire (signe de Murphy radiologique), d'une image de calcul intravésiculaire sont des signes de diagnostic positif (3).

=) La conférence de consensus internationale de Tokyo (Tokyo guidelines - 2007) (5) a classé les cholécystites en 3 stades de gravité, dont dépendent les modalités thérapeutiques. En résumé, le grade 3 (gravité sévère) se définit par la présence d'une défaillance viscérale ou multiviscérale ; le grade 2 (gravité modérée) par la présence d'une infection locale (péritonite biliaire localisée, abcès péri-vésiculaire, abcès hépatique, cholécystite gangréneuse, cholécystite emphysémateuse) ; le grade 1 (gravité faible) désigne les cas ne correspondant pas aux stades 2 et 3 (inflammation modérée de la vésicule).

=) Le traitement curatif de la cholécystite aiguë lithiasique est la chirurgie, consistant pour les grades 1 et 2 en une cholécystectomie par cœlioscopie réalisée le plus tôt possible après le début des symptômes (1 ; 3). L'intervention permet de traiter à la fois la cause (calculs) et l'infection qui en est la conséquence. La cœlioscopie permet de réduire la durée d'hospitalisation par rapport à la voie laparoscopique. Cependant, les cholécystites gangréneuses et emphysémateuses présentent un risque plus important de taux de conversion (en laparotomie) et de morbidité postopératoire.

En cas de cholécystite aiguë sévère, la chirurgie étant un facteur de risque important de complications et de mortalité, le drainage de la vésicule biliaire par voie percutanée (cholécystostomie percutanée) associé à l’antibiothérapie semble préférable, afin de traiter le foyer septique.

En dehors des cholécystites de faible sévérité et paucisymptomatiques, une antibiothérapie active sur les germes gram négatif et à bonne diffusion biliaire est administrée avant l'intervention chirurgicale. La réalisation préalable d'un prélèvement bactériologique (hémoculture ou prélèvement de bile) est la règle. Pour autant, la présence de germes dans la bile n'est pas systématique en cas de cholécystite lithiasique (41 à 63 % selon les études). Mais il a été montré que l’antibiothérapie pré-opératoire diminuait le taux d’infection de paroi et de bactériémie post-opératoire (3).

=) La cholécystostomie percutanée consiste à mettre en place (par voie transhépatique de préférence) un drain dans la vésicule biliaire, sous guidage échographique ou scannographique. La bile infectée peut ainsi être évacuée. Le cathéter reste en place 2 à 3 semaines, puis après guérison du sepsis, la cholécystectomie peut être réalisée, soit à distance, soit au cours de la même hospitalisation. La cholécystostomie percutanée est proposée en cas de cholécystite aiguë sévère, lorsque celle-ci s'associe à une inefficacité de l'antibiothérapie, ainsi que chez les patients présentant une contre-indication à l'anesthésie générale en urgence. Si ce geste n'est pas possible par voie percutanée, il peut être réalisé par voie laparotomique sous anesthésie locale (3).

La cholécystectomie subtotale quant à elle n'emporte qu'une partie de la vésicule, laissant en place la partie postérieure accolée au foie. Cette méthode est utilisée en cas de saignement abondant lors de la cholécystectomie cœlioscopique (3).

LITHIASE DE LA VOIE BILIAIRE PRINCIPALE

=) L'angiocholite aiguë a pour origine le blocage d'un calcul dans la voie biliaire principale (VBP), associé à une infection (4). C'est une urgence thérapeutique. Le tableau clinique associe douleur, fièvre élevée et ictère, ces trois éléments se succédant en moins de 48 heures. L’ictère est de type cholestatique (urines foncées, selles décolorées, prurit). Le bilan biologique objective une choléstase, associée à une élévation variable de la bilirubine et des transaminases, ainsi qu'à une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. Des hémocultures doivent être réalisées. L'infection de la voie biliaire peut rapidement évoluer vers une bactériémie ou une septicémie et mettre en jeu le pronostic vital.

Là encore, l'échographie abdominale est l'examen de première intention, mais ses performances diagnostiques sont médiocres. L'échographie peut en effet paraître normale. Les deux examens de 2ème intention les plus performants actuellement sont la cholangio-IRM et l'écho-endoscopie (sonde d'échographie fixée à l'extrémité de l'endoscope). Pour autant, l'accès pratique à une cholangio-IRM rapide peut être difficile, tandis que l'écho-endoscopie nécessite une anesthésie générale.

Le traitement de la lithiase de la VBP est soit chirurgical (cholédocotomie et extraction du ou des calculs), soit endoscopique (sphinctérotomie endoscopique, qui consiste à sectionner le sphincter au cours d’une cholangiographie rétrograde endoscopique, et à extraire les calculs) (2), et il est suivi d'une cholécystectomie cœlioscopique. Les deux traitements donnent des résultats équivalents s'ils sont réalisés par des professionnels entraînés. Le choix du traitement doit dépendre des compétences locales disponibles.

=) Tous les calculs de la VBP doivent être traités, en raison du risque de complications (1).

Chez les patients programmés pour une cholécystectomie à froid pour une lithiase vésiculaire symptomatique, la question se pose de savoir s'il faut rechercher systématiquement la présence d'une lithiase associée de la VBP. Recherche qui va dépendre de la prise en charge envisagée pour traiter cette lithiase. En effet, si le traitement des calculs de la VBP est fait de façon chirurgicale, il n’y a pas d’intérêt à les rechercher en pré-opératoire si tous les malades ont une cholangiographie per-opératoire.

Si la prise en charge de ces calculs est faite de façon combinée (sphinctérotomie endoscopique et cholécystectomie), il y a par contre un intérêt à les rechercher avant la cholécystectomie. Dans ce dernier cas, la recherche des calculs pourra être sélective, orientée par la présentation clinique, la biologie et l’échographie, pour éviter la réalisation systématique d’examens coûteux et invasifs (1). Ainsi, en l'absence de critères de probabilité de lithiase de la VBP (antécédent d'ictère, perturbations des tests biologiques hépatiques, présence d’une dilatation de la voie biliaire principale et d’un calcul de la VBP à l’échographie), il y a plus de 95 % de chances pour qu’il n’y ait pas de calcul de la voie biliaire principale. Il est donc licite dans ce cas de ne pas réaliser d’exploration de la voie biliaire principale pour rechercher un calcul, que ce soit en pré-opératoire ou en per-opératoire.

=) Le traitement de l'angiocholite aiguë associe antibiothérapie et drainage des voies biliaires. L'antibiothérapie doit être mise en route dès la suspicion du diagnostic, puis adaptée en fonction du résultat des hémocultures. Les germes sont habituellement des bacilles gram négatif de la flore intestinale. En cas d'antécédent d'anastomose biliodigestive, des germes anaérobies sont également souvent présents.

S'il s'agit d'un premier épisode d'angiocholite, sans qu'aucune antibiothérapie n'ait été administrée au préalable et sans que le patient ait subi de manœuvre biliaire, le choix se porte en première intention sur une céphalosporine, une quinolone ou un aminoside. Si un traitement par quinolones a été prescrit dans les 3 à 6 mois précédents, il est préférable de ne pas utiliser cette classe d'antibiotiques pour l'angiocholite, en raison du risque de résistance. La couverture des anaérobies par une association de type amoxicilline-acide clavulanique ou métronidazole est utilisée en cas d'antécédent d'anastomose biliodigestive (1).

Le drainage biliaire (endoscopique ou chirurgical) doit être organisé rapidement. Si le choix s'est porté sur la sphinctérotomie endoscopique, une cholécystectomie doit être réalisée secondairement afin d'éviter la survenue de nouvelles complications biliaires (1).

Dans les rares situations d'angiocholite sévère (persistance d'un état septique sous antibiotiques), il est recommandé de réaliser une sphinctérotomie endoscopique en urgence.

Dr Pascale Naudin-Rousselle ?(rédactrice, fmc@legeneraliste.fr), avec le Pr Gilles Pelletier (Département hépato-biliaire, hôpital Paul Brousse, 12 avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94 804 Villejuif)

Source : lequotidiendumedecin.fr