L’examen de cette lésion permet d’objectiver une formation composée de deux parties : une partie périphérique, ou plutôt un bourrelet assez bien limité, de couleur brun-violet et une zone centrale de couleur jaune chair, maculo-papuleuse.
L’examen clinique complet a permis de retrouver la présence d’une sciatalgie gauche et la présence des pouls périphériques , ce qui permet d’éliminer une éventuelle artériopathie. Compte tenu de cette description, mais aussi du fait que le patient soit diabétique, nous avons pu poser le diagnostic de nécrobiose lipoïdique.
DERMATOSE SPÉCIFIQUE DU DIABÈTE
La nécrobiose lipoïdique est une affection granulomateuse rare qui touche 0,3 % des patients diabétiques. Cette dermatose touche entre 11 et 65 % des patients ayant un diabète (le plus souvent de type 1).
Les femmes sont le plus fréquemment atteintes par la nécrobiose (trois femmes pour un homme) et les plus de 40 ans sont les plus touchés.
ASPECTS CLINIQUES
Cette dermatose se caractérise initialement par un placard ou des papules arrondies de couleur rouge-brun (parfois de teinte vineuse). Progressivement ces lésions deviennent coalescentes, et présentent une bordure surélevée infiltrée dont les limites sont bien définies.
La bordure est de couleur violette et le centre est de couleur jaune-orangée du fait d’une surcharge graisseuse. Cette zone centrale est atrophique, luisante et il est possible d’observer des télangiectasies.
► Ces lésions sont le plus souvent asymptomatiques. Elles s’observent le plus souvent au niveau des membres inférieurs (dans plus de 90 % des cas), et le plus fréquemment au niveau des crêtes tibiales antérieures. D’autres localisations sont possibles, mais plus rarement (près de 15 % des cas) : cuir chevelu, du visage, du tronc, et des avant-bras.
HISTOLOGIQUEMENT
On observe le plus fréquemment une lésion de type granulome associée à une inflammation histiocytaire.
Les lésions granulomateuses restent très profondes, et peuvent toucher l’hypoderme (le derme n’est généralement pas touché). En fait, il s’agit d’un infiltrat lympho-histiocytaire ayant une conformation palissadique, et au niveau duquel on retrouve de nombreux dendrocytes.
► En parallèle, il existe une prolifération endothéliale, ainsi qu’une hyalinisation de la paroi. Avec l’évolution de cette dermatose, il est possible de ne plus observer les faisceaux de collagène qui sont maquillés par une apposition de protéoglycanes et de lipides.
ÉVOLUTION
Cette dermatose évolue sur plusieurs années. Avec le temps (plus de 15 ans), la nécrobiose donne des placards scléro-atrophiques dont les limites sont nettes.
► Dans certains cas, la nécrobiose se caractérise par une régression spontanée (dans près de 20 % des cas), mais cette disparition est mise en évidence au bout de plus de 10 ans d’évolution.
Des ulcérations peuvent être observées, mais dans près de 25 % des cas elles font suite à un traumatisme local.
Une dégénérescence en carcinome épidermoïde est possible, mais reste exceptionnelle.
LE TRAITEMENT
L'équilibre du diabète n’a aucun effet sur l’évolution de cette dermatose.
► Pour les lésions récentes, il est possible de recourir aux dermocorticoïdes de forte puissance en occlusion ; cela afin de réduire le risque d’atrophie cutanée, et de progression des lésions cutanées.
Le tacrolimus à 0,1 % en application biquotidienne est efficace sur certaines lésions en réduisant leur évolutivité.
► Certains auteurs proposent d’autres traitements, mais avec des résultats plus aléatoires : anti-TNF, exérèses greffes, ciclosporine, corticothérapie orale.
En fait, les résultats de ces thérapeutiques restent peu importants et on peut parfois conseiller au patient une abstention thérapeutique.
Par contre, la découverte d’une nécrobiose lipoïdique doit conduire le clinicien à rechercher chez son patient une atteinte microangiopathique (rétinopathie), mais aussi une néphropathie.
Les origines
• La nécrobiose lipoïdique reste encore mal expliquée. Une des théories le plus souvent avancée est l’origine vasculaire. En effet, on observe souvent d’importants dépôts de fibrine, d’immunoglobuline M, ou de complément (C3) au niveau de la paroi des vaisseaux qui font penser à une origine vasculaire. Cette appartenance pourrait être secondaire à une vasculite à complexes immuns.
• Par ailleurs, cette dermatose survient le plus souvent chez des patients ayant des atteintes microvasculaires (rétinopathie), mais aussi chez ceux qui ont des néphropathies.
Bibliographie
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11e Congrès de la Médecine Générale 2017.
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