DÉFINITION
La périménopause caractérise la période précédant la ménopause, elle-même définie par son début : une année après les dernières règles finales (DRF). La périménopause débute 2 à 5 ans avant la survenue des DRF. L'étude Swan (Study of Women’s Health Across the Nation) est une étude longitudinale qui a permis de bien caractériser cette période (1).
DIAGNOSTIC
Le diagnostic de certitude de la périménopause est rétrospectif. Cette période peut être asymptomatique, mais le plus souvent, elle se traduit par :
→ Des troubles du cycle :
• Raccourcissement des cycles par effet de l’augmentation de la FSH.
• Allongement des cycles : spanioménorrhée par épuisement du capital folliculaire.
Les cycles anovulatoires sont constatés pour plus de 50 % des cas dans les 2 ans qui précèdent les DRF, mais 20 % des cycles sont ovulatoires dans l’année qui précède les DRF (2).
• Saignements utérins anormaux (SUA) liés aux troubles fonctionnels hormonaux avec déséquilibre de la balance estradiol-progestérone. On peut noter des périodes :
- d’insuffisance lutéale,
- d’hyperestrogénie relative ou absolue,
- et d’hypoestrogénie.
→ Des signes fonctionnels : bouffées vaso-motrices, crises de sueurs nocturnes, crises de douleurs articulaires, voire de sécheresse vaginale. C’est une période d’instabilité de l’humeur, voire d’état dépressif et des troubles de la libido.
Sur le plan hormonal, les dosages hormonaux ne vont pas nous aider : la périménopause est liée à la diminution des follicules ovariens. Elle est corrélée à l’âge, à la FSH, à l’AMH (hormone antimüllérienne), à la production d’inhibine B et d’estradiol. Aucun dosage n’est utile. Si la chute d’AMH est notée de 18 à 50 ans, le taux d’AMH a une mauvaise valeur prédictive et ne permet pas le diagnostic de périménopause. L’étude de Santoro (3) objective en périménopause une augmentation des taux d’estrone, de FSH en particulier en fin et en début de cycle et une chute de la sécrétion de progestérone. La FSH augmente (parfois supérieure à 25 UI/L) mais sa variabilité en fait un mauvais test diagnostique.
En prospectif, aucun test ne permet d’être aidé pour faire le diagnostic, seule la clinique est utile en alliant l’âge, les symptômes, les troubles du cycle. Aucun test biologique ne doit donc être proposé.
Au cours de la périménopause, le médecin doit être attentif aux symptômes qui peuvent faire l’objet d’investigations et d’un traitement :
• altération des cycles menstruels,
• syndrome climatérique, syndrome génito-urinaire,
• troubles du sommeil,
• altération de l’humeur, anxiété, troubles dépressifs,
• inquiétude liée à la fertilité,
• troubles métaboliques (syndrome métabolique : surpoids, obésité, diabète, dyslipidémie).
Selon Tepper (4), la précocité des bouffées vaso-motrices, qui peuvent survenir plus de 5 ans avant les DRF, serait corrélée à des risques cardio-vasculaires. L’étude Swan a montré que les bouffées vaso-motrices qui survenaient en périménopause étaient celles qui duraient le plus longtemps après l’installation de la ménopause.
À noter que chez les femmes qui présentent des migraines en périménopause, le taux d’estrogènes chute plus rapidement en phase lutéale que chez les femmes qui n’ont pas de migraines.
La périménopause peut également être marquée par une chute de la densité minérale osseuse (5), probablement liée aux périodes d’hypoestrogénie.
TROUBLES DU CYCLE
Munro, au nom de la Figo (Fédération internationale de gynécologie obstétrique) (6), a redéfini en 2011 les troubles du cycle en remplaçant les saignements fonctionnels, les ménorragies, les métrorragies, les polyménorrhées, par les termes :
• saignement utérin anormal (SUA),
• saignement menstruel abondant (plus de 100 ml) ou prolongé (plus de 9 jours),
• saignement inter-menstruel (cyclique ou non),
• cycle irrégulier durant plus de 7 à 9 jours,
• règles de fréquence anormale : un cycle fréquent dure moins de 24 jours, un cycle prolongé dure plus de 38 jours.
Le bilan étiologique des SUA doit suivre l’acronyme G CoCa PAFIFA. Les causes fonctionnelles sont un diagnostic d’élimination :
– G pour Grossesse. Un test de grossesse doit être proposé pour tout SUA avant l’âge de 50 ans.
– Co pour coagulation (15 % de maladie de Willebrand diagnostiquée en périménopause devant des saignements inexpliqués).
– Ca pour Cancer (col, endomètre, ovaire).
– P pour Polypes.
– A pour Adénomyose.
– F pour Fibrome.
– I pour Infection et causes Iatrogènes : contraception COP (contraception estroprogestative), POP (Progestin only pill ou microprogestative), DIU cuivre ou SIU au lévonorgestrel.
– F pour SUA Fonctionnels : troubles de l’ovulation en périménopause, causes hormonales.
– A pour Atrophie, surtout après les DRF (la périménopause inclut l’année qui suit les DRF : l’atrophie endométriale peut donc se révéler dans cette année).
→ La prise en charge des causes fonctionnelles repose sur l’utilisation de la progestérone (200 mg du 15e au 25e jour du cycle), des progestatifs : acétate de chlormadinone ou de nomégestrol (5e-25e jour au 1er cycle, puis 21 jours sur 28) pendant une période de 3 à 6 mois. En raison du risque de survenue de méningiome, leur prescription doit être limitée à moins de 12 mois. On peut encore utiliser un SIU au lévonorgestrel.
CONTRACEPTION EN PÉRIMÉNOPAUSE
La fertilité diminue avec l’âge. Cette baisse est liée à la diminution du capital folliculaire et à la diminution de la qualité ovocytaire. Cependant, 87,9 % des cycles sont ovulatoires dans les 5 ans qui précèdent la survenue des DRF. Et 22,8 % des cycles dans l’année qui précèdent les dernières règles sont ovulatoires.
Les chances d’obtenir une grossesse naturelle sont de :
• 30 % par an entre 40 et 45 ans,
• 10 % par an entre 46 et 50 ans,
Le risque de grossesse est très rare après 50 ans car l’index de fécondabilité est entre 0,1 et 3 /1 000, soit moins qu’une femme entre 20 et 30 ans qui prend la pilule estroprogestative (OP).
Après 50 ans, la contraception peut être arrêtée mais cette décision doit être partagée, elle impose toujours d’établir une balance bénéfices-risques individualisée en fonction des antécédents familiaux et personnels et de la pathologie présente.
Avant de continuer une pilule estroprogestative, il faut rappeler qu’entre 45 à 54 ans, les problèmes de santé ont une prévalence aux USA (CDC 2016) de :
• 29,5 % pour l’HTA,
• 31,2 % pour l’hyperlipémie,
• 21,2 % des femmes fument,
• 35,3 % ont un IMC supérieur à 30,
• 8,1 % ont un problème cardio-vasculaire.
Il faut intégrer le fait que les risques thrombo-emboliques veineux et artériels augmentent avec l’âge :
Le risque d’AVC est multiplié par 20 chez les femmes de 45-49 ans comparées aux femmes de 15-19 ans, le risque d’infarctus du myocarde est multiplié par 100.
Le risque d’accident thrombo-embolique (ATE) veineux, qui est de 1/10 000 avant 40 ans, est de 50 à 60/10 000 après 45 ans. Le risque d’ATE chez les femmes prenant la pilule OP passe de 8,7/10 000 entre 30 et 34 ans à 20,8/10 000 chez les femmes de 45 à 49 ans. L’âge et l'IMC cumulent les risques.
Il est donc recommandé d’arrêter la contraception estroprogestative après 50 ans. La contraception par DIU ne pose pas les mêmes limites que la pilule estroprogestative. Il faut privilégier le SIU au lévonorgestrel car il permet de gérer plus facilement la période de transition en permettant de traiter par les estrogènes les périodes d’hypoestrogénie sans risquer les anomalies endométriales. Par ailleurs, ce SIU protège la femme du risque de cancer de l’endomètre.
BOUFFÉES VASOMOTRICES, TROUBLES DU SOMMEIL ET DÉPRESSION
Les trois symptômes peuvent être associés :
Les bouffées vasomotrices surviennent dans 60 à 80 % des cas.
Les troubles du sommeil sont deux fois plus fréquents qu’à l'âge de procréer.
La dépression majeure est deux fois plus fréquente qu’à l'âge de procréer.
Les bouffées vasomotrices (BVM)
La survenue des BVM est très variable (2). 25,6 % des femmes ont des bouffées vasomotrices précoces et sévères en périménopause, 18,4 % ont un début précoce.
La survenue, épisodique et variable, de bouffées vasomotrices peut altérer la qualité de vie avant même la ménopause.
Le médecin doit rappeler les règles d’hygiène de vie : éviter les pièces surchauffées, habillage en plusieurs couches, supprimer surtout le soir les boissons alcoolisées, le café et le thé.
La vitamine E et les omégas 3 sont inefficaces. En cas de contre-indications aux traitements allopathiques, les traitements homéopathiques, la phytothérapie, la bêta-alanine peuvent aider à passer une période difficile. L’acupuncture, l’hypnose, la thérapie cognitivo-comportementale sont efficaces mais imposent une prise en charge spécialisée.
Parmi les traitements pharmacologiques, il faut différentier :
→ Les traitements non hormonaux :
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRS : escitalopram, paroxétine, et IRSN : venlafaxine) sont efficaces mais doivent être utilisés avec précaution compte tenu des effets secondaires. Il en est de même avec la gabapentine, la prégabaline et la clonidine.
• Les antagonistes du R-NK3 sont des molécules en cours d’évaluation (phase 3). Ils agissent sur la neurokinine B qui est un médiateur de la partie médiane de l’aire pré-optique de l’hypothalamus agissant sur le centre de la thermorégulation.
→ Les traitements hormonaux :
En cas d’hypoestrogénie supposée, une séquence alliant en traitement combiné l’estradiol et la progestérone peut être proposée par période de 5 à 15 jours. Par exemple : association d’un estradiol par voie cutanée en gel (1 à 2 pressions le matin selon le produit), avec prise de progestérone micronisée 100 à 200 mg le soir du lundi au vendredi pendant 2 semaines. À renouveler si les bouffées vaso-motrices récidivent. Il faut informer la femme que la survenue de mastodynies, qui témoigne d’une reprise de la sécrétion estrogénique ovarienne, doit faire arrêter le traitement hormonal.
Les troubles du sommeil
Ils ne sont pas directement corrélés aux bouffées vasomotrices, même si un effet domino est perceptible avec les BVM nocturnes. En périménopause, 15,3 % des femmes signalent une aggravation des troubles du sommeil (7). Le traitement des bouffées vasomotrices est efficace sur les troubles du sommeil. La prescription de 300 mg de progestérone micronisée le soir au coucher est efficace et bien supportée (8).
Les symptômes dépressifs
Ils augmentent durant la périménopause. La dépression majeure a une incidence plus élevée en périménopause. Il faut différentier les femmes ayant déjà fait un épisode de dépression majeure de celles qui présentent un premier épisode dépressif. Dans ce dernier cas, les fluctuations d’estrogène et de FSH sont marquées, les bouffées vasomotrices et les troubles du sommeil sont fréquents. Le traitement estrogénique a de façon prouvée un effet antidépresseur, surtout chez les femmes qui présentent des bouffées vasomotrices. À titre d’exemple, on peut prescrire, comme cela est détaillé précédemment : estrogènes cutanés le matin associés à de la progestérone micronisée 100 à 200 mg le soir du lundi au vendredi pendant 2 semaines, que l’on peut renouveler en l’absence de SUA ou de mastodynie.
SYNDROME MÉTABOLIQUE
Le syndrome métabolique (SMet) augmente en incidence :
• de 1,45 (95 %, IC 1,35-1,56) par année de périménopause,
• de 1,24 (95 %, IC 1,18-1,30) par année de ménopause (9).
Cette différence est significative.
Le syndrome métabolique s’aggrave donc durant la période de la périménopause.
La composition corporelle se modifie à la périménopause :
• la masse grasse double,
• la masse maigre se réduit,
• en revanche, le poids augmente régulièrement de façon linéaire sans corrélation avec la période ménopausique.
Cette modification rapide est observée jusque 2 ans après les DRF (10). La masse grasse abdominale augmente dès 2 ans avant les DRF.
La prise en charge de la périménopause impose de rappeler les règles hygiéno-diététiques en termes d’alimentation équilibrée et d’activité physique mais cela n’est pas spécifique à la périménopause.
En conclusion, la périménopause est une période souvent difficile à vivre pour les femmes. Le médecin doit rester attentif et à l’écoute des plaintes des patientes pour, au mieux, améliorer leur santé et leur qualité de vie.
Pr Patrice Lopes (professeur émérite de gynécologie obstétrique, université de Nantes, gynécologue à la PCA, Elsan Santé atlantique, bd Claude-Bernard, 44800 Saint-Herblain)
Bibliographie
1- SWAN https://www.swanstudy.org/about/swan-history)
2- Santoro N, Crawford SL, El Khoudary SR et al; Menstrual Cycle Hormone Changes in Women Traversing Menopause: Study of Women's Health Across the Nation. J Clin Endocrinol Metab. 2017 Jul 1;102(7):2218-2229. doi: 10.1210/jc.2016-4017
3- Santoro N, Brown JR, Adel T et al. Characterization of reproductive hormonal dynamics in the perimenopause. J Clin Endocrinol Metab. 1996 Apr;81(4):1495-501. doi: 10.1210/jcem.81.4.8636357
4- Tepper PG, Brooks MM, Randolph JF Jr et al; Characterizing the trajectories of vasomotors symptoms across the menopause transition. Menopause. 2016 Oct;23(10):1067-74. doi: 10.1097/GME.0000000000000676
5- Finkelstein JS, Brockwell SE, Mehta V et al Bone mineral density changes during the menopause transition in a multiethnic cohort of women. J Clin Endocrinol Metab. 2008 Mar;93(3):861-8. doi: 10.1210/jc.2007-1876. Epub 2007 Dec 26.PMID: 18160467
6- Munro MG, Critchley HO, Broder MS et al FIGO classification system (PALM-COEIN) for causes of abnormal uterine bleeding in nongravid women of reproductive age. Int J Gynaecol Obstet 2011 Apr;113(1):3-13. doi: 10.1016/j.ijgo.2010.11.011.
7- Kravitz HM, Imke Janssen I, Joyce T Bromberger JT et al; Sleep Trajectories Before and After the Final Menstrual Period in The Study of Women's Health Across the Nation (SWAN). Curr Sleep Med Rep. 2017 Sep;3(3):235-250. doi: 10.1007/s40675-017-0084-1. Epub 2017
8- Prior FC, Progesterone for treatment of symptomatic menopausal women. Climacteric. 2018 Aug;21(4):358-365. doi: 10.1080/13697137.2018.1472567. Epub 2018
9- Janssen I, Lynda H. Powell LH, Crawford S Menopause and the Metabolic SyndromeThe Study of Women's Health Across the Nation. Arch Intern Med. 2008 Jul 28;168(14):1568-75. doi: 10.1001/archinte.168.14.1568
10- Greendale GA, Sternfeld B, Huang M,et al Changes in body composition and weight during the menopause transition; JCI Insight 2019 Mar 7;4(5):e124865. doi: 10.1172/jci.insight.124865
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