Métabolisme

LA PRESCRIPTION DES HYPOLIPÉMIANTS

Publié le 24/04/2009
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Quel médicament pour quelle dyslipidémie ? Comment associer les hypolipémiants ? Quelles sont les règles de surveillance du traitement ?

Rappels des principes de prise en charge du patient dyslipidémique.

Crédit photo : ©BSIP

Un traitement hypolipémiant doit être prescrit chez le patient dyslipidémique en prévention primaire lorsque l'objectif thérapeutique en terme de LDL-cholestérol (LDL-C) n'est pas atteint après 3 mois d'un régime diététique bien conduit (lire Généraliste FMC n° 2486).

Chez les sujets en prévention secondaire ou à risque équivalent, le traitement médicamenteux doit être institué le plus précocement possible, associé à la prescription diététique et à la correction des autres facteurs de risque (1).

LES NIVEAUX DE RISQUE CARDIOVASCULAIRE

Les recommandations de l'Afssaps (1)

- Le niveau de risque cardiovasculaire global est apprécié grâce à la sommation des facteurs de risque, en considérant le nombre de facteurs associés à la dyslipidémie.

Pour mémoire, ces facteurs sont les suivants :

- âge (homme ≥ 50 ans, femme ≥ 60 ans),
- antécédents familiaux de maladie coronaire précoce (infarctus du myocarde ou mort subite avant 55 ans chez le père ou un parent du 1er degré de sexe masculin ;
- infarctus du myocarde ou mort subite avant 65 ans chez la mère ou un parent du 1er degré de sexe féminin),
- tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans,
- hypertension artérielle permanente traitée ou non,
- diabète de type 2 traité ou non,
- HDL-cholestérol >0,40 g/l quel que soit le sexe.

Un HDL-cholestérol ≥ 0, 60 g/l est un facteur protecteur : il faut alors soustraire un point au score de risque.

Trois niveaux de risque sont définis par l'Afssaps (voir aussi encadré 1) :

- risque faible : aucun facteur de risque associé à la dyslipidémie ;
- risque intermédiaire : au moins un facteur de risque associé à la dyslipidémie ;
- haut risque : antécédents de maladie cardiovasculaire avérée ou risques équivalents

Les objectifs thérapeutiques de LDL-C dépendent du niveau de risque cardiovasculaire et du nombre de facteurs de risque associés à la dyslipidémie (tableau 1).

Les évolutions possibles

- "La catégorie "très haut risque vasculaire"regroupe les patients qui pourraient bénéficier d'un abaissement du LDL-C en dessous de 0,70 g/l, explique le Pr Bruckert.
De nombreux éléments – études menées avec les statines, suivi de cohortes présentant une hypocholestérolémie génétique - plaident en effet aujourd'hui en faveur de l'absence d'effets délétères à long terme d'un taux très bas de LDL-C".

La catégorie "très haut risque cardiovasculaire" concerne (2) :

- les patients ayant une maladie cardiovasculaire avérée plus soit des facteurs de risque majeurs multiples, soit un diabète,
- ceux ayant des facteurs de risque sévères et non contrôlés,
- ceux porteurs des facteurs de risque multiples du syndrome métabolique,
- les patients au décours d’un syndrome coronaire aigu,
- les sujets avec artériopathie clinique symptomatique.

- A la liste classique des facteurs de risque cardiovasculaire, pourraient bientôt s'ajouter l'obésité abdominale, élément du syndrome métabolique, ainsi que la C réactive protéine (CRP) (encadré 2).

LES INDICATIONS DES HYPOLIPEMIANTS

En cas d'élévation du LDL-C (hypercholestérolémie pure ou mixte)

- Les statines sont à utiliser en 1ère intention (1). Toutes les molécules disponibles partagent cette indication (Vidal 2009), mais leurs AMM diffèrent en ce qui concerne les indications de prévention cardiovasculaire, en fonction des résultats obtenus au cours des études successives. "Concernant la rosuvastatine, son AMM actuelle ne mentionne aucune indication en prévention cardiovasculaire, mais les résultats de la récente étude Jupiter permettent de considérer que cette statine a elle aussi démontré son bénéfice en terme de morbimortalité cardiovasculaire".

- En seconde intention, les résines, les inhibiteurs de l’absorption intestinale du cholestérol (ézétimibe), les fibrates ou l’acide nicotinique peuvent être utilisés (1).

En cas d'hypertriglycéridémie

Le recours aux fibrates est plus particulièrement justifié en cas d’élévation isolée des triglycérides au-delà de 4 g/l malgré une prise en charge diététique.
Une hypertriglycéridémie entre 1,5 et 4 g/l nécessite avant tout un traitement diététique spécifique (1).

En cas d’hypoHDL-émie

La correction de l’hypertriglycéridémie, l’équilibre du diabète de type 2 ou la correction de la surcharge pondérale (éléments souvent associés) sont nécessaires.
En prévention secondaire, en cas d’échec de la diététique, une hypertriglycéridémie avec un LDL-cholestérol < 1,0 g/l et un HDL-cholestérol < 0,40 g/l peut justifier la prescription d’un fibrate (1).

Les associations d'hypolipémiants (2)

- Elles ont fait l'objet de recommandations de la NSFA. On envisage d'associer deux hypolipémiants lorsque les objectifs thérapeutiques ne sont pas atteints lors de deux dosages successifs (distants d'environ un mois) chez un patient ayant une bonne observance à une monothérapie bien tolérée, après optimisation du contrôle des autres facteurs de risque et renforcement des mesures hygiéno-diététiques. Mais seuls les patients à haut risque cardiovasculaire ou présentant des valeurs lipoidiques très élevées (et donc non à l’objectif) peuvent recevoir une association d'hypolipémiants. En pratique, on s'attache surtout à l'atteinte des objectifs de LDL-C. Mais en ce qui concerne le HDL-C et en l'absence d'objectifs thérapeutiques précis, des valeurs inférieures à 0,35 g/l chez l'homme et 0,40 g/l chez la femme sont en faveur de l'utilisation d'une association hypolipémiante. De même si la triglycéridémie reste supérieure à 2,5 g/l sous régime bien suivi.

- Quatre associations thérapeutiques sont à considérer : statine–ézétimibe, statine-résine, statine - acide nicotinique, statine-fibrate.
En pratique, le choix de l'association la plus pertinente est orienté par la nature de l'anomalie lipidique persistant sous monothérapie.

La combinaison statine-ézétimibe est performante pour réduire le LDL-C, avec une baisse additionnelle du LDL-C de l’ordre de 25 % (pour 10 mg d’ézétimibe).
Ceci permet aux patients non à l’objectif sous statine seule d’atteindre la cible thérapeutique de LDL-C.

Cet effet additif existe également pour l’association statine-résine. On attend la commercialisation d'une nouvelle résine : le colesevelam, mieux toléré sur le plan digestif et mieux accepté quant au goût.

Lorsque l’on souhaite agir sur les triglycérides et le HDL-C, on s’oriente vers les associations statine - acide nicotinique et statine-fibrate. Cette dernière association est à manier sous surveillance étroite (voir infra), en raison d’un risque accru de toxicité hépatique et musculaire.

- Pour l'heure, les associations d'hypolipémiants se sont avérées bénéfiques sur les paramètres biologiques, mais aucune n'a prouvé son efficacité sur la morbimortalité cardiovasculaire. On attend pour cela les résultats des études ACCORD (statine-fibrate chez des sujets diabétiques), AIM-HIGH (statine-acide nicotinique), et IMPROVE-IT (statine-ézétimibe).

QUELQUES REGLES DE PRESCRIPTION

Le traitement hypolipémiant débute habituellement par les posologies les plus faibles, à augmenter ensuite en fonction des résultats obtenus et de la tolérance. Rappelons que si le risque cardiovasculaire est élevé, la prise en charge médicamenteuse doit être instaurée le plus tôt possible, en association aux mesures hygiéno-diététiques (1). "Au sein de la classe des statines, le choix d'une molécule dépend de l'importance de la baisse attendue de LDL-C en fonction du niveau de risque cardiovasculaire. Si une réduction importante du LDL-C est nécessaire, on peut recourir aux deux statines les plus puissantes : atorvastatine et rosuvastatine (tableau 2). Quant au nombre d'essais de traitement par statines à réaliser avant de passer à une bithérapie, il n'est pas précisé dans les recommandations. En pratique, on effectue 3 essais avec des statines différentes".

Surveiller l'efficacité et la tolérance du traitement

- Après l'instauration d'un traitement par statine ou fibrate, il faut attendre au moins 1 mois (et jusqu’à 3 mois) avant de vérifier la concentration de LDL-C et de tester la tolérance biologique du médicament (dosage des enzymes hépatiques). Mais en présence d'une symptomatologie clinique évocatrice (myalgies, asthénie, ictère), les contrôles de tolérance peuvent être effectués avant ce délai : transaminases hépatiques et CPK d’origine musculaire.
A noter que le dosage des CPK s'impose avant traitement dans certaines situations à risque : insuffisance rénale, hypothyroïdie, antécédents personnels ou familiaux de maladie musculaire génétique, antécédents personnels d’effet indésirable musculaire avec un fibrate ou une statine, abus d’alcool, âge supérieur à 70 ans, d’autant plus qu’il existe d’autres facteurs de risque musculaire (1 ; 5 ; 6).

- Sur le long terme et une fois l’objectif thérapeutique atteint, un contrôle biologique annuel du bilan lipidique semble suffisant, que le patient soit sous traitement diététique seul ou associé à un traitement médicamenteux. La surveillance biologique hépatique est surtout recommandée la première année d’un traitement par statine ou fibrate. La surveillance systématique des CPK n'est pas nécessaire en l'absence de symptômes (1 ; 5).

Comme précédemment, la survenue de symptômes cliniques évoquant un effet indésirable hépatique ou musculaire justifie un contrôle biologique hépatique et un dosage des CPK musculaires. L’arrêt du traitement est justifié devant une augmentation persistante (contrôlée à un mois) des ASAT ou des ALAT, au-delà de 3 fois la limite supérieure à la normale. Si les CPK sont augmentées au-delà de 5 fois la normale, le traitement doit être interrompu. Si les signes musculaires sont importants avec une gêne fonctionnelle quotidienne, un arrêt du traitement doit être envisagé, même si les CPK sont inférieures à 5 fois la normale. Si les signes musculaires sont mineurs et les CPK inférieures à 5 N, le traitement peut être continué. A distance de l’arrêt et si l’évolution le permet, on peut ré-introduire une autre statine (de préférence), sous surveillance, et en augmentant progressivement les doses. Si une maladie musculaire génétique est suspectée, le traitement doit être interrompu (1 ; 5 ; 6).

- On considère qu'il faut avoir testé trois statines avant d'affirmer l'existence d'une intolérance à cette classe médicamenteuse. Lorsque la tolérance reste acceptable pour le patient (par exemple douleurs musculaires compromettant peu la qualité de vie), la statine utilisée doit être maintenue, même si l'objectif de LDL-C n'est pas atteint. On associe alors une seconde molécule hypolipémiante (2).

S'agissant de l'association statine-fibrate, la prescription initiale est du domaine du spécialiste, le renouvellement et le suivi du traitement pouvant être assurés par le généraliste. L'instauration du traitement doit être précédée du dosage des transaminases, des CPK et de la créatininémie. Un contrôle de ces paramètres est à prévoir un mois plus tard, puis tous les 4 mois (2). Sans oublier la surveillance clinique.

Sous ézétimibe, des atteintes musculaires ont également été observées. De récentes publications (Rosseb , N Engl J Med 2008 ; Peto, N Engl J Med 2008) ont mentionné la possibilité d'augmentation du risque de cancer sous ézétimibe. "Le niveau de preuve est actuellement tout à fait insuffisant en ce domaine pour en tirer des conclusions. Il se peut que l'augmentation du nombre de cas de cancers sous ézétimibe soit la résultante de fluctuations statistiques. Les résultats de l'étude IMPROVE-IT devraient nous éclairer sur cet aspect".


Dr Pascale NAUDIN-ROUSSELLE (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr) sous la direction scientifique du Pr Eric BRUCKERT (Service d’Endocrinologie-Métabolisme – Hôpital La Pitié-Salpêtrière, Groupement hospitalier universitaire Est, 47-83 boulevard de l'Hôpital,

Source : Le Généraliste: 2487