INTRODUCTION
Parce que les prescriptions d’antibiotiques dans des indications non validées ou sur des durées prolongées majorent le risque futur de résistances bactériennes, la Haute Autorité de santé (HAS) propose des fiches pratiques courtes sur les prescriptions de première intention (famille et durée) des 19 infections bactériennes les plus courantes en pratique de ville (1). La HAS standardise les prises en charge et les durées d’antibiothérapie.
Ce travail a été mené dans le cadre du plan de maîtrise de l’antibiorésistance, avec la participation de la SPILF (Société de pathologie infectieuse de langue française), du GPIP (Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique), du Collège de la médecine générale (CMG) et des sociétés savantes concernées, dont la Société française de dermatologie.
Destinées prioritairement aux professionnels de santé de premier recours, six des fiches de synthèse permettent de faire un tour d’horizon des principales pathologies cutanées des enfants et adultes en actualisant les traitements proposés et en diminuant, tant que faire se peut, la durée de la prescription. Des abcès aux dermo-hypodermites bactériennes non nécrosantes (terme qui remplace celui d’érysipèle, qui ne doit plus être utilisé), ces guidelines permettent de confirmer que la durée totale de l’antibiothérapie doit être limitée à 7 jours au maximum en ambulatoire.
LES ABCÈS CUTANÉS
Cette affection dermatologique est particulièrement courante en médecine générale. Elle survient – chez les adultes et chez les enfants – en peau saine. Si les formes primaires sont généralement dues à Staphylococcus aureus, les formes secondaires peuvent être d’origine pluri-microbienne. L’incidence des abcès, collection purulente du derme et des tissus sous-cutanés, augmente depuis les années 2000 avec l’émergence des Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM).
L’incision/drainage sous anesthésie locale au cabinet permet d’évacuer le pus et de réaliser un prélèvement bactériologique. Aucun antibiotique topique n’est indiqué. Un traitement médical ambulatoire doit être associé au geste local sur une durée de 5 jours : clindamycine per os 600 mg 3 fois par jour (ou 4 fois par jour si poids > 100 kg), ou pristinamycine 1 g 3 fois par jour. Oxacilline, cloxacilline, céfazoline (intraveineux) sont d’autres options thérapeutiques possibles en hospitalisation.
Cette prise en charge doit s’accompagner d’une sensibilisation aux mesures d’hygiène afin d’éviter une récidive dans d’autres territoires.
LES FURONCLES
Infection profonde et parfois nécrosante d’un follicule pilo-sébacé, le furoncle est une affection bactérienne, généralement staphylococcique, centrée par un poil et qui peut s’étendre au tissu dermo-hypodermique environnant. Cette infection est particulièrement fréquente.
La prise en charge d’un furoncle simple, isolé, non compliqué ne nécessite pas de traitement antibiotique local, ni général. Sa prise en charge est fondée sur des mesures d’hygiène et des soins locaux. Il est essentiel de ne pas manipuler le furoncle afin d’éviter le risque de complications (anthrax ou furonculose). Les soins quotidiens doivent se limiter à un lavage à l’eau et au savon sans antiseptiques. La lésion doit ensuite être protégée avec un pansement sec. En cas de furoncle volumineux, une incision de l’extrémité permet d’évacuer le bourbillon.
La prise en charge des furoncles compliqués ou à risque de complication
L’évolution de certains furoncles peut se révéler complexe, avec la multiplication des lésions et l’apparition d’une dermo-hypodermite péri-lésionnelle secondaire associée ou non à des signes systémiques (fièvre). Ces furoncles compliqués, encore appelés anthrax, nécessitent un traitement antibiotique par voie générale exclusive – sans antibiotique local – associé à des mesures d’hygiène renforcées (changement de linge, toilette à l’eau et au savon tous les jours).
Chez l’adulte : après la réalisation d’un prélèvement bactériologique, une antibiothérapie probabiliste active sur Staphylococcus aureus est nécessaire. Clindamycine (600 mg 3 fois par jour pour les moins de 100 kg et 4 fois par jour en cas de poids supérieur) ou pristinamycine (1 g 3 fois par jour) sont les traitements de référence sur une durée de 5 jours. Le choix thérapeutique peut être adapté en fonction de l’antibiogramme.
Chez l’enfant : l’association amoxicilline-acide clavulanique : 80 mg/kg/j (dose exprimée en amoxicilline) est recommandée sans dépasser 3 g par jour pendant 5 jours. En cas d’allergie à la pénicilline, le traitement – toujours sur une durée de 5 jours – fait appel chez les moins de 6 ans à l’association sulfaméthoxazole-triméthoprime (30 mg/kg/j (dose exprimée en sulfaméthoxazole), sans dépasser 800 mg/160 mg par jour) et chez les plus de 6 ans à la clindamycine (40 mg/kg/j en 3 prises, sans dépasser 1,8 g par jour).
La prise en charge des furonculoses
La répétition dans le temps de furoncles est désignée sous le terme de furonculose. Cette affection est habituellement liée à certaines souches de Staphylococcus aureus qui produisent une toxine : la leucocidine de Panton-Valentine.
Après réalisation d’un prélèvement bactériologique, le traitement de la poussée est fondé sur le même schéma que les furoncles compliqués ou à risque de complication. La durée de l’antibiothérapie est dans ce cas de 7 jours : clindamycine (600 mg 3 fois par jour pour les moins de 100 kg et 4 fois par jour en cas de poids supérieur) ou pristinamycine (1 g 3 fois par jour) sont les antibiotiques de première intention. Des douches antiseptiques à base de chlorhexidine (corps et cheveux), une fois par jour pendant 7 jours, sont aussi nécessaires.
Une fois la crise résolue, il convient de procéder à une décontamination des gîtes bactériens du patient et de son entourage. Après une toilette à la chlorhexidine, de la mupirocine doit être appliquée au niveau des narines 2 fois par jour pendant 7 jours. Il convient d’y associer deux bains de bouche par jour à la chlorhexidine (pour les adultes et les enfants de plus de 6 ans). Le patient doit aussi avoir une bonne hygiène de son environnement. Aucune antibiothérapie par voie générale n’est nécessaire.
L’IMPÉTIGO
L’impétigo est une pathologie des jeunes enfants (moins de 10 ans) à prédominance estivale. Elle est principalement en lien avec un Staphylococcus aureus ou parfois à un streptocoque β-hémolytique du groupe A (Streptococcus pyogenes). Le prélèvement bactériologique n’est pas nécessaire dans les formes simples, peu étendues, mais il est recommandé si l’impétigo est associé à du pus ou des phlyctènes. Toutes les formes cliniques d’impétigo doivent être prises en charge avec des soins de toilette (eau et savon sans antiseptiques locaux) et une éviction des collectivités si les lésions ne peuvent pas être protégées par des pansements.
Si moins de 2 % de la surface cutanée est atteinte (avec moins de 6 lésions et sans signes d’extension), alors une antibiothérapie locale peut être prescrite : mupirocine 2 à 3 fois par jour pendant 5 jours. Dans ce cas, l’antibiothérapie par voie générale n’est pas indiquée.
Dans les formes graves, qui sont rares (ecthyma : forme nécrotique creusante ; surface cutanée atteinte > 2 % de la surface corporelle totale ; plus de 6 lésions ; extension rapide des lésions), une antibiothérapie par voie générale est recommandée sans y associer d’antibiothérapie locale. Après les soins de toilette cutanés, l’application biquotidienne de vaseline sur les lésions permet d’éviter la formation de croûtes.
Chez l’adulte, la pristinamycine per os (1 g 3 fois par jour pendant 7 jours, en particulier en cas d’allergie à la pénicilline) ou la céfalexine per os (2 à 4 g par jour pendant 7 jours) sont recommandés.
Chez l’enfant, l’association amoxicilline-acide clavulanique (80 mg/kg/j (dose exprimée en amoxicilline) pendant 7 jours) ou le céfadroxil (100 mg/kg/j pendant 7 jours) sont préférés, sauf en cas d’allergie à la pénicilline : il faut alors prescrire la josamycine (50 mg/kg/j pendant 7 jours).
LES DERMOHYPODERMITES BACTÉRIENNES NON NÉCROSANTES
Les dermohypodermites bactériennes non nécrosantes (DHBNN), anciennement appelées érysipèles, sont principalement dues au streptocoque β-hémolytique du groupe A (Streptococcus pyogenes).
Chez l’adulte et dans les formes non compliquées, une antibiothérapie antistreptococcique par voie orale doit être prescrite. En première intention, l’amoxicilline (50 mg/kg/j en 3 prises (sans dépasser 6 g/j) pendant 7 jours) doit être préférée. En cas d’allergie à la pénicilline, la clindamycine (600 mg 3 fois par jour, et jusqu’à 600 mg 4 fois par jour si poids > 100 kg, pendant 7 jours) ou la pristinamycine (1 g 3 fois par jour pendant 7 jours) sont les deux antibiotiques de choix. Il convient de ne pas prolonger l’antibiothérapie car la régression complète des signes cutanés est souvent retardée par rapport à celle des signes généraux (2 voire 3 semaines). La HAS recommande de ne pas prescrire d’antibiothérapie locale, ni de corticoïdes, ni d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en adjuvant.
Chez l’enfant, l’association amoxicilline-acide clavulanique (80 mg/kg/j (dose exprimée en amoxicilline) en 3 prises par jour (sans dépasser 3 g par jour) pendant 7 jours) constitue l’antibiothérapie de première intention sauf en cas d’allergie aux β-lactamines. Les enfants allergiques de moins de 6 ans pourront être traités par sulfaméthoxazole-triméthoprime : 40 mg/kg/j (dose exprimée en sulfaméthoxazole) en 3 prises par jour pendant 7 jours avec une réévaluation systématique à 7 jours et un avis spécialisé en cas de réponse défavorable ou insuffisante. Les plus de 6 ans allergiques peuvent, eux, être traités par clindamycine : 40 mg/kg/j en 3 prises par jour pendant 7 jours avec réévaluation systématique à 7 jours et avis spécialisé en cas de réponse défavorable ou insuffisante. Il est recommandé, comme chez les adultes, de ne pas prescrire d’antibiothérapie locale.
CAS PARTICULIERS DE DERMOHYPODERMITES BACTÉRIENNES NON NÉCROSANTES (DHBNN)
Le traitement des morsures animales est fondé sur l’association amoxicilline-acide clavulanique par voie orale : 50 mg/kg/j d’amoxicilline sans dépasser 6 g par jour, et sans dépasser 375 mg par jour d’acide clavulanique, pendant 7 jours.
En cas de récidives de DHBNN, une prise en charge spécifique des facteurs de risque doit être envisagée : le lymphœdème doit bénéficier d’une compression médicale, les portes d’entrée existantes (plaies, intertrigo, dermatose sous-jacente) doivent faire l’objet d’un traitement adapté, et l’obésité doit être traitée. Une antibioprophylaxie est recommandée à partir de deux épisodes de DHBNN dans l’année écoulée chez les patients présentant des facteurs de risque non contrôlables ou non résolutifs. Elle fait appel à la benzylpénicilline G retard (2,4 MUI IM toutes les 2 à 4 semaines) ou la pénicilline V (phénoxyméthylpénicilline) per os (1 à 2 millions UI par jour selon le poids, en 2 prises). La durée de traitement est à évaluer en fonction de l’évolution des facteurs de risque de récidive.
Dr Isabelle Catala (rédactrice), Dr Marie-Estelle Roux (relecture, dermatologue, Société française de dermatologie)
BIBLIOGRAPHIE
1. Choix et durées d’antibiothérapie préconisées dans les infections bactériennes courantes. Recommandation de bonne pratique HAS, 15 juillet 2021.
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