Infectiologie

LA SPONDYLODISCITE TUBERCULEUSE

Publié le 20/02/2023
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La spondylodiscite tuberculeuse se caractérise cliniquement par des douleurs segmentaires et des signes généraux. Un retentissement neurologique compressif est possible, lequel est objectivé au moyen d’examens d’imagerie. La prise en charge, suite à une analyse bactériologique, repose sur une antibiothérapie durant 10 à 16 mois.

Ostéolyse de la 5e vertèbre lombaire chez un patient de 27 ans.

Ostéolyse de la 5e vertèbre lombaire chez un patient de 27 ans.
Crédit photo : Dr Frances

Mahdi, 27 ans, présente depuis trois mois une douleur vive au niveau du rachis lombaire.

Un confrère lui a proposé d’effectuer une radiographie. Cependant, Mahdi est un étudiant d’origine tchadienne qui ne peut s’offrir le luxe d’effectuer des examens complémentaires en raison d’une absence de couverture sociale.

Sur un plan clinique, nous retrouvons une douleur intense lors de la palpation des épineuses lombaires, ainsi qu’un signe de Lasègue positif à 45° du côté gauche.
Compte tenu de ces éléments, nous avons orienté l'étudiant vers la Pass (permanence d’accès aux soins de santé) de l’hôpital le plus proche.

Un scanner lombaire a permis d’objectiver une ostéo­lyse de L5 avec franchissement des corticales, une extension d’un processus tumoral au niveau des parties molles péri-vertébrales et un envahissement épidural.

Compte tenu de ces résultats, il a été hospitalisé en rhumatologie. Le bilan biologique était normal, excepté une CRP à 82 mg/L (N inférieure à 10). Des analyses bactériologiques et histologiques effectuées suite à une biopsie au niveau de L5 ont été réalisées pour connaître l’origine de cette ostéo­lyse suspecte. Le diagnostic de spondylodiscite tuberculeuse est alors posé.

INTRODUCTION

La spondylodiscite tuberculeuse ou mal de Pott est une affection peu fréquente. En effet, les manifestations extra-pulmonaires liées à une infection par le bacille de Koch sont observées dans 25 % des cas.

Au niveau du rachis (50 % des formes ostéoarticulaires observées), l’atteinte est secondaire à une diffusion de la bactérie par voie hématogène, lymphatique, ou par contiguïté.

Cette spondylodiscite touche, par ordre de fréquence : le rachis dorsal (42 % des cas), lombaire (26 % des cas et 16 % si atteinte conjointe dorsale), cervical ou encore sacré, beaucoup plus rarement.

La classe d’âge des patients concernés diffère selon qu’ils sont migrants en provenance d’un pays où la prévalence est élevée (entre 20 et 35 ans) ou natifs occidentaux (65 ans et plus).

Des facteurs de risque favorisent cette infection : immunosuppression iatrogène, néoplasies, pathologies chroniques (diabète, insuffisance rénale).

SYMPTOMATOLOGIE

Des signes généraux sont souvent présents (perte de poids, asthénie et hyperthermie).

L’examen clinique retrouve une douleur segmentaire, mais aussi des déformations rachidiennes (cyphose, scoliose qui peut être à l’origine d’une gibbosité).

Dans 50 % des cas, des manifestations neurologiques sont objectivées en raison de compressions locales. Les symptômes diffèrent selon la localisation rachidienne et l’évolution de la maladie : troubles sphinctériens, déficits sensitivomoteurs, parfois une paraplégie du fait d’une compression extradurale…

DIAGNOSTIC

Il repose avant tout sur l’imagerie car le bilan biologique est peu contributif (CRP augmenté de manière inconstante).

La radiographie du thorax objective des érosions des plateaux vertébraux, des géodes, des vertèbres ivoire, ou une opacité en nid d’oiseau (abcès qui refoule l’axe digestif).

Le scanner rachidien est utile pour objectiver les destructions osseuses, des abcès et les retentissements paravertébraux.

L’IRM rachidienne permet de diagnostiquer précocement l’atteinte du rachis (réaction inflammatoire du rachis) et met en évidence le retentissement infectieux au niveau des tissus mous (le plus souvent au niveau du mur antérieur).

L’analyse bactériologique à la recherche du bacille de Koch est un impératif. Elle est effectuée suite à une biopsie vertébrale ou d’une éventuelle collection paravertébrale.

PRISE EN CHARGE

Le traitement antituberculeux comprend, durant 2 mois, une association d’isoniazide, de rifampicine, de pyrazinamide et d’éthambutol.

Ensuite, on administre durant 10 à 16 mois une bithérapie (isoniazide et rifampicine).

Il est également important de discuter d’un traitement chirurgical au cas par cas (cela est néanmoins rare), en particulier s’il existe une compression médullaire, à l’origine de troubles neurologiques.

Un suivi radiologique (1 et 2 mois après le diagnostic) est indispensable pour apprécier l’évolution.

Dr Pierre Francès (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Tara Chalaye (interne en médecine générale à Montpellier), Elsa Masse et Carie Artero (externes à Montpellier)

BIBLIOGRAPHIE
1. Del Puppo L, Janssens JP, Kherad O, et al. Tuberculose osseuse : quand faut-il y penser ? Revue Médicale Suisse 2016 ; 12 : 262-265.
2. Znegui T, Khrouf M, Sghaier F, et al. La tuberculose rachidienne. Revue des Maladies Respiratoires. Actualités 2020 ; 12 (1) : 271-272.
3. Aissa B, Remili S, Mardini A, Lambert F. La tuberculose vertébrale. A propos de 41 cas. La Lettre du rhumatologue 2002 ; 287 : 30-36.


Source : Le Généraliste