Endocrinologie

L’ACIDOCÉTOSE

Publié le 26/02/2021
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L’acidocétose est une complication rare du diabète. Elle est la conséquence d’une mauvaise prise en charge ou de la survenue de problèmes infectieux, organiques, ou encore d’iatrogénie. Le diagnostic repose sur une glycémie capillaire et la recherche de corps cétoniques urinaires. La prise en charge hospitalière doit être rapide.

Cliché 1 : Œil rouge et douloureux lié à une maladie de Horton. La corticothérapie mise en place a favorisé la survenue  d’une acidocétose.

Cliché 1 : Œil rouge et douloureux lié à une maladie de Horton. La corticothérapie mise en place a favorisé la survenue d’une acidocétose.
Crédit photo : Dr Frances

Augustin, 82 ans, est un patient vu en consultation pour la première fois il y a 2 mois pour renouveler son traitement antidiabétique à base de metformine. À cette époque, il présentait des céphalées latéralisées à gauche, des troubles visuels et un œil rouge (cliché 1). En urgence, nous avions effectué un bilan sanguin et avions adressé le jour même ce patient à un ophtalmologue. Ce confrère avait suspecté une maladie de Horton, et le bilan biologique objectivait une CRP élevée à 86 mg/L (l’HbA1c était satisfaisante à 6,4 %). Ce diagnostic a été confirmé suite à une hospitalisation au décours de laquelle une biopsie de l’artère temporale avait été réalisée, et une corticothérapie instituée. Deux mois après une prise en charge hospitalière régulière, Augustin consulte du fait d’un amaigrissement, d’une dyspnée au moindre effort, de nausées et d’une polyurie. Compte tenu de l’histoire de ce patient, nous effectuons en urgence une évaluation de la glycémie capillaire (4,6 g/L), ainsi qu'une recherche de corps cétoniques au niveau urinaire avec une bandelette (fortement positive). Les manifestations cliniques d’Augustin sont donc en rapport avec une acidocétose.

INTRODUCTION

Du point de vue épidémiologique, l’acidocétose ou cédoacitose (terme plus juste car la perturbation métabolique initiale concerne l’acétone) présenterait une incidence d'environ 4 épisodes pour 1 000 patients diabétiques, et l’évolution vers un coma est heureusement rare (moins de 10 % des cas de cétose).
Dans près de 80 % des cas, cette complication concerne les patients ayant un DT1, et dans 12 % un sujet ayant un DT2 connu et traité.

Au niveau endocrinien et métabolique, l’acidocétose résulte d’une carence importante en insuline qui engendre une hyperglycémie majeure.
L’acidocétose provient d’une glycogénolyse hépatique, d’une majoration de la néoglucogenèse, et d’une carence de transport du glucose au niveau du tissu adipeux et des muscles.
Cette situation est à l’origine d’une hyperosmolarité extra-cellulaire qui génère une hypervolémie responsable d’une résorption limitée du glucose au niveau du tubule rénal.
Cela entraîne une glycosurie et une diurèse osmotique provoquant secondairement une hypovolémie qui contribue à l’apparition d’une insuffisance rénale fonctionnelle. La carence en insuline est par ailleurs responsable d’une majoration de la lipolyse, favorisant la production de corps cétoniques.

L’origine chez le diabétique de type 1 de l’acidocétose est le plus souvent secondaire à un traitement en insuline incorrectement ou non effectué.
D’autres facteurs peuvent également être responsables d’une acidocétose : une infection (près de 40 % des cas), une pathologie organique associée (20 % des cas), l’administration d’un traitement majorant l’hyperglycémie (cas des corticoïdes), un infarctus du myocarde.
Enfin, il ne faut pas oublier, chez les femmes enceintes, l’importance que peut avoir l’acidocétose (risque de mort in utero). L'acidocétose est favorisée par un besoin accru en insuline au cours du 2e trimestre de grossesse.

SYMPTOMATOLOGIE

Pour des formes peu importantes, le patient présente une perte de poids, une polyuro-polydipsie, des crampes nocturnes, troubles visuels, nausées et une dyspnée.
Dans le cas d’une forme sévère, on peut retrouver :

Une polypnée (dyspnée de Kussmaul) qui est une respiration ample et bruyante avec une fréquence respiratoire supérieure à 20/mn et une odeur d’acétone.

Des manifestations digestives avec nausées et vomissements, qui majorent une déshydratation globale intra et extracellulaire (pli cutané, soif, sécheresse de la muqueuse buccale). Des douleurs abdominales s'observent dans environ 40 % des cas.

Une hypothermie qui peut être associée à une hyperleucocytose et qui témoigne de la sévérité d’une infection sous-jacente. 

PRISE EN CHARGE

Au cabinet médical, il faut confirmer rapidement ce diagnostic en effectuant une glycémie capillaire, et en recherchant avec une bandelette sur des urines prélevées au moment de la consultation la présence d’une glycosurie mais surtout de corps cétoniques.
Si ce diagnostic semble fortement probable, il est impératif d’hospitaliser le patient.
Un traitement par insuline est alors instauré avec des doses modérées (10 unités/heure), avec en parallèle un rééquilibrage hydro-électrolytique.
Par ailleurs, il sera effectué une prise en charge des causes ayant été à l’origine de cette décompensation : cas d’une pathologie d’organe associée, d’un infarctus du myocarde, d’une infection.

Bibliographie

1. Ayed S, Bouguerba A, Ahmed P, Barchazs J, et al. Les pièges de l’acidocétose diabétique. Réanimation 2015 ; 24 : 668-687.

2. Monnier L, Colette C. Diabétologie. Ed. Elsevier 2019.

3. Larger E, Lemoine A, Samaké M, et al. Actualités sur l’acidocétose. Journal Européen des Urgences et de Réanimation 2013 ; 25 (3-4) : 163-169.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Thomas Cavaillhès (interne en médecine générale à Montpellier), Cécile Heurtebise et Sonia Messaoudi (externes à Montpellier).

Source : Le Généraliste