La fréquence des tendinopathies mécaniques augmente dans tous les pays industrialisés. Il s’agit d’un des dix motifs de consultation les plus fréquents. Les généralistes de l’Observatoire de Médecine Générale ont pris en charge deux fois plus d’épicondylites en 2005 qu’en 1999.
LA TENDINITE EST UN MYTHE
Le terme de tendinite est le plus souvent usurpé, celui de tendinopathie doit le remplacer (8). Le mot tendinite sous-entend qu’il existe une inflammation or ce n’est pas le cas, ou alors elle est présente de facon très précoce et très fugace. En effet, le terme tendinite ne correspond pas à la réalité histo-pathologique. Ceci permet de comprendre l'échec des traitements exclusivement anti-inflammatoires. Quoi qu’il en soit le traitement oblige à la mise au repos du tendon atteint associée à une antalgie, puis une physiothérapie suivie d’une kinésithérapie.
L’INFLAMMATION EST ABSENTE
Les tendons de siège périarticulaire agissent comme amortisseurs pour limiter les lésions musculaires du fait de leur extensibilité. Mais cette extension a des limites : pour une élongation inférieure à 4 %, le tendon garde un comportement élastique et il retrouve sa longueur initiale à l'arrêt de la traction. Au-dessus de 4 % d’extension, des lésions apparaissent avec ruptures partielles. À partir de 7 à 8 % les ruptures sont complètes (1, 2).
-› La surcharge mécanique, en fréquence et/ou en intensité, entraîne des lésions de la matrice extracellulaire. Au fur et à mesure, le processus de réparation des cellules résidentes de la matrice devient moins efficace.
Tout stress mécanique s’accompagne d’une augmentation du métabolisme tendineux. Celui-ci entraîne une libération de cytokines (IL-6, IL-1b, PGE, MMP) qui induit des mécanismes de réparation et de maturation incomplètes modifiant les propriétés mécaniques du tendon amenant des microruptures.
-› La tendinopathie ainsi constituée peut ainsi être considérée comme un échec de réparation en réponse à un stress mécanique. Sur le plan histopathologique, on observe : une dégénérescence du tendon liée à une désorganisation des fibres de collagène, sans aucune cellule inflammatoire, un accroissement du volume relatif de la substance fondamentale avec dissection consécutive des fibres de collagène, perte de parallélisme et dénaturation de celles-ci et une néovascularisation. Celle-ci est visible à l’écho-doppler couleur (phase chaude) et semble responsable des symptômes douloureux, et évoque également un processus de réparation en cours. La disparition de la néo-vascularisation ou phase froide peut être synonyme de guérison mais aussi de séquelle (il persiste alors des douleurs). Aujourd’hui, le terme le plus exact correspondant à cette description histologique est celui de tendinose.
LA DOULEUR EST TOUJOURS PRÉSENTE
La tendinopathie s'accompagne toujours d'une douleur. Son apparition est généralement progressive, évoquant une sur-utilisation ou une dégénérescence tendineuse. Chez le sportif, un changement des conditions d'entraînement, une modification de la technique, un changement de matériel peuvent être à l'origine de son déclenchement (technopathie du sport).
DIAGNOSTIC SIMPLE
Le diagnostic de tendinopathie est clinique.
Le diagnostic repose sur le réveil de la douleur, habituellement ressentie par le malade, au repos ou lors de ses activités.
-› L’examen se compose de 3 manœuvres (11) :
- la contraction résistée du ou des muscles insérés sur le tendon,
- la mise en tension passive du tendon,
- la palpation du corps du tendon, de la jonction tendino-musculaire et de la zone d'insertion du tendon sur le socle osseux. L’examen est positif lorsqu’il reproduit la douleur ressentie par le malade, au repos ou lors de ses activités.
-› Le déclenchement d'une douleur lors de la contraction résistée du muscle est une nécessité absolue pour affirmer le diagnostic (11).
-› Le diagnostic d’une épicondylite apparaît simple (enthésopathie), celui d’une tendinopathie du poignet ou de la main apparaît plus complexe (exemple : ténosynovite de de Quervain, tendinopathie des radiaux à la face d’extension du poignet). Quant au tendon d'Achille et au tendon rotulien, le diagnostic n’est pas simple, car il est indispensable de réaliser des tests cliniques et des explorations complémentaires appropriées (Echo, IRM) pour des tests de difficulté croissante pour provoquer l'apparition de la douleur (11) pour préciser la prise en charge.
L’IMAGERIE AFFINE LE DIAGNOSTIC LÉSIONNEL
-› Les clichés radiographiques standards sont indispensables, mais leur apport reste limité en pathologie tendineuse, ils permettent d’éliminer d’autres diagnostics en particulier en rapport avec une pathologie intra articulaire.
-› L’échographie comparative et dynamique, dans des mains entraînées et du matériel haut de gamme, est le complément idéal des clichés radiographiques : elle permet d’analyser les structures tendineuses, les éléments intra-tendineux et péri-tendineux. Elle permet de suivre l’évolution sous traitement évolutif de la lésion. En effet, l’hyper vascularisation détectée en écho Doppler couleur est présente au stade inflammatoire ou lors de la phase de réparation active.
-› L’IRM complète l’échographie, une injection d’un agent de contraste en améliore la lecture pour certaines localisations.
BEAUCOUP DE TRAITEMENTS PEU DE PREUVES
=› Il n’existe pas de traitement standard. Chaque tendon nécessite un traitement spécifique, en comprendre la cause est essentiel. L’étude du matériel utilisé est fondamentale. L’hydratation suffisante est un élément essentiel chez le sportif dans un but préventif.
=› Le délai de cicatrisation d’un tendon demande plusieurs mois si la lésion est mise au repos précocement. Plus une tendinopathie évolue depuis longtemps au moment de la consultation, plus il faudra du temps obtenir sa guérison (13). Il faut ainsi avertir systématiquement les patients du délai nécessaire à la cicatrisation et les sportifs de la nécessité de consulter tôt, dès l’apparition de la douleur, pour optimiser les chances de guérison.
=› Le repos relatif est la base du traitement, il comporte toujours la suppression des gestes nocifs. Pour le sportif l’entraînement doit être interrompu.
=› Le traitement antalgique est la priorité. L’emploi d’anti-inflammatoires non stéroïdiens est peu justifié par voie orale (hormis pour leur effet antalgique) puisqu’il n’existe pas de réaction inflammatoire (sauf de façon fugace à un stade très précoce) (14). En revanche, en traitement local, les AINS topiques (en gel ou en pansement occlusif) possèdent un réel effet antalgique.
=› Les infiltrations de dérivés stéroïdiens sont discutées sauf dans l'épaule hyperalgique et en pratique on peut se passer d’infiltrer. Elles sont contre-indiquées pour les tendinites achilléennes (elles favorisent le risque de rupture). Elles doivent être réalisées par un spécialiste soit en intratendineux (par exemple au coude avec une technique de criblage), soit dans la gaine d’un tendon. Elles sont échoguidées pour le poignet. À l’épaule on peut infiltrer par voie sous acromiale sans échoguidage ou par voie intra-articulaire sous radio. L’infiltration permet de passer un cap douloureux, durant le premier mois. En revanche, l’effet sur le long terme n’est pas supérieur à celui des autres traitements. À 12 mois d’évolution sous traitement, les gels AINS, les ultra sons, les bracelets et les infiltrations de corticoïdes sont équivalents au placebo (14). Lors d’une rupture partielle, l’injection de corticoïde masque la douleur, le sportif reprend son activité, aggrave les lésions et augmente le risque de rupture complète (7).
=› La physiothérapie est fondamentale et de nombreuses techniques sont utilisées. Certaines d’entre elles ont fait la preuve de leur efficacité. La plupart des tendinopathies s’expliquent par l’hypersollicitation musculaire excentrique (c’est-à-dire l’association d’une contraction et d’un étirement musculaire pour freiner un mouvement, par exemple lors de la réception d’un saut). Ainsi, le meilleur traitement curatif et préventif est le travail musculaire isocinétique excentrique (le muscle se contracte en étant étiré). Cette méthode débute lorsque l’étirement passif du tendon est indolore, son objectif est d’améliorer la résistance à l’étirement du complexe musculo-tendineux. Ce traitement nécessite l’arrêt de l’activité traumatisante, le retour à cette activité est possible lorsque la force excentrique du groupe musculo-tendineux est restaurée. Le protocole le plus connu de cette technique est celui de Stannisch (1 à 2 fois par jour pendant 6 à 12 semaines). Le traitement nécessite la collaboration du patient. Moyennant quoi toutes les études démontrent un retour plus rapide à la normale et une diminution de la douleur pour 50 à 70 % des patients (9). Les étirements passifs et dynamiques contre résistance doivent être utilisés pour gagner de l'amplitude et remettre en action dynamique charge le tendon. Ils sont associés à des exercices quotidiens à domicile. =› Le froid peut être utilisé à visée antalgique, soit par application de glace, soit par massage à la glace, sur des lésions fraîches musculo-tendineuses. Aucun consensus n’existe sur ce sujet.
=› Les ondes de choc extracorporelles sont largement utilisées lors de tendinopathies chroniques avec succès dans certaines indications (6) (tendinopathie d’Achille, aponévrosite plantaire). Selon une méta-analyse sur 897 patients, l'effet sur la douleur est positif, mais non significatif. Toutefois, une autre grande étude multicentrique randomisée en double aveugle incluant 114 patients conclut largement en faveur des ondes de choc (7).
=› Le massage transverse profond devrait être davantage utilisé. Cependant, cette méthode n’a pas démontré significativement son efficacité (8).
=› Le laser n’a pas la preuve de son efficacité (8) de même que les ultrasons (5).
=› Les contentions et orthèses - souples, semi-rigides ou rigides - limitent partiellement la mobilité articulaire et soulage les tendons (poignet, doigt). Les semelles correctrices sont indiquées pour les tendinopathies de la cheville et du pied.
=› La chirurgie est proposée en dernier recours, en cas d’échec des traitements médicaux. Lorsque les traitements sont insuffisamment efficaces, il est nécessaire de faire rapidement appel à un rhumatologue connaissant le sport en cause ou à un médecin du sport dédié à ce sport.
=› La prévalence des tendinopathies dues à l’activité professionnelle est élevée. Les localisations anatomiques les plus fréquentes sont l’épaule 8,5 % pour les hommes et 6,6 % pour les femmes, les syndromes canalaires du membre supérieur 4 % pour les femmes et 2,4 % pour les hommes et les tendinites du coude chez les hommes(12).
=› La tendinopathie est due le plus souvent à un geste répétitif qui sollicite toujours le même groupe musculo-tendineux associé à une mauvaise ergonomie du geste favorisant les tendinopathies. De nombreuses tendinopathies (épaule, coude, main, poignet, doigt, genou, cheville pied) peuvent être prises en charge en maladie professionnelle en tant qu’« Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ». Tous les secteurs d’activité sont concernés. Le salarié fait une déclaration sur un imprimé fourni par les caisses d’assurance-maladie (formulaire de déclaration de maladie professionnelle N°6100 téléchargeable sur le site Ameli de la Sécurité Sociale). La déclaration du salarié doit être accompagnée d’un certificat médical initial descriptif précisant : la nature de la maladie, les manifestations constatées imputables au risque professionnel, les suites probables. La déclaration n'est pas toujours avantageuse pour un salarié, en effet, il faut évaluer l'impact de la déclaration sur la reprise du travail. La caisse ouvre systématiquement une enquête administrative et médicale dans le cadre d'une déclaration de maladie professionnelle, sauf en cas de pathologies identiques sur le même lieu de travail à un poste identique.
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