Pneumologie

L’ASTHME CHEZ LES ADULTES ET LES ENFANTS DE PLUS DE 5 ANS

Publié le 02/02/2017
Article réservé aux abonnés
La majorité des patients asthmatiques peuvent être traités de manière satisfaisante. L'évaluation du contrôle de l'asthme doit être l'obsession du thérapeute lors du suivi au long cours.

Crédit photo : SPL/PHANIE

L’asthme affecte environ 300 millions de personnes dans le monde à tous les âges de la vie. Depuis plus de 30 ans, sa prévalence augmente dans tous les pays, entraînant une augmentation régulière des coûts de santé.

► Les définitions (symptômes, exacerbations, contrôle, paliers) sont communes à toutes les tranches d’âges. Comme chez les moins de 5 ans, l’asthme se traduit par un wheezing, une respiration courte et une striction thoracique. Ce symptôme est dû à une contraction des bronches et à un épaississement de leurs parois. Chez l’individu normal, il existe des variations du flux aérien, mais celles-ci sont beaucoup plus importantes chez l’asthmatique.

 Les facteurs qui déclenchent les crises, surtout chez les patients non ou mal contrôlés, sont globalement les mêmes à tous les âges de la vie : infections virales, allergènes domestiques (acariens pollens, blattes) ou professionnels, fumée de tabac, exercice physique, stress, etc. Principalement chez les adultes, mais pas toujours, les médicaments sont des facteurs déclenchants ou aggravants de l’asthme comme l’aspirine, les AINS), les bêtabloquants.

 La plupart des asthmatiques peuvent être traités et contrôlés de façon satisfaisante. Un patient dont l’asthme est bien contrôlé ne présente pas de symptômes gênants diurnes et nocturnes, n’utilise pas ou faiblement les B2CA de secours, a une vie et une activité physique normales, une fonction pulmonaire normale (EFR normaux ou proches de la normale) et ne souffre pas d’exacerbations sévères.

 Comme à tous les âges, le traitement de fond est adapté par paliers ascendants ou descendants en fonction du profil de sécurité, de la disponibilité et du coût des médicaments de fond. À tout âge, les corticoïdes inhalés (CI) sont à la base du traitement de fond.

DIAGNOSTIC DE L’ASTHME

Il est plus facile de confirmer le diagnostic d’asthme avant d’avoir commencé le traitement de fond que l’inverse. Les symptômes et les critères d’obstruction bronchique varient dans le temps chez un même patient.

L’examen clinique de l’asthmatique est souvent normal entre les crises. L’auscultation perçoit le plus souvent de sifflements thoraciques (wheezing), surtout en expiration forcée et/ou après la toux.

Le diagnostic est porté sur une histoire clinique de symptômes variables et une réduction du flux aérien expiratoire.

 Histoire clinique :

- les signes typiques sont le wheezing, la respiration courte et la toux ;

- le plus souvent les patients ont plus d’un symptôme ;

- les symptômes varient dans le temps et leur intensité ;

- ils sont plus importants la nuit ;

- souvent provoqués par l’exercice, le rire, l’inhalation d’allergènes, d’air froid ou les infections virales (qui aggravent les symptômes)

 Réduction variable du flux aérien expiratoire à la spirométrie :

- diminution du rapport VEMS/CV (valeurs normales : > 0,75-0,80 chez l’adulte et > 0,90 chez l’enfant) ;

- augmentation du flux expiratoire sous B2CA (augmentation de plus de 12 % du VEMS, variations diurnes du DEP >12%).

 Important :- plus les variations sont importantes, plus le diagnostic d’asthme est probable ; - l’EFR est effectuée le matin après arrêt du traitement bronchodilatateur ; - la réversibilité peut être absente au cours des exacerbations sévères.

Certaines situations méritent des mentions spéciales (grossesse, asthme professionnel, personnes âgées, toux isolée « équivalent d’asthme » ou cough variant asthma) (voir Tableau I).

 

[[asset:image:11630 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

ÉVALUATION DE L’ASTHME

Il faut penser à évaluer les asthmatiques, surtout quand ils sont symptomatiques ou au décours d’un épisode d’exacerbation, mais aussi à l’occasion d’un renouvellement de prescription. Dans tous les cas, il convient de prévoir une évaluation annuelle.

 Les éléments de l'évaluation

• Du point de vue clinique et paraclinique

- l’estimation du contrôle des symptômes au cours des dernières 4 semaines (voir encadré E1) ;

- l’identification des facteurs de risque susceptibles de mettre le patient en difficulté (voir encadré E2) ;

- les résultats de l’EFR avant le début du traitement, 3 à 6 mois plus tard, puis tous les ans ;

• Du point de vue thérapeutique :

- l’existence d’effets indésirables ; 

- la vérification des techniques d’inhalation ;

- discuter avec le patient de ses difficultés d’observance et de ses propres objectifs thérapeutiques ;

- vérifier l’existence d’un plan d’action écrit en cas de crise.

• Rechercher des comorbidités : rhinite, rhino-sinusite, RGO, obésité, dépression, anxiété… Leur prise en charge en propre permet d’améliorer l’asthme.
 

E1. ÉVALUATION CLINIQUE DU CONTRÔLE DE L'ASTHME

- Existence de symptômes en journée plus de 2 fois par semaine ;

- tout réveil nocturne pour asthme ;

- nécessité de prendre un traitement de secours plus de 2 fois par semaine ;

- toute limitation d’activité en particulier physique due à l’asthme.

L’asthme est bien contrôlé s’il n’existe aucun de ces symptômes, partiellement contrôlé s’il en existe 1 à 2, non contrôlé s’il en existe 3 à 4.

 

E2. LES FACTEURS DE RISQUE D'ÉVOLUTION PÉJORATIVE

- Le fait d’avoir un ou plusieurs des facteurs de risque suivants, augmente le risque d’exacerbation, même si le patient est bien contrôlé :

- mauvaise adhésion aux CI ;

- technique d’inhalation incorrecte ;

- forte consommation de B2CA ;

- VEMS <60 % ;

- association à AA en particulier à l’arachide et aux fruits à coques, tabagisme ;

- grossesse


 

PRISE EN CHARGE DE L’ASTHME

Traitement de fond initial

Un traitement de fond par les CI doit être commencé dès que le diagnostic est porté car l’administration précoce de CI est associée à une amélioration de l’EFR. Le risque d’exacerbation est plus important chez les patients qui ne prennent pas de CI. Au cours de l’asthme professionnel, plus tôt le patient est soustrait aux allergènes, meilleur est le pronostic.

 Doses de CI. L’administration de doses faibles est recommandée lorsque les symptômes sont légers à modérés (par exemple symptômes > 2 fois/mois). Inversement il faut débuter à un palier supérieur (doses de CI moyennes ou fortes, associées ou non aux B2LA). Un traitement par les corticoïdes oraux est indiqué au début du traitement de l’asthme sévère non contrôlé, suivi par des doses fortes de CI, associées ou non aux B2LA. Le Tableau T3 indique des doses faibles, moyennes et fortes des divers CI.

 

[[asset:image:11631 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

Prise en charge par paliers

Lorsque le traitement est mis en place, les décisions thérapeutiques sont basées sur un cycle
où se succèdent « évaluation-ajustement du traitement - réévaluation » selon la méthode des paliers. Le passage à un palier thérapeutique supérieur repose sur la persistance de symptômes et d'épisodes d'exacerbation au cours des deux-trois derniers mois malgré une observance correcte. Les caractéristiques des principaux paliers sont les suivantes :

 Palier 1 : B2CA à la demande sans traitement de secours (symptômes peu fréquents, pas de réveil nocturne, pas d’exacerbation au cours de l’année écoulée, VEMS normal)

 Palier 2 : CI à doses régulières + B2CA à la demande (l’option des anti-leucotriènes à la place des CI est moins efficace). L’association « CI + B2LA » est plus efficace que les CI seuls. Au cours de l’asthme pollinique isolé, on commencera les CI dès le début de la saison et on les arrêtera 4 semaines après la fin de celle-ci. Conformément aux positions de certains pays anglo-saxons, le GINA ne recommande pas l’immunothérapie spécifique. Les positions européennes recommandent l’éviction des allergènes.

 Palier 3 : Stratégie « association fixe formotérol + CI inhalés à faible dose en poudre » versus stratégie « association fixe B2LA + CI à dose moyenne en traitement de fond et B2CA à la demande ».

 Palier 4 : CI + formotérol en traitement de fond et traitement de secours ou doses moyennes CI + B2CA en traitement de fond + B2CA à la demande. D’autres options : bromure de tiotropium (antagoniste spécifique des récepteurs muscariniques de longue durée d’action) par inhalation (≥18 ans), théophylline retard (adultes). Chez l’enfant de 6-11 ans, on conseille les CI à doses moyennes et la consultation d’un spécialiste.

 Palier 5 : Nécessité d’un avis d’expert pour l’éventuelle indication des anti-IgE (omalizumab). Autres options : tiotropium (≥18 ans). Certains patients requièrent un traitement par corticoïdes au long cours.

En pratique, la réduction du traitement ne peut être envisagée que lorsque l’asthme est bien contrôlé, en dehors d’une infection, d’une grossesse, d’un voyage, etc. Dans ce cas, la réduction des doses de CI est de 25 % (parfois 50 %) à 2-3 mois d’intervalle.

Contrôle de l’adhésion au traitement et éducation

À chaque consultation, il faut vérifier le bon maniement des systèmes d’inhalation et de s’assurer que le patient adhère à son traitement, l’éducation de l’asthmatique complétant à chaque visite. 50 % des patients adhèrent mal au traitement de fond, ne le prennent pas du tout ou tel qu’il est prescrit. Ce défaut d’adhésion se traduit par des symptômes et un mauvais contrôle, non intentionnellement ou par manque d’attention (oubli, coût, incompréhension, absence de perception de l’importance du traitement, crainte des effets secondaires, problèmes culturels, etc.).

Traitement des facteurs modifiables

Pour diminuer le risque d’exacerbation, il faut une autogestion guidée par des plans écrits précis et compréhensibles, bannir toute exposition à la fumée de tabac et éviter les aliments incriminés en cas d’AA. Les patients atteints d’asthme sévère doivent être obligatoirement vus par un spécialiste.

Interventions non médicamenteuses

Pour obtenir un meilleur contrôle : I) sevrage tabagique ; II) éviter tout tabagisme passif ; III) effectuer activité physique régulière ; IV) prévenir de l’asthme d’effort (2 bouffées de B2CA 15 minutes avant l’effort prévu et échauffement ; V) éviter les allergènes au poste de travail en cas d’asthme professionnel.

Pathologies et populations particulières

Les principales recommandations thérapeutiques pour les populations ou les contextes particuliers figurent dans Tableau T2.

 

[[asset:image:11632 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

Exacerbations

Une exacerbation – « attaque d’asthme » et « état de mal asthmatique » – est une aggravation aiguë ou subaiguë des symptômes d’asthme. L’identification des patients à risque de mort par asthme sont les suivants :

I) antécédents « d’asthme presque mortel » (near fatal asthma ») nécessitant intubation et ventilation ;

II) hospitalisation aux urgences pour asthme au cours des 12 derniers mois ;

III) utilisation peu fréquente de CI et/ou une faible adhésion aux CI ;

IV) usage habituel et/ou arrêt récent d’une corticothérapie par voie générale ;

V) utilisation excessive de B2CA ;

VI) antécédents d’affection psychiatrique ou problèmes psycho-sociaux ;

VII) AA confirmée chez un asthmatique.

Plans d’action écrits

Un plan écrit facilite l’autogestion de l’asthme :

I) quels sont les médicaments habituels du patient ;

II) quand et comment augmenter les doses ;

III) quand commencer un traitement par les corticoïdes par voie générale ;

IV) comment accéder aux soins en l’absence de réponse au traitement.

Le GINA 2015 recommande les actions suivantes :

I) estimer la sévérité de l’exacerbation en commençant le traitement par B2CA et oxygène : dyspnée (possibilité pour le patient de prononcer des phrases ou seulement des mots), rythme respiratoire, rythme cardiaque, SaO2, DEP ;

II) vérifier s’il existe ou non une anaphylaxie ;

III) vérifier s’il ne s’agit pas d’une autre cause que l’asthme par exemple corps étranger bronchique, une embolie pulmonaire, une défaillance cardiaque ;

IV) organiser le transfert dans un centre de soins primaires pour malades aigus ou une unité de soins intensifs ;

V) pour les malades les plus sévères administrer immédiatement des B2CA, du bromure d’ipratropium (antagoniste spécifique des récepteurs muscariniques de courte durée d’action ou Atrovent®) par inhalation et des corticoïdes par voie générale ;

VI) commencer le traitement avec des doses répétées de B2CA (2 bouffées d’’emblée puis toutes les 15-20 minutes pendant une heure) habituellement par aérosol-doseur + chambre d’inhalation, corticoïdes oraux, tout en contrôlant le DEP si c’est possible ;

VII) évaluer fréquemment la réponse au traitement et mesurer le DEP (peak flow) au bout d’une heure ;

VIII) maintenir la SaO2 entre 93 % et 95 % chez l’adulte et l’adolescent et entre 94 % et 98 % entre 6 et 12 ans ;

IX) pour les exacerbations sévères ajouter du bromure d’ipratropium, envisager des nébulisations de B2CA et, chez les patients qui ne répondent pas à ce traitement intensif initial la perfusion IV de magnésium ;

X) ne pas utiliser d’antibiotiques en routine pour une exacerbation.
L’évaluation de la réponse à ce traitement et la surveillance du patient permettent de savoir s’il faut l’évacuer ou non vers un centre de plus haut niveau ou s’il faut envisager une hospitalisation. Si la sortie est possible, il faut organiser la suite du traitement et le suivi précoce.

Toute exacerbation traduit un échec thérapeutique. Il faut en rechercher les causes : - reprise de l’interrogatoire du patient ; - rechercher des facteurs modifiables (tabagisme) ; -  expliquer (réexpliquer) les buts des traitements ; - vérifier les techniques d’inhalation ; - réviser l’écriture du plan d’action. L’adhésion au traitement par CI ou à la corticothérapie orale peut chuter à 50 % une semaine après l’instauration du traitement !

BIBLIOGRAPHIE

Global Initiative for Astma (Gina). Pocket guide for asthma management and prevention for adults and children older than5 years. Updated 2015.


 

Pr. Guy Dutau (Allergologue – Pneumologue – Pédiatre, Toulouse.)

Source : lequotidiendumedecin.fr