Gilbert, 69 ans, est un patient bien connu de sa cité, en raison de ses altercations avec les forces de l’ordre à la suite de problèmes réguliers d’alcoolisation massive. Il nous explique avoir la sensation d’une gêne buccale qui correspond en fait à des paresthésies et des troubles de la mobilité de sa langue. L’examen de l’ensemble de la cavité buccale découvre une masse bourgeonnante du plancher buccal (zone de la caroncule droite et du canal de Wharton) (photo ci-dessus, flèche verte). La biopsie de cette masse met en évidence un carcinome épidermoïde infiltrant.
INTRODUCTION
Les cancers des voies aéro-digestives supérieures se classent au 5e rang des cancers observés en France (en 2007, 60 000 patients étaient en ALD pour ce type de cancer).
Le plus souvent, ces cancers surviennent chez des patients ayant plus de 50 ans.
→ Plusieurs facteurs contribuent au développement des cancers du plancher buccal :
– Le tabac, par le biais des nitrosamines et hydrocarbures aromatiques polycycliques.
– L’alcool contribue également au développement de cette pathologie. Par ailleurs, l’incidence de cette néoplasie est nettement majorée chez les personnes consommant de l’alcool, et du tabac.
L’association tabac/alcool peut multiplier jusqu'à 45 fois le risque de cancer, les deux substances ayant une action synergique forte.
– L’infection à virus HPV est génératrice de cancers de l’oropharynx. D’autres facteurs sont également incriminés, mais de manière moins fréquente comme l’hygiène bucco-dentaire, l’exposition professionnelle à des poussières, une consommation importante de viande et de sel, les carences alimentaires.
CLINIQUEMENT
La découverte est souvent fortuite (par le dentiste ou le médecin), car les lésions au stade initial sont fréquemment asymptomatiques. Souvent, le patient décrit une sensation de gêne avec notion de corps étranger buccal.
Par la suite, à un stade plus tardif, des manifestations plus bruyantes s’installent, comme une dysphagie, une otalgie, une odynophagie, une dysarthrie, des anomalies de mobilisation de la mâchoire et de la langue, un trismus témoignant d’une atteinte du muscle ptérygoïdien médial. Parfois, il s’agit d’une ulcération infiltrée souvent indolore et persistante, une tuméfaction. Une mobilité dentaire ou une instabilité prothétique sont possibles.
→ Deux formes sont classiquement décrites au niveau macroscopique :
– L’ulcération, dont les bords ne sont pas réguliers. Souvent elle est hémorragique, et on note une induration au niveau de sa base. Elle peut être associée à des douleurs (surtout dans le cas de surinfections).
– Le bourgeonnement avec une muqueuse fragile et hémorragique (lors de traumatismes peu importants).
→ Plus généralement, tout symptôme persistant plus de 10 jours doit alerter.
→ En France, on estime que 70 % de ces cancers sont diagnostiqués à un stade avancé, T3 ou T4. Ce retard au diagnostic grève leur pronostic : le taux de survie à 5 ans est seulement de 40 %.
→ La confirmation du diagnostic est obtenue grâce à une biopsie qui retrouve dans 90 % des cas un carcinome épidermoïde et dans 5 % des cas un carcinome glandulaire. Les 5 % restant correspondent à des tumeurs plus rares (lymphomes avant tout).
LA PRISE EN CHARGE
Elle tient compte du fait du caractère lymphophile de ce cancer qui a tendance à diffuser vers les aires ganglionnaires.
→ De ce fait, le bilan pré-thérapeutique doit comporter : un examen clinique complet, une TDM injectée qui objective les limites de la tumeur, le degré d’envahissement vasculaire et ganglionnaire.
→ L’ORL doit effectuer un examen endoscopique des voies aériennes supérieures pour observer les limites du processus tumoral, et éventuellement rechercher une deuxième localisation.
→ À l’issue de ce bilan, et avant toute prise en charge validée par la réunion de concertation pluridisciplinaire, une stadification est effectuée suivant la classification TNM.
→ Pour finir, une expertise dentaire est impérative. En effet, il est important de s’assurer avant tout traitement (surtout la radiothérapie) de l’absence d’une infection dentaire.
→ Le traitement découle de la classification TNM. De manière schématique, la chirurgie s’impose pour toute tumeur opérable. L’association d’une curiethérapie, d’une radio ou chimiothérapie dépend de la taille de la tumeur, de la présence d’adénopathies, d’une atteinte osseuse associée ou de métastases.
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2- Montero PH, Patel SG. Cancer of the oral cavity. Surgical Oncology Clinics of North America 2015 ; 24 (3) : 491-508.
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4- Inca. Indications de la radiothérapie CANCER Des vads. Traitements, soins et innovations. Mai 2009.
5- HAS, Inca. Cancer des voies aérodigestives supérieures. Guide ALD. Novembre 2009.
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