Michel, 82 ans, consulte pour un renouvellement d’ordonnance. Avant d’effectuer la prescription, nous effectuons un examen complet de ce patient. Nous mettons en évidence une lésion de plus de 2 cm sur l’avant-bras droit, lésion constituée d’un cratère central et d’un bourrelet en périphérie (photo 1). Michel explique que cette lésion est apparue il y a quelques semaines, augmentant de taille rapidement. Il attribue cette formation à une piqûre d’insecte datant de 2 mois. Compte tenu de l’aspect de cette lésion, nous avons décidé d’effectuer une exérèse élargie. L’examen anatomopathologique permet de poser le diagnostic de kératoacanthome.
INTRODUCTION
Les carcinomes épidermoïdes cutanés, ou carcinomes spinocellulaires, représentent la deuxième cause de carcinomes d’origine kératinocytaire. Sur un plan épidémiologique, les carcinomes épidermoïdes ont une incidence de 30 cas/100 000 personnes.
Parmi les carcinomes épidermoïdes cutanés, le kératoacanthome est une forme considérée comme étant à la malignité faible, ayant une capacité d’involution spontanée.
L’incidence du kératoacanthome est maximale entre 50 et 70 ans.
Il est rare d’observer cette tumeur chez les patients de moins de 40 ans, et on objective cette formation plus fréquemment chez les patients caucasiens ayant un phototype clair.
ÉTIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE
Aucune étiologie précise n’a été déterminée concernant la genèse du kératoacanthome.
Cependant, l’exposition solaire chronique est le facteur le plus souvent mis en avant.
Une origine infectieuse impliquant l’Human Papilloma Virus est aussi évoquée.
Par ailleurs, les immunodépressions (secondaires à des traitements ou des pathologies néoplasiques) ou certains traitements (comme certaines biothérapies) pourraient aussi jouer un rôle.
Enfin, il ne faut pas omettre l’existence de facteurs génétiques à l’origine de certaines formes, comme le xeroderma pigmentosum (sensibilité cutanée exacerbée aux ultraviolets générant des carcinomes cutanés fréquents et multiples), le syndrome de Grzybowski (kératoacanthomes multiples du visage associés à un ectropion sévère), ou le syndrome de Ferguson-Smith (kératoacanthomes multiples et récidivants associés à une anomalie au niveau du chromosome 9q22-q31).
CLINIQUE
Le plus souvent, cette tumeur (presque constamment unique) est observée au niveau des zones photoexposées : cou, dos des mains, membres supérieurs (avant-bras surtout), visage (paupières, nez et joues).
Trois phases rapidement évolutives du kératoacanthome sont classiquement décrites :
→ Une phase de prolifération avec au départ une lésion érythémato-papuleuse arrondie.
Elle évolue secondairement en donnant un nodule composé de deux parties : au centre une sorte de formation kératosique avec l’aspect d’un cratère de volcan, et en périphérie une formation ayant l’aspect d’un bourgeonnement de chair.
Cette structure, dont la dimension maximale est observée entre 15 jours et 1 mois, a une taille variant entre 0,5 et 2 cm.
→ Une phase de maturité qui se caractérise par une stabilité durant quelques mois de la tumeur, qui a l’aspect de « tomate farcie » avec parfois de fines télangiectasies à la surface.
→ Une phase de résorption ou involution, durant laquelle le matériel kératosique central est expulsé et les bords charnus se réduisent progressivement. Ensuite une disparition de la tumeur, sur une période de plusieurs mois, est notée. Une cicatrice atrophique peut persister avec, en périphérie, un bourrelet peu épais.
EXAMEN ANATOMOPATHOLOGIQUE
C’est la base de la prise en charge, mais qui peut aussi être source d’erreur car il est souvent difficile de différencier le kératoacanthome des autres formes de carcinomes épidermoïdes.
En fait, dans le cas du kératoacanthome, l’épiderme est volumineux et on retrouve des kératinocytes atypiques. La partie centrale est facilement identifiée avec de la kératine et des cellules éosinophiles atypiques.
TRAITEMENT
• Il est parfois difficile pour le clinicien et l’anatomopathologiste de faire une distinction entre un kératoacanthome et un carcinome épidermoïde invasif. Dans ce contexte, l’exérèse chirurgicale est la prise en charge la plus adaptée.
• Pour les formes multiples ou en cas de formes centrées sur le visage, certains auteurs recommandent l’administration d’acitrétine à raison de 1 mg/kg/j ou une injection de méthotrexate intralésionnel. Des récidives sont possibles mais restent rares (moins de 5 % des cas).
Bibliographie
1- Habif T. Maladies cutanées. Diagnostic et traitement. France. Ed. Elsevier 2012.
2 - Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Ed Elsevier-Masson 2017.
3 - Bolognia JL. Dermatologie : l’essentiel. Ed. Elsevier Masson 2018.
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