Addictologie

LE “SNIFF” DE COCAÏNE

Publié le 26/04/2019
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Le “sniff” est le mode d’auto-administration le plus courant de la cocaïne. Parmi les complications dues à ce mode d’utilisation, deux sont classiques : les problèmes infectieux (bactériens ou viraux) et les traumatismes de la muqueuse nasale, qui peuvent conduire à une perforation de la cloison.
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Crédit photo :  dr Pierre Frances

Alain, 34 ans, consulte dans un centre dédié aux sans domicile fixe pour une rhinorrhée, une toux et une hyperthermie depuis plus de 48 heures. Ce patient est tabagique (plus de 40 paquets par année), et il est suivi par un service d’addictologie pour un traitement par méthadone. Spontanément, il nous explique qu’il squatte différents appartements d’amis et qu'il lui arrive de se coucher à la belle étoile. De ce fait, pour pouvoir « tenir » vis-à-vis de cette situation très difficile, il sniffe de la cocaïne très régulièrement. L’examen clinique retrouve un foyer de crépitants au niveau de la base pulmonaire droite, mais aussi une sinusite maxillaire gauche. Nous sommes quelque peu surpris par la découverte d’une ulcération de la cloison nasale (cliché 1). Cette perforation est secondaire au fait que le patient sniffe de la cocaïne.
 
En Europe, près de 4 % des adultes consomment ou ont consommé de la cocaïne. La majorité d’entre eux appartiennent à la classe d’âge 15/34 ans. La cocaïne est obtenue à partir des feuilles d’un arbuste (le cocaïer), dont la cocaïne est un des alcaloïdes.
Après avoir séché les feuilles de coca, une extraction obtenue avec du carbonate de calcium ou sodium permet d’obtenir une pâte de couleur brune. Cette pâte est ensuite filtrée, et après plusieurs réactions chimiques (dont le traitement avec du permanganate) une poudre blanche est produite.

INTRODUCTION

Le sniffing est le mode d’utilisation de la cocaïne le plus utilisé car le plus simple, et considéré comme le moins dangereux. Ce à tort, car il génère un état de dépendance en cas de consommation régulière. Ce type d’administration est souvent utilisé dans les soirées et concerne toutes les classes sociales. La poudre trouvée sur le marché est souvent constituée de cristaux assez grossiers. Les utilisateurs les morcellent alors avec un couteau fin. La poudre très finement préparée est inhalée au moyen d’une paille ou d’un billet de banque enroulé. Après avoir sniffé, les utilisateurs éprouvent un effet euphorisant rapide (entre 2 et 3 mn). Cet effet est bref (30 à 60 minutes).

LES EFFETS SECONDAIRES DU SNIFF

Les problèmes infectieux

Ils découlent du mode d’administration. En effet, l’utilisation de pailles partagées avec plusieurs utilisateurs entraîne parfois des blessures (du fait d’un biseau) au niveau de la cloison nasale ; blessures plus fréquentes en cas de recours à des pailles usagées. Ces traumatismes sont responsables de pathologies infectieuses parfois graves :

bactériennes (staphylocoque) et virales (hépatite B surtout). Une poudre mal préparée, pas suffisamment fine, est génératrice de plaies dans la cavité nasale, pouvant aussi favoriser la pathologie infectieuse.

Les lésions traumatiques sur la cloison nasale

Ces problèmes surviennent le plus souvent lors d’une consommation prolongée et très régulière de cocaïne. Ce produit a un effet vasoconstricteur, à l'origine d'une hyperhémie et d'une rhinite réactionnelle.

Si la consommation est très régulière, un œdème peut survenir, et une hypertrophie des muqueuses peut être observée. On peut objectiver également une rhinite croûteuse avec parfois des épistaxis.

Bien entendu, si cette administration devient trop récurrente, des dommages au niveau de la muqueuse pourront être observés. Ces problèmes sont secondaires à une balance non équilibrée entre les facteurs pro et anticoagulants, qui génère une thrombose vasculaire et par voie de conséquence une ischémie.

Bien entendu, ces effets sont majorés par l’utilisation de produits de mauvaise qualité, les traumatismes itératifs dus à une poudre trop grossière, le rôle joué par les bactéries transmises via les pailles et les autres modes d’administration au sein de la cavité nasale.

► Ces manifestations ischémiques induisent une nécrose du cartilage du septum du fait d’une apoptose, une ulcération (cas de notre patient) et, dans certains cas, une perforation.

L’incidence de la nécrose de la cloison nasale est relativement élevée (4,8 % des cas).
En cas de poursuite du sniff, on peut observer des destructions des structures ostéo-cartilagineuses du voisinage : sinus, nez, palais.

► En l’absence de réaction du patient à ce stade, le préjudice esthétique peut devenir majeur, avec un “remodelage” de la pyramide nasale dont la physionomie est en rapport avec des atteintes destructrices multiples (voile du palais, columelle notamment).

Les modes de consommation

La feuille de coca peut être mâchée
La pâte peut être fumée (préparation en cigarette ou avec une pipe)
La poudre peut être sniffée (avec une paille, un billet, ou un miroir) ou injectée après dilution en intraveineuse
Après une dissolution de la poudre avec de l’eau et ajout d’un agent alcalin, on obtient le crack ou le free base (la différence entre les deux formes est due à l’adjonction ou non de bicarbonate de sodium ou d’ammoniaque). Le plus souvent, cette forme est utilisée par voie orale (pipe).

Bibliographie

1- Touzeau D. Drogues et sensations : le nez dans tous les états. La Lettre d’ORL et de la Chirurgie cervico-faciale 2010 ; 321 : 11-14.
2- Lejoyeux M. Abrégés. Addictologie. Ed. Masson 2008. 
3- Bellizi EFM, Marsisco C, Corbisero A. Patologia otorinolaringoiatrica ed abuso di sostanze : le cannabis. Il Caduceo 2012 ; 14 (1) : 3-9.
4- Blaise G, Vanhooteghem O, De la Brassinet M. Cocaine sniffing-induced lesions. Journal of European Academy of Dermatology and Venereology 2007; 21:1262-3.
5- Canarelli T, Lermenier A, Dambélé S. Carte d’identité de la cocaïne.
6- https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/chap1.pdf.

Pierre FRANCES (médecin généraliste, Banyuls sur mer). Avinash SONDHOO (interne en médecine générale, Montpellier). Sara GRANGETTO (interne en médecine générale, Programme Hippokrates. Turin. Italie). Pauline CARTIER (interne en médecine générale, Montpel

Source : Le Généraliste: 2871