Rythmologie

LE SUIVI DES PATIENTS PORTEURS D’UN PACEMAKER OU DÉFIBRILLATEUR

Publié le 09/05/2022
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Près de 70 000 pacemakers et 10 000 défibrillateurs sont implantés chaque année en France. Récemment, ces appareils ont connu des nouveautés, notamment avec le pacemaker sans sonde ou le défibrillateur sous-cutané. Si ces dispositifs médicaux nécessitent un suivi régulier en centre spécialisé, chaque praticien peut y être confronté au quotidien.

INTRODUCTION

Les stimulateurs cardiaques (pacemakers (PM)) les plus basiques ont pour but de traiter des bradycardies sans cause aiguë réversible (bloc auriculo-ventriculaire ou dysfonction sinusale essentiellement). Ils comprennent un générateur placé sous la peau, en général en dessous de la clavicule, relié à une ou plusieurs électrodes positionnées dans le ventricule droit et l’oreillette droite via le réseau veineux.

Les défibrillateurs automatiques implantables (DAI) sont des dispositifs qui permettent, en plus de la fonction du pacemaker, de traiter des arythmies ventriculaires sévères (tachycardie et/ou fibrillation ventriculaire). Ils sont proposés soit en prophylaxie primaire chez les patients à risque d’arythmie ventriculaire (cardiopathie ischémique et/ou dilatée sévère notamment), soit en prophylaxie secondaire chez des patients ayant déjà présenté des arythmies ventriculaires graves (tachycardie ou fibrillation) sans cause aiguë réversible. Le principe de mise en place reste le même, avec toutefois un boîtier sous-cutané plus volumineux que celui d’un PM.

Dans cet article, nous abordons les différents types de prothèses qui existent, leurs particularités et conséquences au quotidien, en tenant compte de certaines nouveautés.
Parmi ces PM ou DAI, il faut distinguer les dispositifs de resynchronisation, qui comprennent en plus une sonde positionnée dans le réseau veineux cardiaque (sinus coronaire) afin d’améliorer la fonction cardiaque. Ils sont proposés aux patients présentant une altération de la fraction d’éjection, avec en général un bloc de branche gauche à l’ECG.

Ces dispositifs ont bénéficié de nombreux progrès.

Concernant les PM, les nouveautés sont les pacemakers dits « sans sonde », entièrement intracardiaques (dimensions : 8 x 24 mm) et mis en place dans le ventricule droit par un abord percutané veineux fémoral (figure 1) (cela réduit le risque d’infection et évite les complications des sondes). Ils présentent comme limite l’impossibilité de stimuler dans l’oreillette et peuvent être proposés aux patients aux antécédents de complications à type d’infection ou lésion de sondes, aux patients en fibrillation atriale lente ou avec obstacle vasculaire veineux thoracique.

De nouveaux types de défibrillateurs purement sous-cutanés sont désormais disponibles dans le but de limiter les complications liées aux sondes endocavitaires (capital veineux, endocardites et ruptures d’électrodes entraînant des dysfonctionnements). Ces DAI entièrement sous-cutanés se composent d’une batterie un peu plus volumineuse, positionnée dans le creux axillaire, avec une électrode sous-cutanée en regard du sternum (figure 2). Leur principale limite est l’absence de possibilité de stimulation cardiaque (pas de fonction « pacemaker »). Ils peuvent être proposés en première intention chez les patients les plus jeunes, chez lesquels le taux de complications liées aux lésions de sondes est le plus important.

POSSIBLES COMPLICATIONS ET SUIVI CLINIQUE

L’implantation d’un PM ou d’un DAI nécessite une courte hospitalisation (en général 2-3 jours). Une anesthésie locale avec sédation est en général suffisante pour l’implantation.

Comme tout dispositif implantable, la mise en place d’un stimulateur ou défibrillateur peut s’accompagner de complications, avec une fréquence d’environ 4 à 6 %.

Un pneumothorax est possible lors de la ponction veineuse sous-clavière. Un épanchement péricardique voire une tamponnade peut se produire dans les suites de la mise en place des sondes dans le cœur.

Le déplacement des électrodes peut survenir dans les premiers jours. Des radiographies post-opératoires seront réalisées à ce titre.

Parmi les complications précoces pouvant survenir après retour à domicile, on retiendra la survenue d’un hématome de loge, souvent favorisé par un traitement antiagrégant ou anticoagulant. Leur prise en charge consiste le plus souvent à la mise en place d’un pansement compressif, et il faudra bien sûr envisager si possible la suspension transitoire des traitements susceptibles d’aggraver la situation. Une ré-intervention peut être nécessaire pour évacuation de l’hématome et geste d’hémostase en cas de persistance de l’hématome avec douleur locale ou signe de souffrance cutanée.

L’infection du site opératoire peut se traduire par un retard à la cicatrisation, un écoulement purulent sur la cicatrice ou une rougeur localisée en regard de la prothèse. Cette infection pouvant évoluer vers une endocardite infectieuse, le patient sera réadressé à son centre d’implantation en vue d’une extraction complète du dispositif, seul traitement curatif de ce type de complication, associé bien sûr à une antibiothérapie adaptée.

Un suivi spécifique est par la suite nécessaire. Tout d’abord dans les premières semaines suivant l’implantation, afin de vérifier la bonne cicatrisation et le bon fonctionnement des électrodes, puis en général 1 à 2 fois par an par un rythmologue spécialiste. Le contrôle de la prothèse s’effectue au moyen d’un ordinateur dédié, via une antenne de télémétrie. Au cours de ce contrôle seront vérifiés, entre autres, la longévité résiduelle de la batterie, le bon fonctionnement des électrodes, le pourcentage d’utilisation du dispositif et la survenue éventuelle d’arythmies. La longévité des appareils est variable selon le modèle et dépend de nombreux paramètres comme le pourcentage d’utilisation par exemple, mais se situe en général autour de 10 ans. Un télé-suivi est désormais possible, permettant la surveillance à distance des principaux paramètres du dispositif sur un serveur internet dédié et sécurisé. Pour cela, un appareil est fourni au patient à son domicile qui permet de récupérer les données de la prothèse cardiaque. Le suivi à distance permet un diagnostic précoce des arythmies ou des problèmes techniques de l’appareil. Ces données sont transmises sur un site internet sécurisé et sont analysées par une infirmière spécialisée et un rythmologue dans le centre où le patient est suivi.

VIE QUOTIDIENNE DES PORTEURS D’UN STIMULATEUR OU D’UN DÉFIBRILLATEUR

Dans les jours suivant l’implantation du PM ou DAI, il est possible de reprendre une activité physique normale. Il faudra toutefois éviter tout contact physique brutal en regard du site d’implantation (risque de lésion de l’appareil et des sondes). Le téléphone portable peut être utilisé sans danger. Il est recommandé de tenir ce dernier à environ 20 cm de la prothèse. Il n’y a pas de danger vis-à-vis de l’utilisation du four à micro-ondes, de la télévision, de l’ordinateur, du réseau Wi-Fi, des appareils bluetooth ou pour le passage des portiques dans les magasins.

Les patients sont détenteurs d’un carnet de suivi de leur prothèse cardiaque, qu’ils doivent porter en permanence sur eux. Ce carnet doit être montré à l’aéroport pour ne pas passer sous les détecteurs de métaux, qui peuvent endommager la prothèse cardiaque.

Concernant l’activité physique, il y a peu de contraintes dans les suites de l’intervention. Les efforts d’extensions/rotations du membre supérieur du côté de la prothèse sont cependant à éviter en raison du risque de lésion des électrodes.

Concernant les examens complémentaires, la réalisation d’IRM n’est pas impossible mais nécessite certaines précautions particulières en raison du risque d’interférence électromagnétique pouvant conduire à une inhibition de la stimulation par exemple. Depuis quelques années, la plupart des dispositifs implantés sont compatibles avec la réali­sation d’une IRM, sous condition d’un contrôle du stimulateur ou défibrillateur avant et dans les suites de l’examen. Pour les autres types de prothèses (non-IRM compatibles), cela se discute au cas par cas en fonction du risque de lésion de la prothèse (patient stimulo-dépendant par exemple) et la nécessité impérieuse de réaliser l’IRM pour le patient (possibilité de remplacer une IRM par un scanner).

La radiothérapie externe peut également être source d’interférence électro-magnétique, d’autant plus si elle est délivrée à proximité de l’aire cardiaque (proche de la prothèse) et si les doses irradiantes sont élevées. Des précautions particulières seront prises pendant les séances et un suivi rapproché de la prothèse par le rythmologue sera également requis.

Dr Jean-Philippe Labbé (service de cardiologie, hôpital Saint-Camille, Bry-sur-Marne), Pr Nicolas Lellouche (service de cardiologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil)

BIBLIOGRAPHIE
1. Recommandations de la société européenne de cardiologie relatives
à la stimulation et resynchronisation. M. Glikson et al. European Heart Journal, Volume 42, Issue 35, 14 September 2021, Pages 3427–3520.
2. Recommandations de la société européenne de cardiologie relative à la prise en charge des arythmies ventriculaires. S. Priori et al. 2015 European Heart Journal, Volume 36, Issue 41, 1 November 2015, Pages 2793–2867.


Source : lequotidiendumedecin.fr