Dermatologie

LE SYNDROME DE JESSNER-KANOF

Publié le 08/11/2021
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Le syndrome de Jessner-Kanof est dû à une infiltration cutanée bénigne et chronique de lymphocytes T. Sur un plan clinique, on observe des placards érythémateux maculopapuleux arciformes bien limités. Le diagnostic est avant tout histologique, et le traitement – pas forcément nécessaire – repose en première intention sur la prescription d’un anti­paludéen de synthèse.

Larges placards érythémateux avec plages maculopapuleuses du front.

Larges placards érythémateux avec plages maculopapuleuses du front.
Crédit photo : Dr Frances

Jérôme, 42 ans, consulte car, depuis deux semaines, il présente des lésions érythémateuses maculopapuleuses et arrondies sur le dos.
Il présente aussi des placards érythémateux sur le front, dont les limites ne sont pas très nettes, avec un caractère maculopapuleux. Ces deux types de lésions assez prurigineuses sont apparus en même temps, à la suite d’un séjour en bord de plage.
Pensant que ces manifestations cliniques étaient en rapport avec une urticaire liée au contact prolongé avec le sable, un confrère a prescrit un antihistaminique peu efficace sur ces lésions.
Compte tenu de ces éléments, nous avons effectué une biopsie au niveau d’une de ces formations érythématopapuleuses, permettant de poser le diagnostic d’infiltrat lymphocytaire de Jessner-Kanof.

INTRODUCTION
Cette dermatose rare (son incidence n’est pas établie de manière précise) a été décrite pour la première fois en 1953 par Jessner et Kanof. Elle se caractérise par une infiltration lymphocytaire (lymphocytes T) bénigne, et de nombreux auteurs parlent de pseudo-lymphome cutané. On l’observe le plus souvent chez les adultes jeunes (les enfants sont rarement touchés), et il n’y a pas de prépondérance en fonction du sexe des patients. Par ailleurs, il est décrit des formes familiales, mais elles sont exceptionnelles.

ÉTIOLOGIE
À l’heure actuelle, aucune étiologie précise de cette dermatose n’a été identifiée.
Pour certains auteurs, cet infiltrat lymphocytaire serait secondaire à une infection bactérienne (Borrelia burgdorferi), hypothèse confortée par la présence, au niveau des lésions observées, de cet agent infectieux (identification par PCR). Certaines thérapeutiques pourraient également être responsables de cette pathologie (ramipril, duloxétine et certaines biothérapies). Pour d’autres auteurs, cet infiltrat s’assimilerait à une forme de lupus érythémateux tumidus ou de lucite.

SYMPTOMATOLOGIE
Ces lésions sont le plus souvent observées au niveau du visage, du cou, de la partie supérieure du thorax, des bras et des mains. La lésion initiale est une macule érythémateuse qui devient progressivement une formation maculopapuleuse dont les bords sont le plus souvent bien limités.
La taille de cet infiltrat varie entre 2 mm et 2 cm, et on observe généralement plusieurs lésions (une lésion unique est plus rare : 25 % des cas).
Ces formations ont un aspect annulaire et il est fréquent d’observer une zone centrale qui semble tout à fait saine.
Dans la plupart des cas, cette infiltration n’est accompagnée d’aucun symptôme particulier, mais il n’est pas rare de noter un prurit plus ou moins important, voire une sensation de brûlure cutanée. Il existe une majoration de cette dermatose lors d’expositions solaires intenses.

DIAGNOSTIC
La confirmation du diagnostic est obtenue à la suite d’une analyse anatomopathologique. On objective alors un manchon lymphocytaire périvasculaire au niveau du derme superficiel et profond. Par ailleurs, l’épiderme est le plus souvent normal ou, dans certains cas, il peut être le siège d’une nécrose kératinocytaire basale.

PRISE EN CHARGE
La première mesure à observer est avant tout préventive : la protection solaire.
De nombreux traitements sont conseillés pour cette dermatose. Parmi ces thérapeutiques, les antipaludéens doivent avoir la préférence. En seconde intention, il est possible de recourir à d’autres médicaments : thalidomide, corticoïde, tétracycline, dapsone.
Compte tenu de la bénignité de ce pseudo-­lymphome, de nombreux dermatologues préconisent une abstention thérapeutique pour les lésions peu étendues. L’infiltrat de Jessner-Kanof est une dermatose qui évolue favorablement et disparaît sur un laps de temps qui varie entre quelques mois ou années sans laisser de quelconque cicatrice.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Aïda Tall (interne en médecine générale à Montpellier), Sophie-Camille Rambinaissing et Jules Cuquemelle (externes à Montpellier)

BIBLIOGRAPHIE
1. Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles.
Ed Elsevier-Masson 2017.
2. Rémy-Leroux V, Léonard F, Lambert D, et al. Comparison of histopathologic-clinical characteristics of Jessner's lymphocytic infiltration of the skin and lupus erythematosus tumidus: Multicenter study of 46 cases. Journal of the American Academy of Dermatology 2008, 58 (2): 217-223.
3. Pereira A, Ferrara G, Calamaro P, Cota C, et al.
The Histopathological Spectrum of Pseudolymphomatous Infiltrates in Cutaneous Lupus Erythematosus. American Journal of Dermatopathology 2018 ; 40 (4) :247-253.


Source : lequotidiendumedecin.fr