Néphrologie

LE SYNDROME HÉMOLYTIQUE ET URÉMIQUE DE L’ADULTE

Publié le 10/06/2011
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Le syndrome est rare mais rapidement mortel en l’absence de traitement. Première cause d’insuffisance rénale aiguë chez l’enfant, il représente une part non négligeable d’IRA chez

DÉFINITIONS ET ÉPIDÉMIOLOGIE

=› Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) est caractérisé par une anémie hémolytique mécanique avec schizocytes, une thrombopénie et une insuffisance rénale aiguë. La lésion caractéristique est la microangiopathie thrombotique, qui correspond à l’occlusion des petites artérioles et/ou des capillaires intrarénaux par des microthromboses. La cause de ces microthromboses est une lésion des cellules endothéliales, liée soit à une toxine bactérienne particulière, la shigatoxine ou vérotoxine, soit à une hyperactivation du complément, ou encore à un médicament toxique.

=› Le SHU doit être distingué des autres causes de microangiopathies thrombotiques et notamment du purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT). Le PTT est caractérisé par le développement de thromboses artériolaires ou capillaires principalement dans le cerveau. Cette maladie est due à une carence congénitale ou acquise en ADAMTS13, protéase du facteur von Willebrand.

=› Au cours du SHU l’atteinte rénale est prédominante ; Il s’agit de la première cause d’insuffisance rénale aiguë du nourrisson et du jeune enfant, mais il peut se voir à tout âge. La prédominance dans le jeune âge pourrait être liée à un défaut d’immunisation contre les entérobactéries.

L’atteinte rénale peut être très sévère et laisser des séquelles évoluant vers l’insuffisance rénale terminale. =› Il s’agit d’une maladie grave, ayant une mortalité de 5 à 10 % chez l’enfant, 10 à 15 % chez l’adulte, en particulier chez le sujet âgé.

=› Les épidémies d’infection par Escherichia coli O157:H7, ou d’autres sérotypes comme l’actuel O144 :H4, qui se répand en Allemagne, également sécréteur de shigatoxines, ont été rapportées à l’ingestion de viande de bœuf mal cuite mais l’agent contaminant peut être un autre type d’aliments contaminés par les selles d’animaux porteurs des bactéries pathogènes.

QUAND DOIT-ON ÉVOQUER UN SHU CHEZ L’ADULTE ?

Dans les SHU post-infectieux, l’intervalle entre l’ingestion de l’aliment contaminé et la survenue de la diarrhée, souvent sanglante, varie de 2 à 12 jours. Le SHU survient 5 à 13 jours après les débuts de la diarrhée. La thrombopénie est la première à apparaître chez la plupart des patients, suivie par l’hémolyse, responsable d’une anémie aiguë, et l’insuffisance rénale. L’insuffisance rénale aiguë est souvent sévère, oligoanurique, associée à une HTA, parfois un œdème pulmonaire (Tableau I).

À côté de ces SHU post-diarrhées, les SHU de l’adulte peuvent être en rapport avec d’autres infections (VIH, pneumocoques), le post-partum, la prise de médicaments particuliers et des cas sporadiques sans cause évidente, qui doivent faire rechercher des mutations des gènes de la voie alterne du complément. Des SHU secondaires à des néphropathies chroniques (glomérulonéphrites chroniques, néphroangiosclérose, sclérodermie, lupus érythémateux disséminé) sont aussi possibles.

QUELLES EXPLORATIONS FAIRE DEVANT UN SHU ?

Le diagnostic est fait devant une anémie hémolytique régénérative avec un taux de réticulocytes supérieur à 120 000/mm3 et la présence de schizocytes. Le test de Coombs est négatif, l’haptoglobine sérique est effondrée, les LDH plasmatiques sont augmentés ainsi que parfois le taux de bilirubine libre. La thrombopénie est constante, parfois inférieure à 20 000/mm3 . Il n’y a pas de signe de coagulation intra-vasculaire disséminée puisque le TP, le TCA et le fibrinogène sont normaux. L’urée et la créatinine s’élèvent rapidement. Il existe souvent alors une protéinurie sans hématurie, ni leucocyturie pathologique. L’enquête bactériologique est nécessaire, avec recherche de ECEH dans les selles et recherche de shigatoxine (PCR dans les selles). Des dosages plus spécialisés d’ADAMTS-13, et des fractions du complément (C3, facteur B, facteur H, facteur I, CD46) sont aussi nécessaires.

QUELLE PRISE EN CHARGE POUR LE SHU DE L’ADULTE ?

-› Le traitement symptomatique comprend :

- Le traitement de l’HTA, par voie veineuse si besoin, avec un objectif tensionnel à 130/80 mmHg ;

- L’épuration extrarénale, par hémodialyse en urgence en fonction de la surcharge (OAP), l’hyperkaliémie et l’acidose métabolique liées à l’insuffisance rénale aiguë. Ensuite, la dialyse est faite en fonction de la persistance de l’insuffisance rénale, et des troubles ioniques

-› Le traitement étiologique comprend :

- Il n’y a pas d’indication à prescrire des antibiotiques, ni des antidiarrhéiques en cas de SHU post-infectieux (risque d’aggravation de symptômes)

- Apport de plasma frais, par perfusion ou plutôt par échanges plasmatiques, dans les SHU atypiques avec hyperactivation de la voie alterne

- Les corticoïdes sont indiqués dans les formes auto-immunes (anticorps anti-facteur H)

- Il n’y a pas d’indication à prescrire des anti-agrégants plaquettaires, ni des anticoagulants

- Le progrès récent majeur est l’emploi de l’éculizumab, anticorps monoclonal anti-C5, qui bloque l’activation de la voie finale du complément et la formation du complexe lytique C5b-9. Cet anticorps a un effet bénéfique « miraculeux » quasi immédiat dans les SHU atypiques liés à une activation anormale de la voie alterne. Son effet dans le SHU post-infectieux semble réel, suggérant que la shigatoxine pourrait aussi induire les microthromboses et l’hémolyse via une activation de la voie alterne du complément.

Pr Eric Rondeau (service des Urgences néphrologiques et Transplantation rénale,

Source : lequotidiendumedecin.fr