Urologie

LE TEMPS DES CYSTITES

Publié le 26/06/2015
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Les cystites sont plus fréquentes à la saison chaude. Les messages de prévention sont utiles, simples et efficaces.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Mlle C., 23 ans, vous consulte la veille de son départ en vacances en Espagne. Sans antécédent, elle vous rappelle qu’elle a présenté une cystite lors de ses deux précédents séjours estivaux, et combien il lui avait été difficile de trouver un médecin sur place. Elle dit utiliser toujours des préservatifs lors de ses rapports sexuels, vous demande ce qu’elle peut faire pour éviter une récidive et s’il est possible de lui prescrire « au cas où » des antibiotiques « pour éviter que ça ne monte aux reins comme [sa] mère?».

 

FRÉQUENTES, PARFOIS RÉCIDIVANTES

› Une femme sur deux aura au moins une cystite dans sa vie, avec deux pics de fréquence : lors des premiers rapports sexuels et à la ménopause. Si la plupart sont des cystites simples, elles sont récidivantes (≥ 4/an) dans 1 cas sur 10.

› Les bactéries en cause sont le plus souvent digestives, gagnant la vessie par étapes, via le périnée (1, 2). Les rapports sexuels (RS) facilitent cette migration, en ouvrant le méat urétral?: 80% des cystites de la femme jeune surviennent dans les 24 heures suivant un RS (3). La cystite aiguë n’est pas une IST puisque la femme s’infecte avec ses propres bactéries ; cependant, Mlle C. ne doit pas abandonner les préservatifs pour autant…

› Comme l’a noté la patiente, les cystites sont plus fréquentes en été quand les pertes sudorales réduisent la diurèse : l’espacement des mictions laisse stagner un résidu urinaire favorable au développement bactérien.
 

IDÉES REÇUES ET VRAIS CONSEILS

› Même si elles peuvent apparaître évidentes, sinon rébarbatives, les règles hygiéno-diététiques doivent être rappelées. Une étude francilienne (4) a montré que quatre femmes sur dix ayant déjà eu des cystites déclaraient ne pas en connaître les facteurs favorisants et que deux sur dix citaient des causes erronées : règles, tampons hygiéniques, WC sales…

› Le conseil le plus important que doit recevoir la patiente est d’augmenter ses apports hydriques lorsque la température s’élève, afin de maintenir l’effet de lavage (effet de chasse) qui garde les urines stériles (5, 6).

– Un autre conseil validé est de ne pas se « retenir »: six malades sur dix retiennent leurs urines alors que le besoin se faisait sentir, pour des durées allant d’une heure à plus de 6 heures (7).

– La miction après les RS peut réduire de moitié le risque de cystite post-coïtale (8).

– Enfin, s’essuyer d’avant en arrière, longtemps admis comme une mesure de bon sens (!), a un effet préventif démontré (9, 10).

– L’hygiène vulvopérinéale doit être quotidienne et un lavage simple est suffisant (11). Les antiseptiques sont proscrits.

D’autres conseils ne reposent pas sur des bases scientifiques établies. Beaucoup de femmes rapportent un épisode de constipation concomitant ou précédent leur cystite. Le lactulose, laxatif, diminue le risque de cystite via une modification de la flore locale (12), fournissant éventuellement un argument indirect à cette hypothèse.

– Pour le Pr Jean-Paul Boiteux (13), membre du Comité d’Infectiologie de l’Association Française d’Urologie (CIAFU), les vêtements moulants et/ou synthétiques sont source de « discussions sans preuve?». De même pour la fréquentation des piscines, jacuzzis, saunas, etc.

› La canneberge est controversée. Il existe une recommandation européenne de grade C (faible niveau de preuve) en prévention des cystites récidivantes à E. coli à la dose de 36 mg/j de PAC-A. La durée n’est pas établie : pas plus de 30 jours consécutifs pour certaines spécialités (17) ou cure de 3 mois à plus d’un an pour d’autres (18).

› L’éviction de certains aliments acides (tomates, asperges) (14) ou l’acidification des urines en limitant les produits laitiers et la plupart des fruits et légumes (15) n’ont pas d’efficacité formellement démontrée et risquent surtout d’induire des déséquilibres alimentaires.
 

PAS DE RISQUE D’INFECTION GRAVE ?

En l’absence d’antibiotique, l’évolution à court terme d’une cystite est spontanément favorable dans 25 à 45 % des cas [16].

› La survenue d’une pyélonéphrite (PNA) dans les suites d’une cystite non traitée est très rare – hors cas particuliers : malformations, reflux vésico-rénal – car les facteurs de virulence des souches responsables de cystites sont différents de celles responsables de PNA. «?Même si on prend trop tardivement son traitement et même si la cystite dure longtemps, elle n'évolue jamais vers une forme grave », rassure le Pr Franck Bruyère, du CIAFU.

› L'objectif principal du traitement de la cystite aiguë simple est de soulager les symptômes (16) plutôt que de prévenir la PNA (14). Un traitement prescrit et auto-administré ne concerne que les cystites récidivantes, ce qui n’est pas le cas de Mlle C. Dans ces cas, il peut être proposé « au cas par cas, après sélection et éducation des patientes, sous réserve d’une réévaluation périodique de la procédure au moins deux fois par an » (16). 

Concernant Mlle C., la délivrance d’un antibiotique, même déjà prescrit, ne peut se faire sans une expertise clinique soigneuse.


Dr Julie Van Den Broucke (médecin généraliste) sur synthèse bibliographique

Source : Le Généraliste: 2727