La peau humaine est colonisée par une flore bactérienne qui occupe à l’état commensal la surface cutanée, épiderme et annexes pilaires. L’estimation de cette flore varie de 105 à 108 notamment sur les mains, la région la plus riche étant la zone unguéale. C’est dans cette flore résidente que se recrutent les bactéries pathogènes impliquées dans les infections cutanées, deux espèces dominent : Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes, les autres sont plus rares (autres streptocoques, anaérobies, entérobactéries). Si la peau résiste habituellement à l’invasion bactérienne, toute lésion ou infraction cutanée peut être une voie de pénétration des germes (1).
Une faible partie de la population est porteuse de façon prolongée de staphylocoque doré sur des « gîtes » cutanés ou muqueux (notamment fosses nasales, région périnéale), ce portage chronique représente un facteur de risque d’infections cutanées récidivantes symptomatiques (le portage nasal de S. aureus est estimé à 35 % dans une population normale).
Si les espèces bactériennes en cause sont limitées, les infections cutanées sont variées : pyodermites superficielles (impétigo, folliculites, abcès, furoncles, perionyxis et panaris, intertrigo…), dermohypodermites bactériennes (érysipèle et la rare fasciite nécrosante), infections secondaires (morsures, griffures, plaies).
LES PYODERMITES SUPERFICIELLES
L’impétigo
C’est l’infection cutanée bactérienne la plus fréquente chez l’enfant et elle n’est pas rare chez l’adulte dans les milieux défavorisés. Due à S. aureus ou S. pyogènes ou l’association des deux, elle se manifeste par une bulle initiale qui disparaît pour laisser la place à une érosion suintante puis crouteuse à extension centrifuge (5).
-› Le traitement de l’impétigo doit privilégier l’antibiothérapie locale, au moins aussi efficace, voire supérieure, à l’antibiothérapie orale avec moins d’effets indésirables. De plus ce choix d’un traitement par topique antibiotique permet de limiter l’émergence des résistances aux antibiotiques oraux et de ne pas alourdir le coût d’une pathologie bénigne (3).
Une exception est faite pour les formes sévères, qui relèvent d’une antibiothérapie par voie générale à visée anti-staphylococcique et anti-streptococcique. Elles sont exceptionnelles : impétigo bulleux chez le nouveau né, ecthyma (forme nécrotique creusante chez les sujets fragiles), surface cutanée atteinte plus de 2% de la surface corporelle totale, plus d'une dizaine de lésions actives, extension rapide.
-› Pour la désinfection locale, quelle que soit l'étendue de l'infection cutanée bactérienne, des soins de toilette quotidiens à l'eau et au savon ordinaire sont recommandés ou l’application d’un antiseptique type chlorexidine aqueuse.
Folliculite superficielle, furoncle, furonculose, anthrax
Les folliculites sont définies comme des infections du follicule pilo-sébacé dont S. aureus est le responsable majeur.
=› Les folliculites superficielles sont dues à l’infection de la partie superficielle du follicule pilo sébacé. Elles se manifestent par une pustule douloureuse centrée sur un poil. En périphérie il existe un érythème le plus souvent maculeux. Les lésions siègent dans les régions pileuses : cuisses, périnée, bras dos, paupière (orgelet). Le sycosis de la barbe, dont l’extension est favorisée par le rasage, est dû à la répétition incessante et chronique de folliculite au niveau de la zone de rasage.
=› Les folliculites profondes résultent de l’atteinte du follicule pilo-sébacé dans sa totalité. Elles se manifestent par un nodule inflammatoire centré sur une pustule.
=› Le furoncle, folliculite profonde et nécrosante, débute comme une folliculite profonde et évolue en 5 à 10 jours vers la nécrose et l’élimination du follicule pileux.
=› L’anthrax est un agglomérat de furoncles, réalisant un placard inflammatoire hyperalgique parsemé de pustules.
=› La furonculose correspond à la répétition d’épisodes de furoncles pendant plusieurs semaines ou mois. Il faut chercher un facteur favorisant (obésité, frottement par des vêtements trop serrés, manque d’hygiène…) et surtout un foyer staphylococcique chronique, narine le plus souvent, mais aussi périnée, anus, creux axillaire…
=› Le furoncle peut évoluer vers des complications locales et locorégionales (abcès cutané, lymphangite) voire systémiques (bactériémie). Il faut se méfier très particulièrement des furoncles localisés dans la zone centrofaciale à risque d’évolution vers une staphylococcie maligne de la face.
-› Le traitement des folliculites.
- La folliculite superficielle relève de simples soins d’hygiène.
- Le furoncle est traité par des mesures générales d’hygiène (renforcer le lavage des mains, éviter les manipulations, toilette pluri-quotidienne), application d’antiseptique (chlorexidine hexamidine ou polyvidone iodée pendant 7 à 10 jours). Des pansements imbibés d’alcool à 70° accélèrent la maturation du furoncle.
L’antibiothérapie par voie générale est notamment indiquée en cas de terrain fragile, diabète, immunodéprimés, de formes sévères ou exposant à une complication (furoncle de la face, anthrax).
- En cas de furonculose récidivante, une décontamination des principaux gîtes staphylococciques doit être associée, toilette antiseptique et application de pommade antibiotique.
En cas de sycosis de la barbe, il faut arrêter le rasage et couper les poils aux ciseaux, une antibiothérapie per os est souvent nécessaire.
L’abcès
Presque constamment du à S.aureus, il se présente sous forme d’un placard érythémateux très inflammatoire et douloureux, de taille variable. Le traitement est avant tout chirurgical plus ou moins associé à une antibiothérapie adaptée, l’analyse bactériologique est indispensable.
Onyxis, perionyxis et panaris
Ils caractérisent les infections de l’ongle, du bourrelet unguéal et de la pulpe d’un doigt et sont dus à S. aureus dans la majorité des cas. Le traitement repose sur des bains antiseptiques pluriquotidiens (Dakin, chlorexidine, dérivés iodés, hexamidine …). Au stade de collection, s’impose un geste chirurgical, une antibiothérapie antistaphyloccocique est nécessaire en cas de signes généraux, atteinte inflammatoire, terrain notamment.
La lymphangite
Due à S. aureus ou S. pyogènes, elle se caractérise par une trainée linéaire inflammatoire partant de l’origine de l’infection et se dirigeant vers le relai ganglionnaire loco-régional. Le traitement repose sur l’antibiothérapie per os et le traitement de la porte d’entrée.
La thrombophlébite septique
Elle résulte du caractère thrombogène du S. aureus. Identifiée par un cordon inflammatoire induré, elle relève d’une antibiothérapie antistaphyloccocique par voie générale et d'une hospitalisation en urgence.
L’intertrigo bactérien
-› L’érythrasma est un intertrigo touchant les grands plis (ano-génitaux-cruraux, axillaires, sous mammaires) dû à Corynebactérium, les lésions sont rouge-orangé, sans renforcement vésiculeux périphérique ; Il représente 5 % des intertrigos et se traite par un imidazolé ou l’érythromycine par voie locale, et s’il est étendu par un macrolide per os.
-› L’intertrigo à Pseudomonas aeruginosa, a une localisation inter-orteil. Il est unilatéral, macéré, malodorant, suintant. Il se traite en laissant les pieds à l’air libre, par des antiseptiques actifs sur les G négatif (polyvidone iodée).
L’antibiothérapie dans les pyodermites superficielles
-› Les antibiotiques topiques
Ils sont indiqués dans les impétigos localisés et dans le traitement d’un gite microbien responsable de furonculose récidivante. Ils sont essentiellement représentés par la mupidine et l’acide fusidique (10 % de résistance vis-à-vis des staphylocoques). La durée du traitement est comprise entre 5 à 10 jours, le nombre d’applications quotidiennes entre 3 idéalement sinon 2.
La mupirocine (Mupiderm) et l’acide fusidique (Fucidine) ont, sans doute, une efficacité similaire, les autres antibiotiques locaux ne devraient plus être employés (5).
En cas de portage nasal, la mupirocine (Bactroban) 2 -3 applications/j pendant 5 jours ou l’acide fusidique sont utilisés.
-› Les antibiotiques per os
Quand l’antibiothérapie générale est nécessaire, le choix doit tenir compte des résistances : la résistance des streptocoques A concerne essentiellement les macrolides ce qui semble directement lié à leur consommation importante notamment chez l’enfant. La plupart des souches de S. aureus sont résistantes à la pénicilline mais l’acide clavulanique renforce l’action de l’amoxicilline.
En pratique, sont recommandés la cloxaciline, l’association amoxicilline- acide clavulanique, la pristinamycine, Les macrolides ne doivent pas être utilisés en première intention, du fait de l’émergence de résistances, l’érythromycine sera évité du fait de sa mauvaise tolérance et des ses interactions médicamenteuses, l’azithromycine a une meilleure efficacité. À noter que l’oxacilline a été retirée du marché sous sa forme orale par l’Afssaps en 2011, la cloxacilline per os gardant son indication dans les infections cutanées peu sévères.
Si les souches de S.aureus résistantes à la pénicilline, les SARM communautaires, posent un réel problème en milieu hospitalier, en France, elles restent encore exceptionnelles en ville (4).
LES DERMO HYPODERMITES BACTÉRIENNES
L’érysipèle
-› L’érysipèle est une maladie infectieuse cutanée aiguë touchant le derme et l’hypoderme essentiellement due au Streptocoque béta-hémolytique du groupe A. Le début est souvent brutal associant fièvre, frissons et un placard érythémateux, chaud et douloureux, le plus souvent localisé aux membres inferieurs. Une porte d’entrée doit être recherchée (intertrigo, plaie, ulcère de jambe), elle est retrouvée dans 50 à 70 % des cas. Une hospitalisation est envisagée si : les signes généraux sont marqués, en cas de comorbidité, de contexte social difficile, d’absence d’amélioration nette à 72 heures de traitement.
-› Le traitement repose sur une antibiothérapie antistreptococcique : amoxicilline à la posologie de 4,5 g/jour ou en cas d’allergie, pristinamycine 3g/j (à donner au milieu du repas pour améliorer sa tolérance digestive). L’apyrexie doit être obtenue en 3 jours, elle précède l’amélioration des signes locaux. Ce traitement d’attaque est poursuivi 6 jours puis relayé par une diminution de posologie (amoxicilline 2g/j, pristinamycine 2g/j) pour une durée totale de 10-15 jours de traitement. Il est préférable de ne pas utiliser de macrolides en première intention du fait de la résistance croissante su streptocoque. Les AINS doivent être évités (1, 8).
La prévention de la thrombose veineuse n’est justifiée que pour les sujets à risque. Un érysipèle récidivant (plus de 2 épisodes dans le même territoire) nécessite un avis spécialisé.
Dermohypodermite nécrosante et fasciite nécrosante
Il s’agit d’infections rares mais à identifier du fait de leur gravité extrême, mortelles dans près de 30 % des cas et responsables de séquelles importantes. Le streptocoque A est l’agent causal le plus fréquent souvent associé à d’autres bactéries. Le début ressemble le plus souvent à un érysipèle mais très rapidement apparaissent des signes de sepsis grave et localement une nécrose cutanée, signe capital. La douleur est intense. C’est une urgence médicochirurgicale imposant un transfert hospitalier immédiat
LES INFECTIONS CUTANÉES SECONDAIRES : PLAIES, MORSURES, GRIFFURE
La surinfection des plaies
Toute plaie ou dermatose aiguë ou chronique (plaie traumatique, brûlure, ulcère de jambe, eczéma..) peut se surinfecter. Les principales bactéries en cause sont S. aureus et streptocoque A. Les autres germes (entérobactéries, anaérobies) sont rarement en cause. Il faut toujours rappeler que le premier soin en cas de plaie est le lavage à l’eau et au savon. La surinfection se manifeste par un caractère inflammatoire de la lésion (douleur, érythème), la présence de pus. La différence avec une simple colonisation de la plaie n’est pas toujours évidente. Le traitement antibiotique n’est indiqué que dans les plaies fortement contaminées et repose sur l’amoxicilline-acide clavulanique sinon sur la pristinamycine pour une durée de 3 à 5 jours.
Les morsures et griffures
Toute morsure ou griffure impose un lavage à l’eau et au savon précoce, abondant et prolongé, suivi de l’application d’antiseptique. Les morsures ou griffures par un animal domestique exposent à une infection locorégionale, les bactéries en cause étant : Pasteurella, streptocoque, staphylocoque et bactéries anaérobies. Le risque infectieux varie en fonction du terrain.
Les infections transmises par la salive de l’animal, se manifestent 24 heures après pour un chien et 12 heures après pour un chat. En l’absence de signes d’infection 48 h après l’événement, une antibiothérapie préventive n’a en conséquence aucun intérêt.
L’antibiothérapie préventive est à réserver aux morsures à haut risque d’infection ou de complication lésionnelle (plaies profondes délabrées, lésion articulaire, plaie punctiforme profonde, de la main du pied, morsure de la face…) ou en cas de terrain à risque (diabète, splénectomie, cirrhose…) ou si la plaie a été nettoyée plus de 3 heures après l’épisode.
Le choix se porte sur l’amoxicilline- acide clavulanique de préférence (5 jours) ou la cloxacilline. La durée de l’antibiothérapie préventive n’est pas consensuelle, elle varie de 2 à 7 jours dans les essais (7).
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC