Gériatrie

LES CHUTES RÉPÉTÉES DES PERSONNES ÂGÉES

Publié le 04/09/2009
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Problème fréquent en médecine générale aux conséquences potentiellement lourdes, les chutes des personnes âgées doivent bénéficier d'une prise en charge rigoureuse et standardisée.

La HAS s'est récemment exprimée sur ce thème.

Crédit photo : ©BSIP/PHOTOTAKE/BODELL

Avec une prévalence variant entre 10 et 25 % selon les études (1), les chutes répétées des personnes de 65 ans et plus sont associées à une forte morbi-mortalité et accélèrent le processus de perte d'indépendance. Le taux d'institutionnalisation qui en découle peut atteindre 40 %.

Ainsi en France, tous âges confondus, les chutes ont représenté en 2004 la première cause de décès par accident de la vie courante, soit 62 % des causes connues (2). Plus des 3/4 des décès par chute sont survenus chez des personnes âgées de 75 ans et plus.

Les recommandations de la Société française de gériatrie et de gérontologie et de la HAS (1) font le point sur la prise en charge des personnes âgées (› 65 ans) présentant des chutes répétées, c'est-à-dire au moins 2 chutes sur une période de 12 mois. Trois étapes de prise en charge sont proposées.

ETAPE 1 : RECHERCHE DES SIGNES DE GRAVITE

Il s'agit d'identifier les signes de gravité mettant en jeu le pronostic vital et/ou fonctionnel, liés aux conséquences de la chute et/ou aux pathologies responsables de la chute, et ou au caractère répétitif des chutes.

Des manifestations variées

- En rapport avec les conséquences de la chute, outre les traumatismes physiques modérés ou sévères, il faut citer l'impossibilité de se relever du sol avec séjour au sol supérieur à une heure, avec risque de rhabdomyolyse, d'hypothermie, d'escarres, de pneumopathie d'inhalation et de déshydratation.
Autre conséquence possible de la chute : le syndrome post-chute ou de désadaptation psychomotrice, à l'origine d'une incapacité motrice, psychologique et/ou cognitive totale ou partielle, caractérisée par une hypertonie oppositionnelle ou extrapyramidale, une rétropulsion et une phobie de la station debout.

- A rechercher également, les signes de maladie aiguë potentiellement responsable de la chute : trouble du rythme ou de conduction, accident vasculaire cérébral, insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, maladie infectieuse, hypoglycémie chez le diabétique.

- Le repérage des sujets présentant un risque élevé de récidive de chute est indispensable : augmentation récente de la fréquence des chutes, association de 3 facteurs de risque de chute ou plus (voir infra), trouble de l’équilibre et/ou de la marche évalué par une station unipodale ≤ 5 secondes et un score au timed up & go test ≥ 20 secondes.

- Enfin, il est recommandé d'évaluer la gravité potentielle d’une nouvelle chute en identifiant les trois principales situations à risque : ostéoporose avérée définie par un T-score < -2,5 DS à l’ostéodensitométrie et/ou antécédent de fracture ostéoporotique, prise de médicaments anticoagulants, isolement social et familial et/ou fait de vivre seul.

Un examen clinique standardisé

- La recherche des signes de gravité repose d'abord sur un interrogatoire du patient et de l'entourage (lire encadré : Interrogatoire d’un chuteur) reprenant les éléments ci-dessus.

- L'examen clinique recherche des douleurs ou des lésions traumatiques. Il apprécie l'état cardiopulmonaire et neurologique (recherche d'un déficit neurologique sensitivomoteur, d'un syndrome extrapyramidal et d'une ataxie par le test de Romberg). Il étudie la capacité à maintenir une posture stable en position debout, en condition statique et dynamique, en évaluant la rétropulsion, l’appréhension à la station debout et la présence d'une rigidité oppositionnelle ou extrapyramidale axiale et/ou généralisée. On réalise également deux tests fonctionnels standardisés et chronométrés évaluant la marche et l'équilibre : station unipodale (anomalie si la personne ne peut pas se maintenir sur une jambe au-delà de 5 secondes) et timed up & go test (mesure du temps mis pour se lever d’une chaise avec accoudoirs, marcher 3 mètres, faire demi-tour et revenir s’asseoir ; anomalie si le score est ≥ 20 secondes).

Sans oublier la mesure de la température.

Les examens complémentaires de 1ère intention

Le bilan comporte :

- radiographies en cas de douleur ou d'impotence fonctionnelle,
- CPK et créatinine sérique si la personne a séjourné au sol plus d'une heure,
- ECG 12 dérivations si malaise ou perte de connaissance,
- glycémie chez le sujet diabétique.

Pas d'imagerie cérébrale en dehors d’une indication reposant sur les données cliniques.

Après la chute

Il est recommandé de réévaluer la personne dans un délai d’une semaine afin d'identifier des signes de gravité apparus à distance, et d'apprécier le risque de récidive de chute : peur de chuter, restriction des activités de la vie quotidienne, syndrome post-chute.

ETAPE 2 : RECHERCHE DES FACTEURS DE RISQUE DE CHUTES

- Après avoir recherché les signes de gravité, il est recommandé d'identifier les facteurs de risque de chute, pouvant être différenciés en facteurs prédisposants et facteurs précipitants. Les premiers correspondent au cumul de facteurs intrinsèques et dépendant de l'état de santé du sujet. Les seconds interviennent ponctuellement dans le mécanisme de la chute.

Pour cette 2ème étape, le bilan paraclinique recommandé comprend :

- ionogramme sanguin à la recherche d’une hyponatrémie ;
- dosage sérique de la vitamine D (25OHD) ;
- hémogramme en cas de signes d’appel d’anémie ;
- ECG en cas de signes d’appel cardiaques ;
- dosage de l'HbA1c chez le diabétique.

Il n’est pas utile de réaliser systématiquement les examens suivants : EEG, imagerie cérébrale, écho-Doppler des artères cérébrales, Holter-ECG des 24 heures, échographie cardiaque.

ETAPE 3 : INTERVENTIONS DE PREVENTION DES RECIDIVES DES CHUTES ET DE LEURS COMPLICATIONS

Il est recommandé de proposer à toute personne faisant des chutes répétées, quel que soit son lieu de vie, une intervention associant plusieurs axes de prise en charge :

- révision de la prescription des médicaments,
- correction ou traitement des facteurs prédisposants ou précipitants modifiables,
- port des chaussures à talons larges et bas (2 à 3 cm), à semelles fines et fermes avec une tige remontant haut ;
- pratique régulière de la marche et/ou toute autre activité physique ;
- apport calcique alimentaire compris entre 1 et 1,5 g par jour ;
- utilisation d’une aide technique à la marche adaptée au trouble locomoteur identifié ;
- correction d’une éventuelle carence en vitamine D par un apport journalier d'au moins 800 UI.
- traitement antiostéoporotique en cas d’ostéoporose avérée.

Les protecteurs de hanche n'ont pas démontré leur intérêt pour la prévention des fractures de l’extrémité supérieure du fémur.

- Lors d'un trouble de la marche et/ou de l'équilibre, il est recommandé de prescrire des séances de kinésithérapie incluant un travail de l'équilibre postural statique et dynamique et un renforcement de la force et de la puissance musculaire des membres inférieurs, avec des exercices d'intensité faible à modérée.

Ces exercices doivent être poursuivies en autorééducation, entre et après les séances.


Dr Pascale Naudin-Rousselle (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr) selon les recommandations de l’HAS

Source : lequotidiendumedecin.fr