Les perturbateurs endocriniens sont des molécules synthétisées par l’industrie chimique, susceptibles d'avoir des effets toxiques. Il en existe environ 100 000 - et 300 nouveaux tous les ans-. Certains pensent qu'ils sont devenus le grand ennemi des espèces vivantes et tout particulièrement de l’espèce humaine. Tributyléthane, PCB (ou polychlorobiphenyles dont la durée de vie peut dépasser 100 ans), phtalates qui peuvent avoir un effet nocif à des taux où elles ne sont pas dosables dans le plasma. Leurs effets peuvent s'additionner, mais il n'est pas exclu qu'elles se neutralisent. Leur étude à la fois moderne et scientifique est donc grevée d'un grand nombre d'incertitudes. Des décisions sont donc à prendre sans tarder mais non dans une néfaste urgence sous peine d'aller à de nouvelles catastrophes.
LES ORGANES CIBLES
-› Les cancers hormonaux dépendants. Les polluants chimiques sont accusés d'être à l’origine de l’accroissement notable des cancers hormonaux dépendants (sein, prostate et testicule) depuis des décennies. Le développement de ces cancers est loin d’être la seule conséquence de la présence de ces substances dans notre environnement.
-› Les fonctions intestinales. Les excès de toxiques reçus par une femme enceinte parvenant à l'intestin fœtal réduisent la multiplication des cellules digestives et l’intestin adulte sera plus bref et moins fonctionnel. Les cellules intestinales à vocation immunitaire moins nombreuses que normalement, diminueront les défenses du sujet et de son tube digestif.
-› Obésité et diabète. L’obésité et le diabète sont attribués aux excès alimentaires et à la sédentarité. Ces deux affections conduisent aux maladies cardiovasculaires et à leurs complications parfois létales. Or les perturbateurs endocriniens fixés sur les cellules adipeuses dont l'activité endocrinienne est majeure, joueraient un rôle non négligeable dans l'augmentation continue de leur prévalence.
-› La baisse de la fertilité. Est un des effets néfastes potentiel de ces perturbateurs et peut-être une des raisons pour lesquelles on les a dits endocriniens. Selon certaines publications le nombre de couples infertiles a été multiplié par 2 depuis quelques années. Des spécialistes d'une compétence reconnue, tels que le Pr Georges David (spécialité, lieu d’exercice) pensent qu'un déclin modeste de la spermatogenèse est vraisemblable. D'autres tels Mc Leod (lieu d’exercice), pape de la spermatologie, avaient dénoncé il y a plus de 30 an des calculs erronés sur des populations différentes. L'article princeps de l'équipe de Skakkebaek (1992) fourmillait d'erreurs méthodologiques (Jegou) quoiqu’en certains endroits du globe un déclin semble démontré. En France les constatations des CECOS sont variées.
Parmi les perturbateurs, le distilbène occupe une place à part. Les garçons soumis in utero à son action, sont plus souvent porteurs d'anomalies de l'épididyme et d'ectopie testiculaire que les témoins. Si une baisse de la concentration spermatique a été montrée par certains travaux, en revanche aucune perturbation de l'orientation ou de l'activité sexuelle au cours de la vie ni de la proportion d'hommes infertiles n'a été mise en évidence.
Les polluants sont très probablement, selon certaines publications, à l’origine de la multiplication par 4 du nombre d’enfants hypospades au Danemark, pays agricole utilisant de grandes quantités de pesticides. Parallèlement, les cancers du testicule sont devenus plus nombreux, ce qui n’est pas le cas en Finlande non agricole …mais à forte industrialisation. En France également la proportion d'hypospades semble s'être accrue selon une étude minutieusement menée par l'équipe du Pr P Fenichel (spécialité et lieu d’exercice).
-› Les effets neuro-psychiques. Il n’est pas exclu (quoique pas davantage) que les comportements des sujets ayant été exposés au DES puissent souffrir d'une tendance à la dépression ou d'autres troubles de nature psychique. Et il n’y a aucune raison de penser que certaines autres substances toxiques ne puissent avoir elles aussi de tels effets .
-› La troisième génération. Selon certains travaux les effets néfastes de ces polluants pourraient se transmettre à la troisième génération. On peut leur répondre que pratiquement tout ce qui affecte un être vivant affectera nécessairement d'une façon ou d'une autre sa descendance ou bien que c'est en effet une menace de plus que les perturbateurs endocriniens font peser sur les humains.
LA SITUATION EST-ELLE TRÈS GRAVE?
Des substances toxiques ont servi à la désinfection des biberons. L’adulte, le prématuré très fragile qui ont été perfusés ou transfusés ont reçu des phtalates par les tuyaux et les sachets Les oméga 3 du poisson gras sont également riches de disruptors, la poêle dans laquelle ils sont cuisinés peut en être recouverte ainsi que les fruits et légumes. Les eaux qui sortent de l’épurateur le plus moderne et les gobelets dans lesquels ils la boivent contiennent aussi des toxiques. Et comble de l'inconscience des générations précédentes, les boues sortant des épurateurs sont répandues sur les champs agricoles !
Les eaux superficielles et profondes sont infiltrées d'hormones surtout de l’ethinyl estradiol des pilules et des patchs contraceptifs.
Les centres de soin sont de terribles pollueurs par les médicaments et antimitotiques urinés ou jetés. Les produits toxiques, portés par les eaux et les vents, risquent d’être envoyés dans les pays voisins ou lointains, voire au pole nord.
Un orateur de Belgique a mis l’accent sur un fait très important : la fenêtre d’activité de ces perturbateurs. Ils sont surtout nocifs à la période fœtale et durant la petite enfance. Le mal est fait dès l’arrivée à l’adolescence. Ensuite les polluants n’auront vraisemblablement d’effets qu"absorbés en quantités excessives.
EN PRATIQUE
Peut-on réagir et que peut-on faire contre l’invasion de perturbateurs endocriniens et autres pesticides ? Cela dépend évidemment de la cible.
- Un ouvrier agricole ne devra négliger aucune précaution d’emploi des pesticides.
- Les utilisateurs de micro-ondes devront retirer les films plastiques qui entourent les aliments surgelés car lorsque les aliments sont réchauffés, ceux-ci dégorgent des bisphénols, insiste le Pr Patrick Fenichel. Les aliments doivent donc être réchauffés dans des plats en verre. Les barquettes de carton non doublées par un film de plastique peuvent être utilisées.
- La troisième cible est la femme enceinte ou souhaitant le devenir. Ne pas faire repeindre la chambre du bébé au cours des premiers mois de grossesse, les émanations pouvant retentir sur la croissance fœtale, précise le professeur Charles Sultan. On doit se méfier des petits pots susceptibles de contenir des phtalates. Les langes en plastique sont susceptibles de contenir des produits toxiques.
- Les fruits cultivés hors saison en serre, sont à éviter car surtraités par des produits chimiques. Certaines études récentes ont montré leur dangerosité, par exemple pour les cerises.
Ces précautions sont à prendre au sérieux par les femmes enceintes du début de leur grossesse à la fin de l’allaitement. Elles commencent semble-t-il à faire leur effet puisqu'en Belgique depuis 1980 le taux de dioxine dans le corps des sujets testés a diminué de 8 % par an. Avec (paradoxe ?) une amélioration plus manifeste chez les enfants nourris au sein !
-› Ainsi le danger est réel mais très difficile à cerner car les paradigmes en cours pour juger de la toxicité d’une substance sont obsolètes et ne s’appliquent pas à la toxicité chronique. De plus, on ne dispose d’aucun moyen de juger des risques de l’association de ces substances et qu’on est encore incapable de mesurer l’ensemble d’entre eux.
Il paraît donc nécessaire de réagir vite. Mais si, comme cela a été le cas de bout en bout dans le colloque en question, l'on ne prend pas en compte les effets bénéfiques apportés à l’humanité par les substances citées, on n'a aucune chance de progresser. Par exemple le surlendemain de cette réunion, il avait été dit sur France Culture que grâce à ces "progrès" de la chimie, l’agriculture avait permis de nourrir un nombre infiniment plus grand d’humains que par le passé.
Des décisions sont donc à prendre sans tarder mais non dans une néfaste urgence sous peine d'aller à de nouvelles catastrophes.
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