Recherche en médecine générale

L’incontinence, en manque d’information et de formation

Publié le 23/01/2015
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Crédit photo : PHANIE

Deux thèses lilloises de médecine générale, passées de concert le même 2 juillet dernier, l’une par Elisa Sampaio (http://www.sudoc.fr/181483157) et l’autre par Marine Domenger (http://www.sudoc.fr/181481375), ont exploré le sujet tabou de l’incontinence urinaire (IU) des femmes en médecine générale. La première a examiné le point de vue des patientes, l’autre des médecins. Les deux thèses ont choisi la méthode qualitative des entretiens individuels semi-structurés.

› Le premier travail, réalisé entre novembre 2013 et avril 2014, s’est adressé à 20 patientes âgées de 28 ans à 81 ans, incontinentes, ménopausées ou non, ayant consulté ou non, toutes habitantes du département du Nord (région lilloise, Flandres, Pevèle). L’âge moyen d’apparition des symptômes était de 45,5 ans (de 26 à 80 ans). L’étude a révélé que les femmes étaient capables de repérer leur trouble urinaire et de le rattacher à des facteurs favorisants (vieillissement, accouchements, surpoids, faiblesse musculaire, toux chronique). Par manque d’information, elles n’avaient pas connaissance des thérapeutiques ou estimaient que leur état était quelque chose de normal. Le retentissement émotionnel et social était majeur, et l`image d’elles-mêmes dégradée (infantilisation, perte de féminité) avec la peur du regard des autres (taches, odeurs). Les conduites d’évitement étaient la règle, sources d’anxiétés quasi obsessionnelles (recherche des toilettes, arrêt des activités à risque, réduction des déplacements, etc.) avec à la clé, l’isolement et l’altération de la qualité de vie. Les patientes n’hésitaient pas à en parler avec leur médecin si elles ressentaient de l’empathie, qui manquait généralement. Les patientes signalaient que la rééducation périnéale nécessitait un investissement lourd. En revanche, les traitements chirurgicaux et médicamenteux semblaient les satisfaire même si les troubles persistaient a minima.

› Le point de vue des médecins généralistes analysé dans la seconde thèse a concerné 18 MG (7 femmes et 11 hommes) interrogés dans le département du Nord, en milieu urbain, semi-urbain et rural, entre mars et avril 2014. Selon eux, l'IU était un motif de consultation peu fréquent. Leurs connaissances théoriques étaient limitées et la formation initiale pauvre. S’ils se considéraient en première ligne, ils estimaient avoir principalement un rôle de dépistage et d'orientation. L'IU n'était pas recherchée de façon systématique en dehors de points d'appels évidents. Le sujet était majoritairement abordé par la patiente au cours d'une consultation à multiples motifs. L'interrogatoire servait à identifier le type d'IU, les facteurs favorisants et le retentissement. L'examen clinique n'était pas réalisé pour toutes les patientes. Dans les cas où le MG le faisait, il s'agissait d'un examen gynécologique basique non ciblé sur l'IU : le testing musculaire et les manœuvres de poussée étaient rarement réalisés. Les traitements étaient connus mais leurs indications restaient imprécises pour certains. Les MG estimaient à environ une vingtaine le nombre de femmes suivies pour cette affection dans leur patientèle. Or l’IU touche environ une femme sur deux en France. Le manque de temps était un argument récurrent.

Dr Linda Sitruk, FMC@legeneraliste.fr

Source : Le Généraliste: 2706