L'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) met à jour son évaluation des risques liés aux antiépileptiques pendant la grossesse, et propose une fiche d'information à utiliser lors de l'échange entre le prescripteur et la patiente.
Cette actualisation enfonce le clou en ce qui concerne le niveau de risque déjà connu du valproate, et confirme le risque de malformation majeure associé à la prise de prégabaline et le risque de troubles neurodéveloppementaux (TND) pour le topiramate. Le texte identifie des risques possibles pour la carbamazépine et appelle à investiguer le cas de l'oxcarbazépine. « Nous avons consolidé les données sur les risques à l'aide des différentes publications qui ont émergé depuis 2019 et le premier rapport », explique au Quotidien Philippe Vella, directeur médical en charge des antiépileptiques au sein de l'ANSM.
La molécule la plus dangereuse reste donc le valproate, associé à un risque malformatif très important (11 % de malformations, soit 4 à 5 fois plus de risque que celui observé lors d'une grossesse sans exposition), de même que le risque de troubles neurodéveloppementaux : 30 à 40 % des enfants exposés in utero sont victimes de cet effet iatrogénique. Le risque de TND associé à la prise de valproate par le père trois mois avant la conception, en cours d'évaluation au niveau européen, doit être expliqué aux futurs parents, rappelle l'ANSM.
Plus de restrictions dans les prescriptions
L'exposition au topiramate multiplie par 2 ou 3 le risque de trouble du neurodéveloppement, soit un risque de troubles du spectre autistique de 6 % et un risque de déficience intellectuelle de 8 %. Ce surrisque s'ajoute à celui de malformations majeures (multiplié par trois), déjà connu.
Concernant la carbamazépine, une augmentation possible du risque de troubles neurodéveloppementaux est également rapportée, qui s'ajoute au risque de malformation congénitale majeure déjà identifié (2 à 3 fois supérieur à celui de la population générale). Quant à la prégabaline, de nouvelles données confirment le risque de malformation majeure chez l’enfant lié à l’exposition pendant la grossesse : il est multiplié par près d’1,5 par rapport à la population qui n’a pas été exposée à ce médicament.
En réponse à ces nouvelles données, l'ANSM réserve désormais la prescription du topiramate aux neurologues et aux pédiatres. En outre, sa délivrance est conditionnée à la signature d’un accord de soins annuel par la patiente et son médecin. À partir de 2024, la signature d’une attestation d’information partagée par la patiente et le médecin prescripteur conditionnera également la dispensation de la carbamazépine.
L'agence du médicament annonce poursuivre sa surveillance vis-à-vis d'autres antiépileptiques comme l'oxcarbazépine, pour lesquels les données sont encore insuffisantes pour conclure à une augmentation du risque.
Interaction avec la pilule œstroprogestative
Afin de communiquer les résultats de son rapport au grand public, l'ANSM a publié une fiche d’information destinée aux patientes. « Ce feuillet doit être utilisé dans le cadre d'un dialogue avec le médecin, et servir de support pour le choix de l'antiépileptique, précise Philippe Vella. Les prescripteurs doivent prendre en compte le risque pour la grossesse dès l'instauration du traitement, car une fois l’antiépileptique introduit, il peut s'avérer très difficile d'en changer. Il faut débuter par le traitement qui présente le moins de risque en cas de projet de grossesse, et procéder régulièrement à des réévaluations, poursuit-il. Il est aussi important de s'assurer que les femmes prennent une contraception efficace et ne pas oublier que certains antiépileptiques peuvent diminuer l'efficacité de la pilule contraceptive. » C'est notamment le cas du topiramate, de la carbamazépine, du phénobarbital/primidone, des phénytoïnes ou de l'oxcarbazépine.
Depuis 2013 et les premières alertes sur le valproate, les habitudes de prescription ont changé en France. Le nombre de femmes en âge de procréer traitées chaque année par cet antiépileptique est passé de 76 000 à 27 520 en 2022. La prégabaline, qui avait pris le relais, a vu son nombre de prescription s'effondrer à partir de 2019 et des premières alertes de pharmacovigilance. Dans le même temps, la lamotrigine, au sujet de laquelle aucune donnée n'indique de risque lié à l'exposition in utero, est passée d'un peu plus de 20 000 femmes sous traitement à plus de 87 000. « Globalement, nous n'avons pas observé de baisse de la prescription des antiépileptiques en général, mais une diminution importante de la prescription de valproate », analyse Philippe Vella.
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