Comorbidités

OBÉSITÉ : LES EFFETS DES RÉGIMES AMAIGRISSANTS

Publié le 19/01/2018
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Deux études, l'une du BMJ, l'autre du Lancet, prouvent les bénéfices d'un amaigrissement chez les patients obèses. La première apporte la preuve d'une réduction du risque de mortalité prématurée. La seconde, plus exigeante sur la diététique, montre qu'une rémission est possible en cas de diabète.
Obesite

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Crédit photo : GUSTO PRODUCTIONS LTD/SPL/PHANIE

Effets des interventions amaigrissantes sur la mortalité, les maladies cardiovasculaires et les cancers des adultes obèses : revue systématique et méta-analyse

Ma C, Avenell A, Bolland M, et al. Effects of weight loss interventions for adults who are obese on mortality, cardiovascular disease, and cancer: systematic review and meta-analysis. BMJ 2017;359:j4849. http://dx.doi.org/10.1136/bmj.j4849

CONTEXTE

Les études épidémiologiques ont clairement démontré que les adultes obèses avaient un sur-risque de mortalité prématurée (1), de maladies cardiovasculaires, de certains cancers et de diabète de type 2 (DT2). Les preuves de l’efficacité des interventions diététiques visant à perdre du poids sur des critères de morbimortalité importants pour les patients sont très limitées. Une précédente méta-analyse (2) avait suggéré une réduction de 15 % de la mortalité, mais elle ne détaillait pas les causes de décès.

OBJECTIFS

Évaluer l’impact des interventions diététiques sur la mortalité totale, cardiovasculaire, d’origine cancéreuse, et sur le poids.

MÉTHODE

Revue systématique selon la méthode PRISMA et méta-analyse. Les essais sélectionnés devaient être randomisés versus témoin, avoir inclus des patients adultes ≥ 18 ans avec un IMC ≥ 30 kg/m2 (25 kg/m2 en Asie) et rapporté les évènements cliniques (critères de jugement) cités précédemment. L’intervention devait être exclusivement diététique, avec ou sans aide à l’activité physique, et s'allonger d'une durée minimum d’un an. L’analyse statistique a utilisé un modèle à effet aléatoire associé à une analyse de sensibilité à l’aide d’un modèle de régression logistique bayésien, pour réduire le biais des essais dans lesquels les événements considérés étaient très rares.

RÉSULTATS

Parmi les 1 174 articles publiés entre 1966 et 2016, 54 essais randomisés répondaient aux critères de sélection, totalisant 30 206 adultes. Tous les essais sauf un ont utilisé une diététique hypocalorique réduite en matières grasses, particulièrement les saturées, associée ou non à des conseils pour réduire la consommation d’hydrates de carbone et augmenter celle de fibres. La plupart des essais encourageaient à l’exercice physique à l’aide de conseils et/ou d’un programme structuré.

Dans la méta-analyse, les interventions diététiques réduisaient significativement (2,8 % vs 3,6 %) le risque relatif de mortalité prématurée, quelle qu’en soit la cause de 18 % : HR = 0,82 ; IC95 % = 0,71-0,95. Comme très peu d’essais rapportaient la mortalité cardiovasculaire et d’origine cancéreuse, le résultat sur ces deux critères était en faveur de la diététique vs témoins, mais sans différence significative : HR = 0,93 ; IC95 % = 0,67-1,31 pour la mortalité cardiovasculaire (y compris chez les patients en prévention secondaire) et 0,58 ; IC95 % = 0,30-1,11 pour la mortalité par cancer. En moyenne, la différence de poids entre les groupes interventions et témoins était de 3,42 kg à un an et 2,51 kg à deux ans (poids à l’inclusion non précisé).

Prise en charge intensive du poids en soins primaires pour « guérir » le diabète de type 2 : un essai randomisé en grappes et en ouvert Lean MEJ, Leslie WS, Barnes AC, et al. Primary care-led weight management for remission of type 2 diabetes (DiRECT): an open-label, cluster-randomized trial. Lancet 2017. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(17)33102-1

CONTEXTE

Le diabète de type 2 (DT2) est très fortement corrélé à la prise de poids et à l’accumulation de graisses dans le foie et le pancréas (3). La majorité des essais visant à lutter contre le DT2 ont testé des médicaments visant à réduire l’hyperglycémie chronique, et seule la chirurgie bariatrique entraînant une perte de poids rapide de 10 à 15 kg a démontré qu’elle pouvait favoriser une rémission persistante du DT2 (4). Cependant, elle est réservée aux obésités morbides (IMC ≥ 40 kg/m2), et compte tenu de ses contraintes, de nombreux patients y sont réticents.

OBJECTIF

Démontrer qu’une prise en charge diététique intensive en soins primaires provoquait une rémission prolongée du DT2 via une perte de poids importante.

MÉTHODE

Essai randomisé en grappes (cluster) et en ouvert, conduit dans 49 cabinets de médecine générale écossais et d’un petit canton anglais frontalier.

Les cabinets ont été randomisés dans un groupe intervention ou “prise en charge usuelle basée sur les recommandations”. Seul le statisticien était en insu de l’allocation. Les patients inclus devaient être âgés de 20 à 65 ans, diabétiques de type 2 traités depuis au moins six ans (sans insuline) et avoir un IMC compris entre 27 et 45 kg/m2. L’intervention mise en œuvre par les diététiciens ayant reçu une formation spécifique à l’essai comprenait : l’arrêt des médicaments antidiabétiques et antihypertenseurs, une restriction calorique à 825-853 kg/cal/jour pendant trois à cinq mois, suivie de la réintroduction progressive d’une alimentation “isocalorique” pendant deux à huit semaines, puis d’une aide mensuelle standardisée pour maintenir la perte de poids jusqu’au 12e mois. Le co-critère principal de jugement était une perte de poids ≥ 15 kg et une rémission du DT2 définie comme une HbA1c < 6,5 % deux mois après l’arrêt des antidiabétiques et maintenue à un an. L’analyse statistique a été faite en intention de traiter en tenant compte d’un coefficient intraclasse de 0,05 lié à la randomisation en grappes et en considérant les données manquantes ou les patients perdus de vue comme des échecs sur le critère principal.

RÉSULTATS

Entre juillet 2014 et août 2015, sur 306 patients consentants, 298 (149 par groupe) ont été randomisés et inclus dans l’analyse finale. Leurs caractéristiques étaient comparables à l’inclusion : âge = 53 ans, poids = 101 kg, IMC = 35 kg/m2, ancienneté du DT2 = 3 ans, HbA1c = 7,7 %. Au cours des 12 mois, 32 patients sont sortis de l’essai dans le groupe intervention et ont été considérés comme des échecs vs aucun dans le groupe témoin.

À 12 mois 36 (24 %) des participants du groupe intervention avaient perdu 15 kg ou plus vs aucun dans le groupe témoin (p < 0,0001). Par ailleurs, 68 (46 %) des patients du groupe intervention ont eu une rémission du DT2 vs 6 (4 %) dans le groupe témoin (HR = 19,7 ; IC95 % = 7,8-49,8).

Aucun des participants ayant gardé un poids stable n’a eu une rémission du DT2, 6 (7 %) des 89 patients ayant maintenu une perte de poids comprise entre 0 et 5 kg ont eu une rémission du DT2. En revanche, 19 (34 %) des 59 ayant perdu entre 5 et 10 kg, 16 (57 %) des 28 ayant perdu entre 10 et 15 kg et 31 (86 %) de ceux ayant perdu ≥ 15 kg ont eu une rémission du DT2. Enfin, 74 % des patients du groupe intervention avaient une HbA1c < 6,4 % à un an versus 18 % dans le groupe témoin, p = 0,003. En termes de qualité de vie (EQ-5D visual analogue scale), il y a eu une différence significative (mais non cliniquement pertinente) en faveur du groupe intervention.
 

COMMENTAIRES

Compte tenu de la proximité de leur contenu, le commentaire est commun à ces deux publications récentes. L’obésité est un problème de santé planétaire (sauf en Asie du sud) avec une prévalence de 5,6 millions d’hommes et 6,3 millions de femmes en France en 2014 et attendue de 18 % chez les hommes et de 21 % chez les femmes en 2025 dans le monde (5). Le problème majeur du traitement de l’obésité est d’obtenir une perte de poids suffisante, mais surtout pérenne pour envisager une réduction de ses complications cliniques.

D’un côté, la méta-analyse du BMJ a compilé 54 essais randomisés plus ou moins homogènes avec un résultat plutôt modeste et dilué.

De l’autre côté, l’essai en grappe du Lancet (méthodologiquement parfait) sur les diabétiques obèses a duré seulement un an, et a profité de la structure particulière du système de santé britannique qui rend cette intervention totalement impossible en dehors du monde anglo-saxon ou scandinave.

De plus, les patients inclus étaient particulièrement motivés pour supporter une diététique pauvre en matières grasses, de 850 kcal par jour pendant cinq mois. Il faut ajouter à ce billet les résultats récents de l’étude Pure (6), cohorte de 135 335 sujets de 18 pays suivis pendant 7,5 ans. Elle montre que les alimentations riches en matières grasses ne sont pas significativement corrélées à une augmentation de la mortalité totale, mais qu’en revanche, les alimentations riches en hydrates de carbone l’augmentent de 28 %.

En pratique, la prise en charge diététique des patients obèses est très complexe, et avec toutes ces informations fragiles et/ou contradictoires, elle doit contenir une très forte dose d’humilité.


Bibliographie

1- Guh DP, Zhang W, Bansback N, et al. The incidence of co-morbidities related to obesity and overweight: a systematic review and meta-analysis. BMC Public Health 2009;9:88.
2- Kritchevsky SB, Beavers KM, Miller ME, et al. Intentional weight loss and all-cause mortality: a meta-analysis of randomized clinical trials. PLoS One 2015;10:e0121993.  
3- Taylor R. Pathogenesis of type 2 diabetes: tracing the reverse route from cure to cause. Diabetologia 2008;51:1781-89.  
4- Sjostrom L, Peltonen M, Jacobson P, et al. Association of bariatric surgery with long-term remission of type 2 diabetes and with microvascular and macrovascular complications. JAMA 2014;311:2297-2304.  
5- NCD Risk Factor Collaboration. Trends in adult body-mass index in 200 countries from 1975 to 2014: a pooled analysis of 1698 population-based measurement studies with 19,2 million participants. Lancet 2016;387:1377-96.  
6- Dehghan M, Mente A, Zhang X, et al. Associations of fats and carbohydrate intake with cardiovascular disease and mortality in 18 countries from five continents (PURE): a prospective cohort study. Lancet 2017;390:2050-62.

 

Dr Santa Felibre (médecin généraliste, maître de stage, Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr