Paracétamol, retour sur la controverse

Publié le 20/03/2015
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Crédit photo : CRISTINA PEDRAZZINI/SPL/PHANIE

La semaine dernière, les résultats d’une étude (1) publiée dans une bonne revue de rhumatologie ont été abondamment repris dans tous les médias grand public, provoquant un certain émoi chez les professionnels de santé et surtout chez les patients. Que dit cette étude et que faut-il en penser ? L’objectif des auteurs était d’évaluer le profil de tolérance du paracétamol à posologie standard à l’aide d’une revue systématique des études observationnelles ayant colligé la mortalité toutes causes et les effets indésirables cardiovasculaires parmi d’autres (digestifs et rénaux). Pour cela, ils ont collecté 1 888 publications parmi lesquelles seulement 8 études de cohorte correspondaient à leurs critères de sélection. Les essais randomisés et les études cas-témoin ont été écartés de la sélection pour des motifs discutables. Selon la grille GRADE utilisée par les auteurs, toutes les études de cohorte avaient une qualité scientifique faible ou très faible.

› Les principaux faits rapportés par les auteurs sont les suivants :

– dans deux cohortes, le risque relatif (RR) de décès ajusté sur la posologie et la durée de traitement était de 0,95 (IC95 % = 0,92-0,98) dans l’une et de 1,63 (IC95 % = 1,58-1,68) dans l’autre ;

– dans trois des douze sous-groupes non pré-spécifiés d’une cohorte de 70 971 infirmières américaines (2) interrogées par questionnaires itératifs pendant 12 ans, il y avait une augmentation significative des événements cardiovasculaires (RR entre 1,44 et 1,68), mais pas dans les 9 autres.

› Que faut-il en penser ? Une revue de la littérature incluant des études de cohorte de mauvaise qualité, ne peut être que de mauvaise qualité. Chercher à tirer des conclusions générales à partir d’études plus qu’hétérogènes ne peut qu’aboutir à additionner, voire multiplier les différents biais spécifiques à chacune d’entre elles. Sur un même critère, les risques relatifs variaient énormément d’une cohorte à l’autre, ce qui rend impossible toute conclusion globale. Comme disent les auteurs, « compte tenu de la nature observationnelle des données, l’enchaînement des biais a pu avoir un impact important sur les résultats ». Par ailleurs, le risque absolu de mortalité et d’événements CV des groupes traités et témoins n’est jamais indiqué, ce qui censure la quantification absolue du surrisque (si il existe).

Cette étude ne doit pas modifier les pratiques. Le paracétamol reste l’antalgique et l’antipyrétique disposant du meilleur rapport bénéfice/risque. Une prescription à posologie minimale efficace pendant la durée minimale nécessaire n’expose pas les patients à des effets indésirables graves.

1. Roberts E, Delgado-Nunes V, Buckner S et al. Paracetamol: not as safe as we thought A systematic literature review of observational studies. Ann Rheum Dis DOI:10.1136/annrheumdis-2014-206914.

2. Chan AT, Manson JE, Albert CM et al. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs, acetaminophen, and the risk of cardiovascular events. Circulation 2006;113:1578-87.

Dr Santa Felibre, FMC@legeneraliste.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr