PRISE EN CHARGE CURATIVE DE LA GRIPPE A
La définition de cas
Le tableau clinique de la grippe A (H1N1) est généralement identique à celui de la grippe saisonnière. Les définitions de cas ont été précisées par l'InVS (4).
Un cas possible est un sujet présentant un syndrome respiratoire aigu à début brutal, comportant des signes généraux (fièvre › 38 °C ou courbatures ou asthénie) et des signes respiratoires (toux ou dyspnée). Depuis le 8 juillet, la référence à un voyage dans une zone exposée n'est plus nécessaire, le prélèvement de tous les cas n'est plus systématique et la validation du cas par l'InVS n'est plus justifiée (voir aussi encadré E2).
Un cas confirmé est celui pour lequel une infection par le nouveau virus grippal A (H1N1) a été identifiée suite au prélèvement nasopharyngé.
Les groupes à risque
-› Le Comité de lutte contre la grippe, dans ses recommandations du 12 août 2009 (5), dresse la liste des populations à risque de complications lors d'infections par les virus grippaux :
- nourrissons de moins de 1 an atteints de certaines pathologies;
- enfants et adolescents prenant un traitement prolongé par aspirine;
- femmes enceintes, notamment au 3ème trimestre;
- sujets porteurs des affections suivantes : maladies bronchopulmonaires chroniques dont l'asthme, la dysplasie bronchopulmonaire et la mucoviscidose ; cardiopathies congénitales mal tolérées, insuffisances cardiaques graves et valvulopathies graves ; néphropathies chroniques graves, syndromes néphrotiques purs et primitifs ; AVC invalidant, formes graves des affections neurologiques et musculaires (dont myopathie), épilepsie grave ; drépanocytoses, homozygotes et doubles hétérozygotes S/C, thalasso drépanocytose ; diabète insulinodépendant ou non-insulinodépendant non équilibré par le seul régime ; immunodépression y compris les transplantés, néoplasie sous-jacente et déficits immunitaires cellulaires, infection par le VIH, asplénies anatomiques ou fonctionnelles ; obésité morbide [facteur de risque possible à ce jour pour les infections A/(H1N1)]; alcoolisme avec hépatopathie chronique;
- sujets de plus de 65 ans;
- personnes de tous âges séjournant en long ou moyen séjour.
-› "Concernant les femmes enceintes, le risque de grippe sévère est plus élevé avec le virus A (H1N1) pandémique qu'avec les virus saisonniers. Plusieurs décès ont été enregistrés dans cette population, notamment en Argentine. Un nombre anormal de décès par grippe a également été rapporté chez les obèses, fait rarissime avec la grippe saisonnière", souligne le Dr Mosnier.
-› Les plus de 65 ans, classiquement cités parmi les personnes à risques de grippe compliquée, semblent moins sensibles à l'infection par le virus A (H1N1). Plus précisément, ce sont les sujets exposés dans leur enfance à un virus A (H1N1) avant la pandémie de 1957 qui pourraient bénéficier d'une immunité relative vis-à-vis du virus pandémique actuel (6). Ce qui explique la fréquence de l'affection dans des tranches d'âge plus jeunes.
-› Enfin, selon l'OMS, 40 % des cas graves surviennent chez des enfants ou adultes auparavant en bonne santé et sans facteur de risque particulier (7). La présence d'une pathologie sous jacente ou d'un terrain à risque n'est donc pas nécessairement un critère fiable de gravité éventuelle. "La surveillance de l'état de tout patient grippé est donc essentielle, même en l'absence de facteurs de risque ou de signes de gravité initiaux".
Les signes de gravité
L'une des 1ères causes de décès pour la grippe A (H1N1) est la survenue d'une pneumonie. L'hospitalisation s'impose en présence de critères de gravité, un seul élément suffit (5).
-› Chez l’enfant
- Difficultés alimentaires chez un nourrisson de moins de 6 mois (moins de la moitié des biberons sur 12 h) ;
- Tolérance clinique médiocre de la fièvre, malgré les mesures adaptées ;
- Signes de déshydratation aiguë ;
- Troubles de la vigilance ;
- Signes de détresse respiratoire, apnées ;
- Contexte particulier : très jeune âge (inférieur à 3 mois), ou facteurs de risque de grippe grave ou considérations liées à l’administration du traitement.
-› Chez l’adulte
- Troubles de la vigilance, désorientation, confusion ;
- Pression artérielle systolique inférieure à 90 mm Hg ;
- Hypothermie (< 35°C) ;
- Hyperthermie ne répondant pas aux antipyrétiques ;
- Fréquence respiratoire supérieure à 30/min ;
- Fréquence cardiaque supérieure à 120/mn.
Le parcours des patients grippés
-› Au début de l'épidémie (25 avril – 22 juin), tous les cas possibles devaient être hospitalisés via le Samu dans un établissement de référence, et les prélèvements naso-pharyngés étaient systématiquement réalisés (encadré E3). Du 22 juin au 22 juillet, les patients ont été dirigés par le Samu-Centre 15 vers des consultations hospitalières spécifiques grippe, l'hospitalisation étant réservée aux cas sévères.
-› Actuellement, la prise en charge repose en première ligne sur les médecins libéraux. Le parcours de soins d'un malade grippé est un peu différent selon qu'il s'agit d'un adulte ou d'un grand enfant ou bien d'un enfant de moins de 40 kg (voir les arbres décisionnels en figures 1 et 2) (8 ; 9).
- En l'absence de facteurs de risque et de signes de gravité, un traitement symptomatique est prescrit sans traitement antiviral systématique et le patient reste à domicile.
- Le recours aux antiviraux se justifie dans des indications précises (voir infra).
- L'appel au Centre 15 est recommandé dans tous les cas s'il existe des signes de gravité, ou dès lors qu'un enfant présente des facteurs de risque, ou lorsque le médecin est confronté à une situation particulière. Les patients ne doivent pas être adressés directement aux urgences.
- Les consultations hospitalières spécifiques grippe prennent en charge les cas graves, mais le médecin peut à tout moment obtenir un conseil auprès d'elles, en passant par le 15.
- Les enfants de moins de 40 kg qui présentent des signes de gravité ou des facteurs de risque de complications sont dirigés vers une consultation hospitalière spécifique d'un établissement siège de Samu, seul à disposer d'antiviraux à usage pédiatrique.
- Les femmes enceintes suspectes de grippe doivent bénéficier d'une consultation hospitalière dédiée avec prise en charge obstétricale concomitante (5).
Dans tous les cas, les mesures d'hygiène doivent être rappelées au patient, ainsi que la nécessité d'appeler un médecin ou le Centre 15 en cas d'aggravation de son état. La fiche "Nouvelle grippe A (H1N1) – recommandations aux personnes malades" (10) lui est remise. Enfin, la présence au foyer de personnes en contact étroit avec le malade est recherchée, afin de juger de la nécessité d'une éventuelle chimioprophylaxie (voir infra).
En outre, il est demandé aux médecins d'organiser leur cabinet de manière à ce que les patients grippés et non grippés évitent de se côtoyer (voir fiche mémo, réf 11), et de mettre en place à l'entrée de la salle d'attente une distribution de masques anti-projections de type "chirurgical".
Les antiviraux
Les inhibiteurs de la neuraminidase – oseltamivir et zanamivir - sont efficaces sur le virus A (H1N1) et notre pays dispose d'un stock de 33 millions de traitements. L’oseltamivir est le plus largement utilisé.
-› En traitement curatif
La prescription d'un antiviral à un cas possible de grippe n'est pas systématique et est réservée, chez les adultes et les enfants de plus de 1 an, à certaines indications (5) (voir aussi tableau 1):
- syndrome grippal caractérisé à début brutal si la forme clinique est jugée sévère par le médecin ;
ou
- facteurs de risque particuliers en cas de suspicion de grippe ;
ou
- forme clinique grave d’emblée ou compliquée (après avoir éliminé une surinfection bactérienne).
La 1ère prise d'oseltamivir doit être la plus précoce possible (48 h si possible) après l'apparition des symptômes.
Chez la femme enceinte, l'existence d'un syndrome grippal impose une consultation hospitalière dédiée, avec prélèvement naso-pharyngé et mise sous oseltamivir, quel que soit le trimestre de grossesse et qu'il y ait ou non des facteurs de risque (5).
Chez le nourrisson de moins de 1 an, l'absence de disponibilité des formes pédiatriques d'antiviraux dans les officines et la nécessité d'une surveillance particulière dans cette tranche d'âge (l'utilisation en situation de pandémie de l'oseltamivir avant l'âge de 1 an n'est autorisée que depuis le 8 mai 2009) implique d'orienter l'enfant vers une consultation dédiée.
-› En traitement prophylactique
La prescription d’un traitement antiviral à visée prophylactique aux contacts étroits des cas suspects de grippe est recommandée dans les situations suivantes :
- Sujets contacts présentant des facteurs de risque particuliers
- Contextes particuliers : entourage familial d’une personne présentant des facteurs de risque, collectivités (EHPAD…).
- Grossesse : lors de la suspicion d’un cas de grippe dans l’entourage familial d’une femme enceinte non malade, la mise sous traitement antiviral en prophylaxie est recommandée, quel que soit le trimestre de grossesse et la présence ou non de facteurs de risque.
PREVENTION DE LA GRIPPE A
Les mesures barrières
Le respect des règles d'hygiène et les mesures barrière sont à la base de la prévention de la transmission interhumaine des virus. Sans s'attarder sur le sujet, rappelons que le lavage des mains et leur désinfection par friction avec une solution hydro-alcoolique s'impose après tout contact avec un sujet malade ou avec les objets ou surfaces qu'il a pu toucher. Les patients grippés sont invités à s'isoler chez eux pendant la durée des symptômes, à se couvrir la bouche et le nez lors des épisodes de toux ou d'éternuements, et à porter un masque anti-projections de type "chirurgical" dès qu'ils sont en contact avec d'autres personnes. Ces masques sont disponibles sur prescription en pharmacie de ville. Les masques de protection respiratoire individuelle de type FFP2 sont réservés aux professionnels de santé. Pour plus d'informations, deux fiches sont disponibles sur le site du Ministère de la Santé.
Et le vaccin ?
-› Bien que les premières doses de vaccin contre le virus A (H1N1) aient été livrées en France, nous sommes toujours en attente des résultats des tests cliniques et de la délivrance des AMM. La France a acquis 94 millions de doses. La livraison pourrait s'échelonner sur 4 mois à partir de l'automne. Une campagne de vaccination est actuellement en préparation et a fait l'objet d'une circulaire (13). Chaque préfet doit établir un plan départemental de vaccination, afin de pouvoir proposer une vaccination à l'ensemble de la population du département, sur une période de quatre mois. Au moins trois sites de vaccination, hors établissements de santé, seront déterminés par département (vaccination collective). Deux doses seront nécessaires, en respectant un intervalle minimal de trois semaines, et en prenant soin d'utiliser les deux fois le même vaccin (4 laboratoires ont été sollicités).
-› Concernant la stratégie vaccinale proprement dite, on attend l'avis du Haut conseil de santé publique. Mais d'ores et déjà, l'Union européenne a édicté ses recommandations (25 août 2009), en dressant la liste des groupes de population à vacciner en priorité (14) :
- sujets de plus de 6 mois ayant des pathologies chroniques sous-jacentes, en commençant par ceux les plus sévèrement atteints (asthme sévère, maladie coronaire instable, insuffisance cardiaque non compensée…),
- femmes enceintes
- professionnels de santé
Une fois ces groupes prioritaires vaccinés, la vaccination peut se poursuivre jusqu'à atteindre les objectifs nationaux.
-› Ce vaccin est différent de celui de la grippe saisonnière, et s'il est possible de procéder aux deux vaccins en même temps, il est peu probable que les deux produits soient disponibles aux mêmes périodes.
QUELS CAS SIGNALER ?
Les médecins doivent signaler (4) :
• à la Ddass ou, à défaut, à l’InVS : tout épisode de cas groupés de syndrome respiratoire aigu à début brutal défini par :
- la survenue d’au moins 3 cas en une semaine dans une même collectivité (famille, classe, unité de travail...)
- et l’absence d’éléments orientant vers un autre diagnostic.
• à l’InVS :
- tous les cas hospitalisés confirmés A(H1N1), ainsi que les cas hospitalisés ayant un lien épidémiologique avec un cas confirmé ;
- toute aggravation significative, tout transfert dans un autre service, en particulier tout transfert dans un service de soins intensifs, d’un patient précédemment signalé.
QUID DES PRÉLÈVEMENTS ?
-› La réalisation de prélèvements naso-pharyngés, systématique au début de l'épidémie, est désormais réservée à certaines situations (12) :
• sujets à risque ou présentnt des signes de gravité
• patients traités et présentant une aggravation clinique
• 3 patients au moins au sein d'un foyer de cas groupés
• nourrissons et femmes enceintes
• patients suspects de grippe consultant les médecins des réseau des GROG.
-› Les prélèvements sont effectués en pratique par des professionnels des établissements de santé et par les médecins du réseau GROG (seulement dans le cadre de la surveillance épidémiologique faite par ces médecins). Concrètement les généralistes (hors GROG) ne sont donc pas amenés à réaliser les prélèvements. Ils ne doivent pas non plus adresser des patients grippés à leurs confrères "GROG" dans le but de faire effectuer des prélèvements !
-› Les tests de détection rapide ne sont pas recommandés dans le cadre de la grippe A (H1N1), en raison d'une mauvaise sensibilité.
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