La HAS revisite l’IVG médicamenteuse en ville

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Publié le 14/04/2021
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Avant comme après 7 SA, l'IVG médicamenteuse repose notamment sur l'administration de mifépristone.

Avant comme après 7 SA, l'IVG médicamenteuse repose notamment sur l'administration de mifépristone.
Crédit photo : GARO/PHANIE

Voilà un an que le délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville s’est vu allongé de 7 à 9 semaines d’aménorrhée (SA). Une mesure jusqu’à présent dérogatoire et temporaire, prise au pic de la première vague épidémique afin de contourner la limitation des déplacements induite par le confinement strict ainsi que l’embolisation des établissements de santé. Cette semaine cependant, suite à une saisine du Ministère des Solidarités et de la Santé, la HAS propose d’aller « au-delà de la réponse rapide », se félicite le Dr Pierre Gabach, chef du service des Bonnes Pratiques de l’autorité sanitaire.

En effet, la HAS a publié avant-hier des recommandations qui visent à « pérenniser ce droit pour les femmes ». L’enjeu : alléger la charge des établissements de santé, mais aussi réduire le délai d’accès à l’IVG médicamenteuse.

Mifépristone et misoprostol à domicile jusqu’à 9 SA

En pratique, la HAS revient d’abord sur les stratégies médicamenteuses qui doivent être adoptées dans le cadre des IVG médicamenteuses avant ou après 7 semaines d’aménorrhée. « L’ensemble du schéma thérapeutique a été revu », et ce dans le sens d’une simplification des protocoles et d’une harmonisation des pratiques entre ville et hôpital, avance le Dr Gabach.

Ainsi, avant la 7e semaine d’aménorrhée, deux possibilités sont désormais préconisées. La première correspond à l’administration de « 600 mg de mifépristone par voie orale suivie, 24 à 48 heures plus tard, de 400 µg de misoprostol par voie orale », ce qui est prévu par l’AMM du médicament, explique Pierre Gabach. La seconde concerne la prise « de 200 mg de mifépristone par voie orale suivie, 24 à 48 heures plus tard, de 400 µg de misoprostol par voie transmuqueuse orale ou sublinguale », solution plébiscitée par le CNGOF en raison des doses moindre utilisées (et donc du moindre risque d’effets indésirables) qui sort toutefois du cadre de l’AMM, détaille le responsable. « Nous n’avons pas souhaité trancher », explique-t-il.

Au-delà de 7 semaines et jusqu’à la 9e semaine d’aménorrhée, le schéma thérapeutique retient l’utilisation de misoprostol par voie buccale ou sublinguale à plus haute dose. Est en effet requise l’administration de « 200 mg de mifépristone par voie orale suivie, 24 à 48 heures plus tard, de 800 μg de misoprostol en une seule prise, par voie transmuqueuse orale ou sublinguale (hors AMM) ».

À noter que la prise en charge de la douleur est également prise en compte par la HAS. Dans cet esprit, s’il est évidemment rappelé de prévenir la douleur « en prescrivant systématiquement des antalgiques de palier 1 (par exemple, ibuprofène à dose antalgique) et de palier 2 (par exemple, paracétamol associé à l'opium ou à la codéine) », un progrès vient peut-être aussi de l’abandon officiel du misoprostol par voie vaginale (Géméprost). « L’utilisation du Géméprost n’est pas recommandée en raison de ses effets secondaires », souligne en effet l’autorité de santé. « En fait, on a arrêté de recommander le Géméprost car ce traitement par ovule intravaginal apparaissait très douloureux », traduit le Dr Gabach.

Dépister systématiquement les violences

En outre, la HAS revoit également les conditions de prise en charge de l’IVG par méthode médicamenteuse. Si, de fait, le dispositif réglementaire de base n’apparaît pas modifié, quelques rappels, précisions ou modifications peuvent toutefois être pointées.

D’abord, la HAS rappelle entre les lignes un des intérêts de cette extension de l’IVG médicamenteuse : s’adapter au mieux à la vie quotidienne des femmes. « Les deux médicaments, mifépristone et misoprostol, doivent pouvoir être pris à domicile dans le respect du protocole, à un moment adapté à l’emploi du temps de la femme et pas obligatoirement devant le professionnel de santé ». Corollaire : le besoin de s’assurer en amont, en plus de l’absence de contre-indications, de la possibilité pour la patiente de se rendre « rapidement » et « 24 heures/24 » dans un établissement de santé à même de prendre en charge d’éventuelles complications. « Si les conditions de sécurité ne sont pas réunies (isolement géographique ou social…), il est préconisé de privilégier l’hospitalisation (à domicile, partielle…). »

Concernant ces éventuelles complications - bien que d’après le Dr Gabach, l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville ne s’accompagne pas d’une augmentation des risques -, l’autorité sanitaire insiste sur « la nécessité d’une visite de suivi, entre le 14e et le 21e jour pour s'assurer de l'arrêt de la grossesse » et éviter de potentielles hémorragies.

Mais surtout, le Dr Gabach souligne deux efforts notables. « D’abord, nous pérennisons l’accès à l’IVG par téléconsultations », se félicite-t-il. « Les consultations médicales préalables à l’IVG peuvent se faire en présentiel ou en téléconsultation, avec l’accord de la femme et si le médecin ou la sage-femme l’estiment possible », résume en effet la HAS. En outre, les recommandations incitent désormais très fortement à réaliser un dépistage systématique des violences au moment de la première consultation d’IVG. « On sait que l’IVG constitue un facteur de risque de violences conjugales », déplore Pierre Gabach.

Reste désormais, à ce que cet allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville entre véritablement dans le droit commun, dans la pratique quotidienne, à assurer à toutes les patientes une prise en charge des médicaments par la sécurité sociale. « L’ANSM et l’Assurance Maladie y travaillent », assure le Dr Gabach, d’après qui les deux organismes devraient arriver à s’entendre d’ici la fin du printemps.


Source : lequotidiendumedecin.fr