Courrier des lecteurs

Télémédecine : un engouement suspect

Publié le 04/06/2019

Nous sommes, depuis quelques mois, régulièrement abreuvés par les différents atermoiements concernant la télémédecine. Ainsi, nous voyons fréquemment dans différents médias l’intérêt que peut apporter ce « nouvel outil ».

Le Président de la CNAM et notre ministre de tutelle ne cessent de promotionner cette nouvelle forme de prise en charge des patients. Les syndicats médicaux, avec parfois une certaine appréhension, ont également cautionné la télémédecine. Des confrères se gaussent des collègues récalcitrants, dès lors qu’ils boudent cette nouvelle technologie.

Comment les différents intervenants de ce système de télémédecine peuvent-ils penser à l’utilité de ce nouveau mode de consultation ? Cette question semble tout à fait innocente, mais elle doit nous amener à une réflexion plus poussée. En effet, il est surprenant qu’un directeur de la CNAM, et qu’une ministre puissent soutenir ce système qui ne va que réduire l’offre de soins auprès des populations.

Si nous impliquons dans ce fonctionnement des praticiens, nous allons mobiliser une main-d’œuvre plus utile dans d’autres services ou d’autres cabinets. Ce qui est d’autant plus difficile à comprendre, c’est l’intérêt porté par de grands groupes ; lesquels financent les rodages dans certaines communes.

Ce financement semble important compte tenu de la rentabilité d’un tel système ; tout cela pour 25 €. En fait, cette mobilisation est-elle nécessairement en rapport avec des actes philanthropiques ? N’oublions pas que le secteur libéral ne peut se développer si la notion de profit est présente.

Aussi, si nous croyons que des entreprises puissent accepter de financer un système qui risque de ne rien lui rapporter, nous sommes quelque peu naïfs. En fait, il faut savoir analyser les différents tenants de ce système de télémédecine, et nous pourrons mieux comprendre pourquoi il va rapporter beaucoup d’argent, et moins de tracas à tous.

Comment ? En fait, c’est l’externalisation qui va permettre de développer la médecine du « futur », et va générer des économies substantielles. De cette manière, on va recruter des médecins étrangers (comme les sociétés de communication le font à merveille actuellement) que l’on va beaucoup moins rétribuer ; c'est-à-dire avec la même rémunération que les confrères du même pays d’accueil.

Ainsi, ce système permettra au directeur de la CNAM de faire des économies en proposant un tarif relativement faible, lequel ne sera probablement pas ou peu revalorisé dans le temps ; à la ministre de la santé d’assurer un maillage plus important en ce qui concerne l’offre de soins au niveau du territoire ; et aux sociétés impliquées dans la télémédecine d’empocher la différence entre le tarif proposé par la CNAM, et la rétribution ridicule donnée aux confrères étrangers.

Dans tout cela, c’est le médecin exerçant sur le sol français qui devra accepter cette concurrence qui va entraver son champ d’action, mais aussi sa crédibilité auprès de la population (on peut donner la possibilité à une télécabine de fonctionner 24h/24 et 7 jours/7).

Bien entendu, tout cela n’est actuellement qu’une fiction, mais lorsque les autorisations pourront être acquises (cela peut se faire très rapidement) pour que nos confrères étrangers puissent dispenser cette expertise, nous arriverons très facilement à changer notre système de santé.

« Les profits injustes sont les arrhes du malheur » Ménandre.

 

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Dr Pierre Frances, Médecin généraliste, Banuyls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin: 9751