Urgences

RHUMATOLOGIE : LA MALADIE DE HORTON

Publié le 18/03/2016

Le traitement de la MH est une urgence. Il faut savoir la dépister devant un tableau rhumatologique de pseudo-polyarthrite rhizomélique. Le traitement au stade de complications vasculaires avérées est, dans la plupart des cas, décevant.

Crédit photo : STEVE GSCHMEISSNER/SPL/PHANIE

L'OBSERVATION

Vous voyez à son domicile une femme de 82 ans. Elle présente depuis plusieurs semaines une altération progressive de l'état général comportant une importante asthénie, une fièvre à 38° et un amaigrissement. Elle décrit des douleurs du rachis cervical, des épaules et du bassin la réveillant la nuit et un enraidissement matinal prolongé, entraînant une impotence fonctionnelle très marquée. L'examen montre un enraidissement des épaules et des hanches ainsi que des myalgies à la pression de même topographie. 

EN QUOI EST-CE URGENT ?

Le tableau décrit correspond à une pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR). Les arguments sont l'âge, le sexe féminin, l'atteinte douloureuse et l'impotence des racines des membres avec un horaire inflammatoire. La PPR peut s'associer dans 15 à 20 % des cas à une maladie de Horton (MH).

La MH peut être totalement asymptomatique, masquée par le tableau douloureux de PPR.

La gravité et le caractère urgent de la prise en charge de la MH sont déterminés par le risque imprévisible de complications vasculaires graves et souvent définitives.
   

RAPPEL CLINICO-BIOLOGIQUE


→ Il faut systématiquement rechercher des signes d'atteinte artérielle qui ne seraient pas rapportés  par la patiente : céphalées inhabituelles à prédominance nocturne ou matinale, claudication intermittente de la mâchoire (fatigue douloureuse des muscles masséters et de la langue lors de la mastication), hyperesthésie du cuir chevelu lors du coiffage.

 La palpation des artères temporales doit être systématique devant tout tableau de PPR. En effet, dans les MH rencontrées en médecine générale ou en milieu rhumatologique, c'est uniquement la palpation qui pourra retrouver une sensibilité à la pression et une diminution, voire une abolition, du pouls temporal. 
  Les atteintes temporales caricaturales (photo 1a) sont plutôt l'apanage du recrutement en ophtalmologie ou en médecine interne. Les risques de complication de la MH sont  la cécité, en général monoculaire, brutale et irréversible, qui survient dans  20 % des cas, les AVC, les atteintes neuropsychiatriques et les multinévrites.
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→ D'autres atteintes artérielles sont possibles : syndrome de l'arc aortique (la prise de la TA aux deux bras est systématique pour dépister une asymétrie), dissection, insuffisance valvulaire, artériopathies des membres inférieurs, atteintes des artères rénales ou digestives.

→ Le bilan complémentaire comprend la recherche d'un syndrome inflammatoire biologique, qui est classiquement très important (vitesse de sédimentation et dosage de la protéine C-réactive [PCR]). Surtout, il faut faire réaliser une biopsie de l'artère temporale à la recherche d'une panartérite segmentaire et focale (photo 2).

→ La réalisation de cette biopsie ne doit cependant retarder en aucun cas l'induction du traitement corticoïde qui est une urgence.


PRINCIPES DU TRAITEMENT D'URGENCE

→ Une corticothérapie générale à fortes doses doit être introduite en urgence. La posologie d'attaque est de 0,7 mg/kg équivalent prednisone.

→ Des règles hygiéno-diététiques strictes doivent être données au patient (apport protidique et vitamino-calcique suffisant, diminution des apports sodés et glucidiques).

→ Les patients atteints de comorbidités pré-existantes (hypertension artérielle, diabète sucré) doivent être surveillés étroitement et leurs traitements adaptés aux effets délétères des corticoïdes.

→ Un traitement anti-agrégant plaquettaire peut y être associé après réalisation de la biopsie.

→ L'évolution des symptômes doit être rapidement favorable (48 à 72h).

→ La mauvaise réponse aux corticoïdes doit faire remettre en cause le diagnostic de maladie de Horton.

→ Le taux de PCR diminue rapidement et se normalise en quelques jours ; pour la vitesse de sédimentation, il faut attendre plusieurs semaines. L'adaptation de la corticothérapie générale se fait en fonction de l'évolution de la PCR.

SURVEILLANCE ET BILAN APRÈS L'URGENCE

→ Le traitement de la MH doit être très prolongé (entre 12 et 36 mois) au risque de voir survenir une rechute. La période la plus difficile à gérer est celle située lorsque la corticothérapie est de l'ordre de 5 mg/j.

Le sevrage doit alors être très progressif, au besoin par palier de  0,5 mg tous 15 à 30 jours avec surveillance étroite des paramètres inflammatoires biologiques et de l'état clinique. Un test au synacthène peut être réalisé chez les patients sevrés pour vérifier la bonne récupération du fonctionnement de l'axe hypotalamo-hypophysaire.

→ Un bilan osseux par ostéodensitométrie est recommandé. Si le T-Score est ≤ -1.5, un traitement anti- ostéoporotique (habituellement par biphosphonates) doit être introduit et poursuivi pendant au moins toute la durée de la corticothérapie générale.


Dr Eric Thomas (PH, département de Rhumatologie, CHU Lapeyronie, 34295 Montpellier cedex 5)

Source : lequotidiendumedecin.fr