Deux à trois millions de français sont actuellement atteints de psoriasis, 60 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. 10 à 30 % des personnes atteintes développent une forme arthropathique. Le psoriasis apparaît souvent entre 15 et 35 ans, mais peut débuter à tout âge et il persiste généralement toute la vie.
-› La Fondation Nationale du Psoriasis distingue trois formes :
- une forme bénigne avec moins de 2 % du corps atteint
- une forme modérée avec entre 2 et 10 % du corps recouvert de plaques
- une forme sévère avec plus de 10 % du corps recouvert de plaques
UN DIAGNOSTIC SOUVENT AISE MAIS PAS TOUJOURS
Le diagnostic de psoriasis est le plus souvent simple, la forme la plus fréquente étant le psoriasis vulgaire constitué de lésions érythémato-squameuses bien limitées par rapport à la peau saine, de dimension et de nombre variables et qui siègent préférentiellement sur les zones d’extension : genoux, face tibiale des jambes, avant bras, coudes région lombo-sacré. Toutes les zones du tégument peuvent être atteintes. Le cuir chevelu est touché dans 60 % des cas, les ongles dans prés de 40 % des cas.
-› Il existe des situations où le diagnostic est moins évident et souvent fait avec retard. Ce sont surtout:
- le psoriasis des plis, souvent confondu avec un intertrigo mycosique et traité comme tel ;
- le psoriasi anal et génital, masculin comme féminin, dont les patients qui en souffrent ont souvent une grande pudeur et n’osent pas parler de leurs lésions anales, ou les banalisent. Or ces lésions douloureuses et prurigineuses altèrent notablement leur qualité de vie ;
- chez l’enfant, les lésions psoriasiques sont atypiques et souvent confondues avec une dermatite atopique, entrainant un traitement par dermocorticoïdes inadapté ;
- les lésions du visage peuvent être source d’erreurs mais le fait qu’elles soient rarement isolées en facilite le diagnostic.
-› Des formes graves peuvent exister : le psoriasis érythrodermique ou généralisé à tout le tégument, le psoriasis pustuleux localisé aux zones palmo-plantaires voire généralisé, le psoriasis arthropathique parfois invalidant (2). Ces formes alertent et amènent à consulter d’embléele spécialiste.
-› Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique qui ne touche pas seulement la peau (7). C’est une affection auto-inflammatoire susceptible d’être associée à d’autres atteintes à rechercher systématiquement :
- un syndrome métabolique dont la prévalence est augmentée chez les patients atteints de psoriasis. Ce qui implique de vérifier le périmètre abdominal, la pression artérielle, la glycémie, les lipides. Ce syndrome métabolique rend de plus le traitement plus complexe, ainsi le methotrexate pour un patient obese et diabétique ou pour la cyclosporine chez l’hypertendu ;
- une ou des arthrites se manifestant par des douleurs est de type inflammatoire. Il n’y existe pas d’élément biologique spécifique de l’arthrite psoriasique (7).
TRAITER SON PATIENT PSORIASIQUE
Evaluer, informer, comprendre
L’appréciation de la qualité de vie de son patient et du ressenti de son atteinte est indispensable. Le caractère affichant et récidivant de l’affection provoque une souffrance psychologique à ne pas sous-évaluer. Si le vécu de la maladie est très différent d’un malade à l’autre, 75 % des personnes vivant avec un psoriasis d’intensité modérée à sévère estiment que leur maladie à un impact modéré voire important sur leur vie quotidienne et un tiers d’entre eux considèrent qu’il affecte leur vie (2, 5).
Il faut expliquer à ses patients que :
- le psoriasis n’est pas une maladie contagieuse, c’est une « peau qui se renouvelle trop vite ». Le renouvellement des cellules de la peau s’effectue normalement en 28 jours, dans le psoriasis, ce renouvellement est 6 à 7 fois plus rapide- et les médicaments ne font que freiner ce renouvellement cutané, ce qui aide à comprendre que si on arrête les soins dés que la peau est devenue normale, la rechute survient.
- Les traitements actuels n'entraînent pas la guérison définitive de l'affection, mais permettent d’obtenir la disparition transitoire plus ou moins complète des lésions.
- Le seul fait de gratter la peau ou d’arracher les squames accélère le renouvellement de la peau, et cinq minutes de grattage suffisent à réactiver le psoriasis pendant deux semaines. La lutte contre les démangeaisons est donc un élément capital du traitement du psoriasis.
Dans cette maladie de la qualité de vie, seul le patient peut évaluer la gravité de cette atteinte et la réalité du bénéfice de traitements qui sont toujours une contrainte.
Le schéma thérapeutique du psoriasis varie en effet en fonction des patients, de la gravité et de l'étendue, et du retentissement esthétique, professionnel, relationnel, psychologique de la maladie et du désir de rémission du malade ainsi que de sa compliance aux traitements locaux surtout mais aussi généraux.
Traitements locaux
Environ 90 % des patients relèvent de traitements locaux.
Le traitement du psoriasis se décompose en deux phases : le traitement d’attaque qui vise à faire disparaître - « blanchir » - les lésions et le traitement d’entretien pendant plusieurs mois dont le but est d’éviter les récidives. Ces deux phases doivent bien êtres expliquées aux patients enclins à stopper toute thérapeutique dés l'amélioration. L’objectif étant d’améliorer la qualité de la vie, seul le patient peut réellement en évaluer l’efficacité; il peut se soigner de façon continu ou uniquement à certains moments de l’année ou seulement pour certaines localisations, en fonction de son équation personnelle entre la gêne liée à la maladie et celle due au traitement. Il n'est pas utile de traiter les psoriasis très limités et/ou psychologiquement bien acceptés par les malades.
-› Le traitement de la peau. L’hydratation cutanée est toujours essentielle. Sans faire disparaître les lésions, un bon émollient peut entraîner une amélioration notable, mais il faut le choisir d'application aisée, agréable au niveau cosmétique et financièrement accessible. Le Dexeryl*, remboursé par la Sécurité Sociale, est une bonne possibilité.
Les dermocorticoïdes sont utilisés surtout pour les plis et le cuir chevelu. Ils ont l'avantage d'agir vite, mais ils exposent au risque de corticodépendance, de rebond à l'arrêt du traitement et d'atrophie cutanée en cas d'usage fréquent et prolongé.
L’association dérivés de la vitamine D et dermocorticoïde (Daivobet*) a obtenu l’AMM non seulement pour le traitement d’attaque mais aussi pour le traitement d’entretien. La présence de vitamine D associée à la cortisone diminue considérablement le risque d’atrophie cutanée, de rebond lié à la corticothérapie et d’échappement thérapeutique et a une meilleure rapidité d’action avec une meilleure tolérance que les seuls dérivés de la vitamine D moins utilisés de ce fait. Le produit étant gras, il faut insister pour que les gens l’appliquent le soir et non le matin. Les applications sont quotidiennes pendant un à deux mois jusqu’à ce que les personnes soient ou complètement blanchies ou suffisamment améliorées puis, en entretien tous les week end par exemple, ce qui est plus facile à mémoriser et améliore l’observance. La satisfaction au long cours ne dépasse pas 30 % (1).
De nouveaux traitements pour le cuir chevelu
Une erreur trop souvent commise consiste à prescrire sur un cuir chevelu épais une lotion qui, absorbée par les squames, ne peut être suffisamment efficace.
Deux nouveaux traitements locaux offrant de bon résultats dans le psoriasis modéré à sévère du cuir chevelu, ont été récemment été commercialisés : le Xamiol* (calcipotriol + dipropionate de bétaméthasone) et le Clobex* (propionate de clobétasol)
Le Clobex*, corticoïde de niveau 1, est proposé en « short contact therapy, » c’est à dire sans pénétration percutanée. Le patient l’applique sur le cuir chevelu un quart d’heure avant de prendre sa douche et l’utilise comme shampoing. C’est très pratique même si le traitement d’attaque, quotidien, est moins aisé chez les femmes aux cheveux longs et/ou faisant des brushings. En entretien, il est prescrit 2 jours d’affilée par semaine.
Le Xamiol* correspond au Daivobet* en lotion. Le produit est gras et l’association de deux phases non solubles impose de bien secouer le flacon avant application sur le cuir chevelu le soir. La lotion est quotidiennement apliquée pendant 1 ou 2 mois ; puis une fois par semaine. Cette prescription est souvent plus simple pour les hommes que pour les femmes.
Le Diprosalic* (bétaméthasone, acide salicylique) reste indiqué pour les psoriasis légers, tous les jours en traitement d’attaque puis le week end ou 2 fois par semaine.
QUELS PATIENTS ADRESSER AU SPECIALISTE ?
Les patients qui relèvent de traitements généraux, lesquels sont indiqués quand le psoriasis retentit de façon importante sur la qualité de vie (4). Leur indication est donc le plus souvent fonction de la demande du patient qui sait si son psoriasis est grave et s’il peut relever ou non de traitements majeurs, c’est-à-dire de traitements nécessitant une surveillance rapprochée et comportant des risques potentiels. Ils sont assez souvent associés aux traitements locaux.
-› Un psoriasis qui dépasse 20 % de la surface corporelle en sachant qu’une paume est égale à 1% de la surface corporelle.
-› Un traitement local trop ennuyeux, inefficace ou impossible à réaliser. En fait, une atteinte cutanée dépassant 10 % de la surface corporelle représente beaucoup de temps en applications locales, les gens se lassent et renoncent, d’autant que cette atteinte étendue signifie que le psoriasis a une virulence telle que même en effectuant régulièrement le traitement local, son efficacité reste moyenne Accepter un traitement fastidieux pendant un temps limité est acceptable aisément mais plus difficile lorsqu’il est au long cours et n’empêche pas les récidives.
-› Une altération importante de la qualité de vie. Un questionnaire de qualité de vie nommé Dermatology Life Quality Index (DLQI) (9) rempli rapidement par le patient, aide à déterminer s’il relève éventuellement d’un traitement par voie générale. Un indice supérieur ou égal à 10 est significatif. Ce n’est pas proportionnel à la surface, certaines personnes ont une faible surface atteinte mais une altération importante de leur qualité de vie.
-› Des formes localisées, en particulier les formes génitales au anales que l’on ne parvient pas à traiter efficacement. Ces formes localisées peuvent être très difficiles à supporter.
-› Les psoriasis des paumes et des plantes, très douloureux, souvent responsables d’arrêt de travail
Les traitements par voie générale
Si leur prescription relève du spécialiste, leur efficacité, leur surveillance et leurs effets secondaires doivent être connus.
-› La photothérapie. Souvent prescrite en première intention dans les psoriasis sévères étendus, la photothérapie UVB TL01 à spectre étroit et la PUVAthérapie ont un effet synergique avec la vitamine D locale et avec les rétinoïdes topiques et généraux. Son utilisation est limitée par le nombre de patients ayant atteint le maximum de séances autorisé, et par le manque de temps disponible pour d'autres ou l'absence d'un appareil proche géographiquement.
-› Les rétinoïdes. Le Soriatane*(acitrétine), traitement de choix du psoriasis pustuleux, est moins utilisé actuellement en raison de ses effets secondaires et de sa puissance tératogène qui nécessite une contraception efficace deux ans après son arrêt. En pratique, ce traitement n’est pas prescrit aux femmes fertiles. C’est le moins toxique à long terme des traitements généraux du psoriasis en dehors de son effet tératogène.
-› Le méthotrexate. Utilisé depuis 30 ans dans le psoriasis, il est actif sur toutes les formes de la maladie et en particulier sur le psoriasis arthropathique. C’est le traitement de référence des psoriasis sévères et/ou associés à une atteinte articulaire. Il est efficace dans les 2/3 des cas. La posologie est initialement de 5 mg/semaine à la première prise puis de l’ordre de 15 à 25 mg/semaine qu’il est préférable d’administrer de façon hebdomadaire soit par voie intramusculaire soit par voie orale (en 1, 2 ou 3 prises espacées à 12 heures d’intervalle, par exemple vendredi soir à 20 H, samedi matin à 8H et samedi soir à 20 H) ; cette administration réduit le risque d’hépatotoxicité, principale limite à son utilisation. C’est aussi un médicament tératogène persistant dans les tissus plusieurs semaines après son utilisation ce qui impose une contraception durant tout le traitement et pendant les 3 mois qui suivent l’arrêt, aussi bien chez l’homme que chez la femme. Avant prescription, il faut demander un bilan biologique (NFS, créatinémie, ASAt, ALAT, Ph alcalines, albuminémie sérologie hépatite C et B et éventuellement HIV). Certains médicaments doivent être évités (le triméthoprime-sulfaméthoxazole entre autres et les AINS quand les doses dépassent 15 mg par semaine).
La surveillance est simple : NFS toutes les semaines pendant 2 mois puis tous les mois, ASAT-ALAT, Ph alcalines, albuminémie tous les mois. L’apparition d’une cytolyse doit faire arrêter le traitement. Le methotrexate peut être associé à tous les traitements locaux, aux rétinoïdes et aux anti TNF alpha.
-› La ciclosporine. Elle est rarement utilisée compte tenu de ses effets secondaires (toxicité rénale, augmentation du risque de cancer cutané, HTA). Réservée aux psoriasis sévères à fort retentissement psycho-social, elle est administrée uniquement en cures courtes chez des personnes jeunes.
-› Les immunosuppresseurs sélectifs ou anti-TNF alpha. Ces traitements issus des biotechnologies ciblant la partie spécifique de la réponse immunitaire ont ouvert de nouvelles perspectives dans la prise en charge des patients adultes atteints de formes graves de psoriasis en plaques. Plusieurs ont l’AMM : l’etanercept (Enbrel*), l’infliximab (Remicade*), l’adalimumab (Humira*). Leur efficacité est démontrée à la fois sur les lésions cutanées et sur la qualité de vie mais ils ne peuvent être prescrits qu’aux patients atteint d’une forme modérée à sévère de psoriasis et n’ayant pas répondu ou n’ayant pas toléré au moins deux des traitements suivants : photothérapie, méthotrexate et ciclosporine. Leur tolérance est le plus souvent bonne, leur action rapide. Leur coût très élevé, le risque infectieux qu’ils génèrent, le recul encore limité des données de tolérance à long terme limitent leur utilisation mais les rhumatologues utilisent couramment ces traitements depuis une bonne douzaine d’années (3).
Le méthotrexate et les anti TNF alpha ont l’intérêt d’agir sur le psoriasis cutané mais aussi arthropatique plus souvent associés dans les psoriasis sévères relevant de ces traitements que dans les psoriasis légers.
En fait, souligne le Dr Parier, « on pratique fréquemment dans ces formes sévères de psoriasis un traitement rotationnel. Si l’efficacité du methotrexate pour un patient diminue après un an à deux ans, on propose une biothérapie. S’il échappe à la biothérapie, on revient au methotrexate qui souvent redevient efficace ou à une puvathérapie si elle est possible, puis éventuellement à nouveau à une biothérapie. » Cette alternance, très différente d'un patient à l'autre, élargit le champ des possibilités thérapeutiques (8).
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)