Compte tenu de l’impossibilité de définir quelles sont les KA qui évolueront vers un carcinome épidermoïde invasif, il est recommandé de traiter toutes les lésions avec, au mieux, une prise en charge de l’ensemble du champ de cancérisation cutanée. Pour la personne, les motifs de la consultation peuvent être l'aspect esthétique, le soulagement (certains KA sont sensibles) ou la prévention du cancer de la peau.
› Des informations doivent être données aux patients :
– cette lésion est un précurseur de CEC (carcinome épidermoïde cutané), mais le risque de la voir évoluer vers un CEC est faible ;
– cette lésion peut être traitée de façon ambulatoire, simple, peu invasive, peu coûteuse et efficace ;
– la présence de cette lésion indique un risque d’apparition d’un cancer cutané, du même type ou d’un autre type, au même site ou en d’autres zones ; ce qui implique une surveillance ultérieure régulière (3, 6 ou 12 mois selon les cas) pour s’assurer de
l’absence de lésion suspecte. Un apprentissage à l’auto-détection d’une nouvelle lésion sera aussi utile.
› Il existe de nombreuses possibilités thérapeutiques pour le traitement des kératoses actiniques. Le choix dépend du nombre de lésions, de leur évolution clinique, des caractéristiques de la personne (âge, état général, comorbidités, immunosuppression, antécédent de cancer cutané et d’exposition aux UV) et de la tolérance aux traitements (voir Tableau 1).
Traitement des lésions isolées
› La cryothérapie à l’azote liquide, simple d’utilisation, rapide et de faible coût représente le traitement de références des KA isolées. Elle nécessite une ou plusieurs séances ; son efficacité est opérateur-dépendante. Les meilleurs résultats seront obtenus avec une application « agressive », parfois répétée. Elle est souvent responsable d’une douleur locale avec sensation de brûlure et expose à un risque d’hypopigmentation résiduelle. Le taux de récidive assez élevé implique une surveillance.
› En deuxième intention, on recourt à l’un des traitements topiques indiqués ci dessous ou parfois à un curetage-électrocoagulation ou une ablation chirurgicale sous anesthésie locale plus contraignantes et moins utilisées. La photothérapie dynamique (PDT) est aussi une option possible (3).
Traitements des lésions multiples ou d’un champ de cancérisation
Compte tenu de la notion de champ « à risque » de cancérisation et du continuum entre kératoses actiniques et carcinome épidermoïde, ce type de traitement représente le meilleur choix en cas de lésions multiples, pour limiter les récidives et traiter potentiellement des lésions pré-cliniques (voir Tableau 2).
« Le 5-FU topique et l’imiquimod topique ont tous deux pour point commun de provoquer des effets secondaires locaux (érythème sévère, érosions, squames-croûtes suivis d’une reépithélisation) parfois importants et très différents selon les patients ; ces effets sont attendus et nécessaires, les produits n’étant efficaces que par le biais d’une inflammation qui signe l’élimination des cellules malignes. Une fois ces cellules éliminées, l’irritation disparaît même en continuant l’application du produit. La difficulté consiste à obtenir une inflammation suffisante sans pour autant entraîner de douleurs, cela nécessite une surveillance rapprochée pendant le traitement pour l’adapter au mieux et une bonne information du patient. »
› Le 5-FU topique (Effudix®), 2 applications par jour pendant 6 semaines ( surface traitée non supérieure à 500 cm²). Son faible coût et son efficacité en font un traitement de choix mais la tolérance locale peut en limiter l’utilisation. Les KA des maisn seraient plus résistants à l’azote liquide.
› L’imiquimod topique (Aldara®), molécule immunostimulante dont l’AMM concerne les lésions dont la taille ou le nombre limite l’efficacité ou la tolérance de la cryothérapie. La posologie est de 3 applications par semaine pendant 4 semaines. En cas de persistance après 4 semaines, un second cycle de 4 semaines est possible. Une réaction générale peut se voir avec un syndrome pseudo-grippal. Ce traitement est au moins aussi efficace que le 5-FU et la cryothérapie avec des résultats esthétiques comparables mais un coût plus élevé.
› Le diclofénac sodique (Solaraze®) bien toléré, à appliquer 2 fois par jour pendant 2 à 3 mois cependant les études sont encore insuffisantes pour évaluer son efficacité par rapport aux autres traitements topiques. Il dispose de l’AMM dans cette indication mais n’est pas remboursé.
› L’ingenol mébutate (Picato®) est un traitement en gel topique très récent, ayant l’autorisation européenne de mise sur le marché depuis 2012 et devant être prochainement commercialisé en France. Dérivé d’une plante Euphorbia peplus, induisant une nécrose lésionnelle associée à un recrutement de polynucléaires neutrophiles ciblant les cellules dysplasiques résiduelles, il est au moins aussi efficace que le 5-FU topique et l’imiquimod topique. Sa courte durée – deux ou trois jours seulement – devrait permettre une meilleure observance des patients ; gel (0,015 %) sur le visage ou le cuir chevelu une fois par jour pendant 3 jours consécutifs, gel (0,05 %) pour le tronc ou les extrémités pendant 2 jours consécutifs pour le tronc ou les extrémités. La zone maximale d’un traitement est de 25 cm². Les effets indésirables sont une réaction cutanée inflammatoire locale patient-dépendante parfois importante.
Traitements de deuxième intention
› La photothérapie dynamique consiste en l’application d’un précurseur photosensibilisateur systémique (Metvixia) sur les lésions puis en la photoactivation 3 heures plus tard par lumière bleue ou rouge conduisant à la mort cellulaire par stress oxydatif. Ce traitement est sélectif des cellules tumorales, les cellules et les tissus sains sont respectés. Le taux de guérison varie de 70 à 90 % lors qu’on réalise deux séances à 1 semaine d’intervalle. Les effets indésirables sont dominés par la douleur parfois vive lors de l’illumination, avec parfois des réactions locales. Le résultat esthétique se révèle le plus souvent très satisfaisant. Le coût est élevé, la procédure lourde mais avec l’avantage qu’une seule séance permet de traiter de grandes surfaces. L’espoir réside dans le développement de schémas thérapeutiques utilisant la lumière du jour qui pourrait permettre de développer, à moindre coût, l’utilisation de cette technique.
› Les traitements ablatifs et non-ablatifs tels que le laser, la dermabrasion, et les peelings profonds sont également des possibilités de traitement d’un champ de cancérisation. « Leurs effets secondaires sont souvent importants (douleur, modification de la pigmentation…) et le contrôle de leur efficacité difficile à évaluer. »
Cas clinique
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