La goutte est due la présence des cristaux d’urate de sodium qui se forment après une élévation chronique de l’uricémie. Les dépôts de cristaux restent le plus souvent silencieux mais sont aussi responsables de réactions inflammatoires récidivantes. Les facteurs et mécanismes qui déclenchent les crises ne sont pas complètement compris. L’inflammation de la crise de goutte dépend de nombreux médiateurs inflammatoires tels que l’interleukine (IL)-1β, IL-6, IL-8 et le facteur de nécrose tumoral (TNF)-α. Elle se déroule en trois phases : initiation, amplification et résolution. Les mécanismes d’auto-résolution de la crise de goutte ne sont pas bien connus. Des études récentes montrent que les crises de gouttes sont associées à un risque élevé d’événements cardiovasculaires, avec un risque persistant sur 4 mois.
92 protéines inflammatoires passées au crible
Les objectifs de cette notre étude étaient d’identifier les facteurs associés aux crises et à la résolution de l’inflammation goutteuse. Nous avons utilisé la technologie OLINK pour quantifier la production d’un panel de 92 protéines inflammatoires dans les plasmas des patients prélevés de façon prospective à trois phases différentes de la maladie : en crise de goutte (T1), en période intercritique et asymptomatique (T2) et après obtention de l’uricémie cible sous traitement hypouricémiant (T3). Les analyses ont été effectuées chez 71 patients avec des prélèvements T1 et T2, et chez 36 patients avec des prélèvements aux 3 temps. Nous avons identifié 21 médiateurs inflammatoires qui étaient exprimés différemment entre T1 et T2, et entre T1 et T3. Les résultats ont été validés sur une deuxième cohorte indépendante où nous avons confirmé l’augmentation de la concentration de 4 de ces 21 protéines : l’IL-6, le TNFSF14, le VEGF et le CSF-1.
Des concentrations articulaires de TNFSF14 plus élevées
La concentration du TNFSF14 des liquides articulaires était plus élevée dans les liquides articulaires de crise de goutte que dans les liquides d’arthrose. Et dans les modèles précliniques, l’expression de cette protéine était augmentée après une stimulation par les cristaux d’urate par rapport à une stimulation par solution physiologique. Sur les monocytes humains, la production de cytokines inflammatoires (IL-1β, IL-6, TNF-α) induite par les cristaux d’urate et le LPS était augmentée en présence de TNFSF14 recombinant. À l’inverse, elle était diminuée en présence d’un anticorps bloquant le TNFSF14. Enfin, des polymorphismes SNP du gène TNFSF14 étaient associés à des modifications de production de cytokines inflammatoires.
Le TNFSF14 est une glycoprotéine transmembranaire de la famille du TNF, décrite initialement dans les infections à Herpès virus. Il permet l’endocytose du virus et joue un rôle majeur dans la défense immunitaire innée. Il induit la production des interférons, nécessaire à la défense antivirale. Il joue un rôle important dans le relargage des cytokines lors de l’infection à Sars-CoV-2. Il est aussi impliqué dans l’inflammation vasculaire. Son expression est augmentée au décours des événements cardiovasculaires. Nos résultats montrent qu’il est probablement produit localement dans l’articulation enflammée puis participe à l’amplification de la réaction inflammatoire et contribue directement ou indirectement à l’effet systémique et au risque vasculaire.
Ces résultats nous montrent la complexité des crises inflammatoires microcristallines, en particulier de la crise de goutte, avec l’implication de nombreux médiateurs inflammatoires qui sont interconnectés. Le blocage du TNFSF14 pourrait être bénéfique sur le plan systémique et vasculaire.
Référence
*Hang-Korng Ea et al. Systemic inflammatory cytokine profiles in patients with gout during flare, intercritical and treat-to-target phases: TNFSF14 as new biomarker. Ann Rheum Dis 2024 Feb 28: ard-2023-225305. doi: 10.1136/ard-2023-225305.