LE QUOTIDIEN – La fin de l’exercice 2009 approche. L’AP-HP tiendra-t-elle son objectif d’activité ?
BENOÎT LECLERCQ – Nous ne sommes pas dans les clous par rapport à nos prévisions. L’activité globale de l’AP-HP progresse légèrement, nos recettes également, mais nous perdons des points en chirurgie. Nous en recherchons les causes. Parmi celles-ci, il est vrai, par exemple, que certains de nos blocs sont en sous productivité, faute d’être organisés de façon optimisée. Mais grâce à l’informatique nous parvenons mieux à identifier nos difficultés et c’est en soi une amélioration : nous connaissons la durée des interventions, le délai entre deux interventions, l’activité de chaque salle opératoire. Et nous pouvons nous comparer avec les indicateurs nationaux moyens.
Un autre directeur de CHU a établi un hit-parade de ses chirurgiens il y a quelques années. Y seriez-vous prêt ?
Je ne vois pas l’intérêt de comparer le chirurgien orthopédiste au neurochirurgien. Cela peut être une piste quand on a épuisé les autres solutions. À l’AP-HP, nous procédons autrement : observation de l’activité, communication de cette activité, discussion collective autour de l’information. Ces discussions agissent comme le radar sur l’autoroute ! Elles conduisent à faire évoluer les comportements. Nous travaillons également sur les plateformes d’imagerie pour optimiser leur fonctionnement. Si un IRM fait 3 200 examens par an alors que la moyenne nationale est de 4 500, il faut comprendre pourquoi, et y remédier.
La loi HPST vous donne de nouveaux outils. Allez-vous recourir aux nouveaux contrats médicaux pour dynamiser les services qui ronronnent ?
Je ne dirais sûrement pas la même chose si je dirigeais un hôpital dans la Drôme ou en Lorraine, mais pas à l’AP-HP, qui ne devrait pas rencontrer de difficulté massive pour recruter des médecins. Le flux démographique et l'intérêt pour l'AP-HP devraient permettre d'éviter le recours à des contractuels. Sans compter qu’il serait difficile de faire cohabiter dans le même service des médecins qui gagnent 40 % de plus que d’autres, pour faire la même chose. Les praticiens hospitaliers sont des agents publics avec un statut qui est une garantie pour eux. Nous réserverons l'utilisation exceptionnelle du contrat pour d'éventuels cas d'hyperspécialisation.
La loi a changé les procédures de nomination et d’affectation des praticiens hospitaliers. Quel usage comptez-vous faire de ces nouvelles règles ?
Au plan individuel, chaque nouveau praticien hospitalier sera recruté sur la base d’objectifs. Si le praticien ne remplit pas sa mission de manière adaptée, il existera pour le directoire les moyens de faire respecter les objectifs. Ce schéma est le même qu'avec les cadres de direction qui ont des objectifs à tenir et qui, en cas de difficulté, peuvent être aidés, comme les médecins, et qui, si les difficultés persistent, peuvent être mis a disposition du Centre national de gestion (deux cas en cours à l’AP-HP).
Les usagers réclament davantage de transparence. Les médecins communiquent-ils assez sur leur activité, en termes de volume et de qualité ?
Nous amplifions notre travail sur la qualité à l’AP-HP. La CME vient d’examiner une revue de mortalité et de morbidité : 55 % de nos services jouent le jeu. L’objectif est de parvenir à 100 %. Les classements des hôpitaux par les magazines, les travaux de la HAS [Haute autorité de santé, NDLR], ceux du ministère comme les ICALIN [indicateurs composites des activités de lutte contre les infections nosocomiales], ont amorcé un changement. C’est aux chercheurs de bâtir des indicateurs. Mon rôle, en tant que DG, consiste à faire connaître ces indicateurs pertinents au grand public. Il faut qu’on arrive à publier des tableaux par hôpital et par pôle, à la fois sur la qualité des soins, le volume d’actes, et les infections. Les médecins, comme le sont les directeurs, devraient être évalués de manière adaptée. Une fois les décrets [découlant de la loi HPST, NDLR] parus, l'intéressement, rendu plus facile, pourra concerner les pôles qui font un travail constructif autour de la qualité, la revue de mortalité et de morbidité particulièrement.
Claude Évin, qui a pris la tête de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, compte s’intéresser de près à la gestion de l’AP-HP. Comment envisagez-vous la suite ?
Nous allons travailler avec l’ARS de manière approfondie. L’AP-HP représente 30 % de l’hospitalisation francilienne. Elle est un acteur important, et entend être traitée comme tel. L’ARS apportera une cohérence régionale, ce sera beaucoup plus simple de créer des réseaux ville-hôpital. L’AP-HP, par exemple, a mis en place d’un dossier hospitalier patient testé avec certains médecins libéraux qui peuvent recevoir, via Internet et de façon cryptée et donc très sécurisée, différents documents (lettre de sortie, examens d’imagerie et de biologie, compte rendu opératoire). Le dossier patient de l'AP-HP peut améliorer la circulation de l'information médicalisée. Il s’agit maintenant de le généraliser, et l’ARS pourra nous y aider. L’ARS va nous amener à mieux définir notre politique de territoire, à renforcer nos liens avec la médecine de ville, et à mieux travailler avec les établissements de santé publics ou privés de notre environnement.
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