Lutte contre le harcèlement moral à l'hôpital

L'association Mégnien cherche l'oreille du pouvoir

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Publié le 25/03/2019
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Crédit photo : DR

« Je rêve d'un hôpital où les directions médicales et administratives sont partagées. » Par ces mots, le Pr Philippe Halimi résume la logique des propositions que l'association nationale Jean Louis Mégnien qu'il préside essaye tant bien que mal de faire entendre.

Selon lui, pour combattre les cas de harcèlement moral à l'hôpital, il faut déconstruire la loi Bachelot (HPST), qualifiée de « monstre technocratique » et accusée d'avoir conféré aux directeurs des « pouvoirs exclusifs dans tous les domaines », anéantissant ainsi tout contre-pouvoir.

L'association propose de scinder le directoire en deux comités distincts : un « comité médical stratégique », avec à sa tête le président de la commission médicale d'établissement (CME) et un « comité administratif et financier » présidé par le directeur.

En séparant ainsi les pouvoirs et en créant une direction médicale, le Pr Halimi veut apaiser les rapports entre les praticiens et leur direction et limiter les sources de tension. « Avant on avait les mandarins, maintenant les directeurs tout-puissants, il faut remettre le curseur au milieu », suggère le radiologue de l'Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP, AP-HP), qui se défend d'attaquer ad hominem les directeurs qui gardent, rassure-t-il, « une place très légitime à l'hôpital ».

L'association propose aussi d'améliorer les voies de recours juridique à deux niveaux : la création d'une circonstance aggravante en cas d'incapacité de travail importante d'une victime de harcèlement moral au travail ; le recours facilité à une protection fonctionnelle jusqu'alors soumise à l'accord de la direction.

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Mais sur les quelque 2 000 amendements déposés à l'Assemblée nationale pour modifier le projet de loi de santé défendu actuellement par Agnès Buzyn, aucun ne reprend les propositions de l'association Mégnien. Un fiasco pour cette structure qui peine encore à trouver des soutiens trois ans après sa création, à la suite du décès à l'HEGP du médecin qui lui a donné son nom. En dépit de deux récents suicides de praticiens à l'hôpital Avicenne de Bobigny (AP-HP) et au CHU de Nîmes (Gard), « le projet de loi est squelettique voire inexistant en matière de gouvernance », fustige le Pr Halimi.

L'association jouit pourtant d'une écoute attentive de deux parlementaires influents : le député Olivier Véran et le sénateur Alain Millon. La conseillère santé d'Emmanuel Macron l'a également reçue. Seule la porte de Ségur leur reste fermée. Leurs cinq demandes d'entretien sont restées lettre morte.

Pas question de baisser les bras pour autant. Les responsables de l'association ont déjà prévu de rencontrer plusieurs élus dans les semaines à venir et expliquent travailler activement avec le médiateur national Édouard Couty. Dernier bémol, le décret autorisant le déploiement de médiateurs régionaux dans les hôpitaux se fait toujours attendre. « C'est à se demander si on veut vraiment qu'il soit publié un jour », s'interroge le Pr Halimi.

Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin: 9735